NEY (Michel, duc d’Elchingen, prince de la Moskowa), 1769-1815, maréchal

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NEY (Michel, duc d’Elchingen, prince de la Moskowa), 1769-1815, maréchal
Etude préparatoire pour un portrait équestre du maréchal Ney, apr J.-B. Isabey © Fondation Napoléon

Il naquit le 10 janvier 1769 à Sarrelouis, avant-poste français en Lorraine allemande. Il était d’origine modeste : son père, artisan tonnelier, avait été soldat et fait la guerre de Sept Ans. Michel aura une formation première insuffisante. Attiré par l’armée, le jeune homme s’engage à l’âge de dix-neuf ans dans le 5e hussards à Metz. Il sera sous-lieutenant en 1792 à l’armée Sambre-et-Meuse où il sera remarqué par un grand chef, Kléber. Cavalier et chef de partisans, il est général en 1796. Comme il est roux, ses hommes l’appellent le « rougeaud » ; il n’est pas facile, orgueilleux, susceptible mais n’a peur de rien.

De l’armée du Rhin à Tilsit

Général de division en 1799, il signe avec les symboles maçonniques, car, comme beaucoup de militaires, il est maçon. En 1800, il est toujours à l’armée du Rhin avec Moreau, et sera avec Richepance l’un des héros de Hohenlinden.

Le Premier Consul a ses inconditionnels qui sont les anciens d’Italie et d’Égypte, mais il doit rallier des hommes de l’armée du Rhin pour compléter son emprise. Il élimine les conspirateurs, Pichegru et surtout Moreau, son rival direct. Il en éloignera d’autres, à Saint-Domingue ou ailleurs. Il va séduire Ney, d’abord en le mariant avec Aglaé Auguié, amie d’Hortense de Beauharnais depuis leur séjour à la pension de Mme Campan. Le mariage a lieu à Grignon avec Savary comme témoin. Ensuite, Bonaparte va nommer Ney ministre plénipotentiaire en Suisse, mission dont il s’acquittera bien. Là , il fera la connaissance d’un historien curieux de stratégie, Jomini, qui va l’impressionner et aura sur lui une influence souvent douteuse. Enfin, Bonaparte va lui confier le commandement du 6e corps à Montreuil-sur-Mer, au camp de Boulogne, creuset de ce qui sera la Grande Armée. Le 8 mai 1804, c’est l’Empire, et 18 maréchaux sont nommés ; Ney figure au 12e rang.

En 1805, la guerre contre les Austro-Russes éclate, et Napoléon lance ses hommes vers le Danube. Le corps de Mack aventuré devant Ulm est coupé, mais on ne sait où il est. Ney couvre le fleuve en aval de la ville qu’il croit abandonnée. Le 11 octobre, Dupont aventuré avec sa division vers Haslach, évite l’écrasement avec bonheur et se replie assez désuni. Ney a abandonné le pont d’Elchingen et tâtonne. Napoléon est furieux. Ney, vexé, va alors se racheter brillamment sur le terrain en menant tambour battant l’attaque d’Elchingen, refoulant les Autrichiens de Riesch, vaincus, dans Ulm. Piètre stratège, Ney est l’homme des batailles. Un de ses aides de camp dira : « Il est comme un demi-dieu sur son cheval, un enfant quand il en descend ».

Le 6e corps, détaché vers le Tyrol, ne sera pas à Austerlitz. Le 14 octobre 1806, à Iéna, Ney va commettre deux fautes. Pressé, il n’amènera que l’avant-garde de son corps d’armée. Ensuite, il va, dès son arrivée sur un terrain encore couvert par le brouillard, se lancer trop tôt à l’attaque. Pendant la poursuite il sera chargé du siège de Magdebourg. En Pologne, il fait quelques fantaisies, ayant du mal à suivre les ordres ou plutôt à les interpréter. À Eylau, le 8 février 1807, chargé de neutraliser le corps prussien de Lestocq, il le laisse passer et ce renfort permettra aux Russe de sauver une bataille indécise et terrible pour les deux camps. Le maréchal va se  montrer, en revanche, très brillant les 5 et 6 juin 1807 à Guttstadt et le 14 juin, à Friedland. Après Tilsit, il est créé duc d’Elchingen.

En Espagne et au Portugal

Après le désastre de Baylen, Napoléon doit amener ses divisions en Espagne pour remettre Joseph sur le trône. À gauche, vers Saragosse, c’est Lannes qui doit battre Castanos. Ney doit effectuer un mouvement tournant par Soria pour déboucher derrière Castanos, mais il arrivera trop tard, alors que Lannes, lui, a bien compris la pensée de l’Empereur. Jaloux, Ney déclenche l’un des nombreux conflits qui l’opposent aux autres maréchaux. Cette fois-ci, c’est le  placide Moncey qui en fera les frais sans que l’on sache vraiment pourquoi.

Quand il faut quitter Madrid pour faire la chasse aux Anglais, Napoléon va traverser la sierra de Guadarrama dans des conditions impossibles. Ney est en tête. Les Anglais ont pris, en hâte, la route de La Corogne où leur flotte les attend. L’Empereur, rappelé vers l’Autriche, laisse Soult achever l’expulsion des Britanniques. Ney, passé au second plan, est à nouveau furieux, mais cette fois contre Soult. Celui-ci est envoyé vers le Portugal, et Ney est chargé de l’occupation de la Galice. Ruminant ses rancunes, il s’occupe d’une duchesse, pressure la race « maudite des curés et des moines » et prélève l’argent. Quand Soult, trahi, parvient par miracle à s’échapper du Portugal et revient en Galice avec des troupes décimées et épuisées, Ney le reçoit mal, et le conflit ira jusqu’à l’Empereur. Jomini, envoyé par Ney pour défendre sa cause, va échouer et le maréchal se retrouve sous les ordres de ce Soult qu’il déteste. Il aura désormais tendance à traîner, retardant leur intervention dans la manœuvre de Talavera. L’incurie de Joseph fera le reste, et ce qui aurait pu devenir une grande victoire ne sera qu’un demi-succès.

Rentré en France pour voir Napoléon, Ney sera vite renvoyé par celui-ci, excédé par ces conflits qui opposent ses lieutenants dès qu’ils est loin d’eux.

En mai 1810, Masséna est chargé d’envahir le Portugal où les Anglais sont installés. On a mis sous ses ordres Ney et Junot ; tous deux sont vexés d’avoir à obéir au prince d’Essling, et les conflits de personnes vont recommencer dès les premiers combats. Ils iront jusque devant Lisbonne, mais se heurteront à une armée anglo-portugaise aussi nombreuse que la leur et surtout retranchée derrière les lignes de Torres Vedras, imprenables. Le retour sera difficile ; malgré toute sa patience, Masséna ne pourra se faire obéir de Ney qui multipliera les incartades et les vexations. Aussi devra-t-il le destituer le 22 mars 1811 et le renvoyer en France. Le duc d’Elchingen va échouer au camp de Boulogne pour préparer les troupes qui vont bientôt participer à l’attaque contre la Russie et dont à peine un quart est formé de Français. Ney reçoit le commandement du 3e corps, 34 000 hommes, dont le contingent du Wurtemberg.

La campagne de Russie

Jusqu’à Smolensk, il ne sera pas engagé et pourtant son corps n’a plus que 20 000 hommes présents. Au-delà de cette ville, sur la route de Moscou, à Valoutina, le 19 août, les Russes barrent la route. Ney, Murat et Junot sont bloqués. Junot diminué reste inactif. Murat et Ney, voyant arriver la division Gudin du corps de Davout, vont la laisser se sacrifier. Gudin est tué. Davout et d’autres n’apprécieront pas cette passivité. Enfin, le 7 septembre, la grande bataille est offerte par Koutouzov devant Borodino, près de la rivière Moskowa.

Napoléon n’a plus avec lui que 108 000 hommes et va affronter les 140 000 Russes retranchés solidement et résolus. Ney n’a plus en ligne que 10 333 combattants. Qu’importe ! Il  fera marcher ce qu’on lui donnera, la bataille c’est son affaire. Il sera brillant, enlevant la position de Semenovskolë avec la division Friant détachée du corps de Davout, aidé par les cuirassiers de Nansouty et par ceux de La Tour Maubourg (Saxons et Polonais). À gauche, la grande redoute tombe aussi, et les canons de Sorbier vont massacrer pendant des heures les Russes qui ne quitteront ce champ de carnage qu’à la nuit. 50 000 russes et 26 000 Français sont hors de combat. La cavalerie française a perdu un nombre considérable de chevaux.

Le 14 septembre, Napoléon entre dans Moscou, puis c’est l’incendie. Croyant avoir gagné la paix, l’Empereur va demeurer à Moscou trop longtemps. Le 19 octobre seulement, 90 000 hommes quittent la ville. Le 3  novembre, il faut se battre à Viasma, et Ney dénigre Davout qui est à l’arrière-garde. Il va le remplacer. Le 14, il arrive à Smolensk où les quelques réserves de vivres ont été pillées. Il en partira le dernier, se moquant des gens qui ont « peur des Cosaques ». Méprisant les avertissements de Davout qui le précède, il traîne et arrivera trop tard devant Krasnoë le 18 novembre. La route est barrée par l’armée russe. Après un combat inégal, il va traverser le Dniepr sur la glace en train de fondre et réussira à ramener ses hommes, rejoignant Napoléon qui le croyait perdu. Le 26 novembre, le passage de la Bérézina commence ; le 27, Ney renforce Oudinot sur la rive droite. Le 28, ils sont attaqués et remportent une victoire étonnante. Sur la rive gauche, Victor se bat jusqu’à la nuit avant de passer les ponts à son tour, le dernier.

Le plus terrible reste à affronter, le froid qui était jusque-là insuffisant pour geler la Bérézina… Les survivants atteignent Vilna le 9 décembre. Puis c’est Niémen, que Ney passera le dernier. Il sera le symbole du héros de la retraite, et Napoléon lui donnera le titre mérité de prince de la Moskowa. Ney est en faveur et aura des commandements importants en 1813 à Bautzen, à Lützen. Il échouera à Dennewitz, se battra à Leipzig. Il sera aussi à Montmirail, mais son enthousiasme est bien loin, il critique ses pairs, il critique l’Empereur. Il est désabusé.

De la campagne de France à Waterloo

La campagne de France n’a pas pu arrêter les armées alliées qui déferlent et vont entrer à Paris. Napoléon est à Fontainebleau avec son armée. Talleyrand a réussi à installer chez lui l’empereur de Russie qui domine le débat. Napoléon n’a plus autour de lui que quelques fidèles parmi les maréchaux, ou plutôt il les croit encore fidèles. Ney fait partie des émissaires envoyés à Paris pour négocier. Il va se faire retourner doucement, plus doucement que Marmont qui, dans la nuit du 4 au 5 avril 1814, organise la défection de son corps. Napoléon, bientôt abandonné par Ney aussi, va tenter de se suicider. C’est l’abdication et le départ pour l’île d’Elbe. À l’entrée du comte d’Artois dans Paris, plusieurs maréchaux dont Ney font partie de l’escorte.

La première Restauration sera maladroite, et les élites de l’armée vont se sentir brimées et rejetées (il en sera de même pour la majorité du peuple français). C’est pour cela que le retour de l’île d’Elbe va devenir possible. Le 1er mars 1815 , Napoléon débarque au Golfe-Juan avec sa petite escorte de fidèles. La nouvelle arrive vite, et Ney, qui est dans sa propriété des Coudreaux près de Châteaudun, court à Paris où il est reçu par le roi. Excessif comme toujours, il assure qu’il va intervenir et ramener Napoléon dans une cage de fer… Il part pour Lons-le-Saunier, mais voit bien que la troupe ne suit pas, et il est retourné à nouveau par des émissaires de l’Empereur. Il va finir par aller vers lui, mais ce ne sera pas sans rancune de la part du revenant.

Ney se retire alors dans sa propriété, mais la guerre revient vite et Napoléon l’appelle auprès de lui. Il se rend à Charleroi, avec un seul aide de camp, pour prendre le commandement des forces, qui sur la gauche, doivent contrer les Anglais vers les Quatre-Bras, le 16 juin 1815. L’empereur, lui, va s’occuper de Blücher à Ligny et le battre brillamment. Malheureusement, Ney est moins brillant et n’a pas su utiliser ses divisions alors qu’il aurait pu vaincre des ennemis arrivant en ordre dispersé, manquant ce qui aurait dû être une victoire complétant Ligny.

Le 18 juin, il faut affronter l’ennemi de à Waterloo. Cette bataille mémorable sera perdue par les fautes accumulées, et par la pluie qui a détrempé le terrain et retardé l’attaque. Déjà Napoléon sait que les Prussiens arrivent sur sa droite. Grouchy n’a pas su les arrêter, il aurait pu au moins les suivre. Jérôme Bonaparte, promu chef de corps, conduira au plus mal l’attaque de Hougoumont ; Ney va multiplier les erreurs, donnant à Drouet une formation d’attaque stupide et, plus tard, conduisant des charges de cavalerie démentielles sur le plateau, sans même faire enclouer les canons anglais. Il cherchera à se faire tuer sur la fin avant que la débâcle ne se déclenche.

Les derniers mois

De retour à Paris , il va tenir un discours invraisemblable à la Chambre des pairs, retournant bêtement sa veste. Fouché, traître mais habile, va lui fournir des passeports pour lui permettre de quitter la France, tout en le mettant ensuite sur la liste des ennemis de la royauté. Ney, finalement, ne partira pas et se réfugiera chez des amis où il sera arrêté le 3 août. Une fois Napoléon parti, les ultras veulent des exemples. Ney sera le plus spectaculaire.

Le conseil de guerre désigné pour le juger se déclare incompétent. Le maréchal Moncey montre sa noblesse en refusant d’y participer et en est puni. Beau caractère… Maladroit et susceptible, Ney ne veut pas être traité comme un tambour. Il veut être jugé par la Chambre des pairs… Quelle erreur ! Il se retrouve condamné à mort malgré la déposition de Davout en sa faveur – Davout qu’il a si mal traité. En revanche, dans la liste terrible de ceux qui vont voter sa mort, on trouve les noms des maréchaux Marmont, Sérurier, Kellerman, Perignon, Victor, des généraux Dupont, Maison, Desolle, La Tour-Maubourg, Compans, Lauriston, de Beurnonville etc. D’autres auront la noblesse de s’opposer à cette mort comme Chasseloup-Laubat, Curial, Klein, Fontanes (Grand-maître de l’université), le duc de Broglie.

L’exécution a lieu le 7 décembre 1815, près de l’observatoire. Certains ont voulu croire que c’était un simulacre et ont inventé le mythe de la survie de Ney en Amérique, sauvé par la maçonnerie… Ney, « le brave des braves », a été victime de  son manque de caractère et de ses erreurs. Cela n’excuse pas cette basse vengeance de la Restauration.

Auteur : François-Guy Hourtoulle. Article du Dictionnaire Napoléon, dirigé par Jean Tulard, Éditions Fayard.

Cet article a été reproduit avec l’aimable autorisation des Éditions Fayard.

► Le mémoire de Master 2 de Yuhan Wang (Université de Picardie Jules-Verne) éclaire les motifs du revirement du « Brave des braves » en mars 1815 : à lire en ligne en suivant ce lien.

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