OBERKAMPF, Christophe Philippe, (1738-1815), manufacturier

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Oberkampf est né à Weissenbach (Bavière),

le 11 juin 1738. Son père, un teinturier, avait perfectionné l'industrie de l'impression sur étoffes, grâce à des rouleaux gravés. Après avoir exploité son talent dans plusieurs villes allemandes, il avait fixé son industrie à Aarau (canton d'Argovie), en Suisse. En 1757, à dix-neuf ans, le jeune Oberkampf quitte sa famille. Il travaille tout d'abord à Mulhouse, chez Dolfuss, puis à Paris, où il est graveur à l'Arsenal (1760). À cette époque, il s'installe à son compte, à Jouy-en-Josas (Yveline), où il fonde une manufacture de toiles peintes : on y colore les toiles qui sont tissées par les paysannes travaillant à domicile (1).
 
Depuis le XVIIe siècle, les cotonnades aux couleurs chatoyantes importées d'Asie, sous le nom d'indiennes, connaissaient un grand succès auprès de la noblesse et du peuple des villes et des campagnes. La manufacture d'Oberkampf connaît une croissance spectaculaire entre 1765 et 1770, année où l'entrepreneur achète la fabrique de Corbeil (tissage et filature). Le succès est dû à l'adoption des techniques les plus avancées (impression à la planche de cuivre, teintures comme le bleu anglais à base d'indigo et la garance alsacienne), mais aussi à une politique de qualité (Oberkampf recrute de bons techniciens suisses et se procure les meilleurs cotons tissés en Beaujolais et en Normandie, à partir des fibres achetées auprès des Compagnies des Indes françaises ou anglaises). Les dessins, qui sont l'oeuvre notamment de Jean-Baptiste Huet, au début de 1780, représentent des thèmes mythologiques mais empruntent aussi à l'actualité littéraire, avec le Mariage de Figaro.

Oberkampf est naturalisé français en 1770.

En 1787, le roi Louis XVI l'anoblit et fait de son entreprise une manufacture royale. Oberkampf construit à Jouy-en- Josas, une immense bâtisse de 4 étages (110 m de long sur 14 de large), où travaillent près de 1 200 personnes.

Il a des difficultés au début de la Révolution, mais il réussit à se maintenir par des dons et des augmentations de salaires. Il est aussi membre de la franc-maçonnerie (à la loge « La Parfaite Harmonie » à l'Orient de Mulhouse). En 1805, il s'est bien repris et ses bénéfices dépassent 1,5 million de francs. L'industriel fait la fortune de Jouy-en-Josas, dont il devient le maire.

Sous l’Empire, un voyageur allemand écrit :

« À quelques lieues de Paris, Jouy, agréablement situé au bord de la petite rivière de Bièvre ou des Gobelins, est célèbre par la grande manufacture d'indienne qui s'y trouve. Elle a été fondée par C.P. Oberkampf en 1760 et a atteint peu à peu son haut degré actuel de perfection. La marchandise se recommande par ses couleurs belles et solides et jouit de la plus grande renommée dans presque toute l'Europe sous le nom de Toiles de Jouy. Ces articles sont : toiles pour robes, toiles pour tentures et mouchoirs, shalls. On y trouve appliqué tout ce qu'il y a de nouveau en fait d'inventions et d'améliorations ; on imprime avec des formes, des cylindres et des plaques de cuivre ; on calandre avec des rouleaux, etc. Parmi les inventions de cette maison, on signale le chauffage à vapeur récemment introduit ; la vapeur d'eau chauffée est envoyée par des serpentins montants et descendants dans autant de cuves de couleurs qu'il y en a dans la teinturerie. Le nombre des tables à imprimer est d'environ deux cents et celui des pièces fabriquées annuellement de trente à quarante mille. Le débit de la manufacture a diminué, pour une part importante, du fait des événements d'Espagne (2). Le même Oberkampf possède un établissement analogue à Essonnes et y installe aussi une grande filature et un tissage de coton ; la filature actionnera environ cent mille broches. Je ne dois pas passer sous silence que la fabrique d'Oberkampf à Jouy possède un laboratoire de chimie remarquablement installé et que les apprentis y reçoivent, en hiver, un enseignement de chimie » (Napoléon, éd. Rencontre, tome 5, p. 147)

Le 20 juin 1806, l’Empereur rend visite à Oberkampf.

Il le félicite pour sa réussite professionnelle et sociale et, prenant sa propre Légion d'honneur, il la remet à l'industriel, en lui disant : « Vous et moi, nous faisons une bonne guerre aux Anglais, vous par votre industrie, et moi par mes armes. Mais, c'est encore vous qui faites la meilleure » (J. Tulard et L. Garros, Itinéraire de Napoléon, p. 249).
 
Le 29 août 1810, il revient à Jouy-en-Josas et revisite la manufacture avec l'Impératrice Marie-Louise (Itinéraire précité, p. 343). L'Empereur offre même à Oberkampf un siège de sénateur, mais celui-ci le refuse par modestie. En 1815, les troupes alliées saccagent sa manufacture. Oberkampf en est désolé. « Ce spectacle me tue », disait-il. Effectivement, il meurt d'une crise de goutte, le 4 octobre 1815, à 77 ans.

Il est inhumé dans le parc du château de Montcel, à Jouy,

qu'il avait acheté et donné à sa fille Émilie (1794- 1856), épouse du banquier Louis-Jules Mallet (1789-1866). Le frère de Louis-Jules, Adolphe-Jacques dit James Mallet (1787- 1868) avait épousé Laure Oberkampf (1797- 1879), soeur d'Émilie (Louis-Jules et Jacques étaient les fils de Guillaume Mallet, régent de la Banque de France (1747-1826) (3) (4).
 
L'entreprise Oberkampf sera démantelée en 1820. Les repreneurs l'exploiteront jusqu'en 1840 et les bâtiments seront démolis en 1863.
 
Dans le parc de la mairie (résidence d'Oberkampf de son vivant) : on voit l'endroit où il reçut la Légion d'honneur), on y trouve aussi la cloche que l'industriel faisait sonner pour appeler ses ouvriers au travail (V. Guide Napoléon, Jouy-en-Josas,
p. 386) (5) (6).
 
Depuis 1864, une rue de Paris (11e) ainsi qu'une station de métro rappellent son souvenir. À Corbeil-Essonnes, il existe également une rue Oberkampf.

Marc Allégret
Revue du souvenir Napoléonien
n°464
Avril-mai 2006
p. 60

Notes :

(1) La modeste maison où il s'installe existe encore : c'est la maison du Pont de Pierre, rue de la Manufacture des Toiles de Jouy).
(2) En 1806, Oberkampf importe du coton du Brésil, mais les 2 658 balles qu'il avait achetées restent bloquées à Lisbonne, lors de l'arrivée de Junot, et Oberkampf subit une lourde perte (Dictionnaire Napoléon, p. 1256, notice Jean Tulard).
(3) Voir Romuald Szramkiewicz, Les régents et censeurs de la Banque de France nommés sous le Consulat et l'Empire, Genève, Librairie Droz, 1974, pp. 225 à 230.
(4) Sur les aspects économiques de l'activité d'Oberkampf, voir : Napoléon et l'Industrie, L'industrie du coton, par André Thépot, RSN n° 257, janvier 1971, pp.4 à 8.
(5) Le Musée de la Toile de Jouy (1991), se trouve au château de l'Églantine, avenue Canrobert, à Jouy-en- Josas.
(6) Autres sources : Michaud, Biographie universelle, tome 31, p. 129 ; Dictionnaire Napoléon, p. 1256, notice Jean Tulard ; Dictionnaire d'Histoire de France, Trésor du Patrimoine, 2002, p. 755 ; Dictionnaire des Monuments d'Île-de-France, Hervas, Jouy-en-Josas, pp. 420 à 423 ; J.-P. Tarin, Les notabilités du Premier Empire, Leurs résidences en Île de-France, C. Térana éditeur, 2002, p. 541.

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