ROUSTAM (1782-1845), mamelouk de Napoléon

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ROUSTAM (1782-1845), mamelouk de Napoléon
Statuette équestre du mamelouk Roustam
© Fondation Napoléon/François Doury

Né en 1782, à Tiflis, en Géorgie, enlevé vers l’âge de 13 ans, puis acheté par un bey du Caire et entré dans le corps des mamelouks, il passe ensuite au service du cheikh El Becri.

En août 1799, probablement le 12 août, celui-ci offre au général en chef Bonaparte un magnifique cheval arabe pur sang, tenu en main par le jeune mamelouk Raza Roustam, d’origine géorgienne, qui faisait également partie du don, en compagnie d’un autre jeune homme, Ali, bien vite renvoyé en raison de son agressivité – et qu’il ne faut pas confondre avec son homonyme, lequel accompagnera l’exilé de Sainte-Hélène, en réalité un Versaillais nommé Saint-Denis.

Ensuite, le 1er fructidor an VII, (18 août 1799), le général Bonaparte se dirige secrètement vers Amlexandrie, pour son retour en France, avec quelques privilégiés, sur deux frégates ; La Muiron (du nom du jeune aide de camp qui a été tué au pont d’Arcole, en protégeant son général) emportait le général Bonaparte, Berthier, Andréossy, Monge, berthollet, Eugène de Beaharnais, Duroc, Lavalette, Merlin, Bourrienne et Raza Roustam ; sur la frégate La Carrière : Lannes, Murat, Marmont et Vivant-Denon (cf. Gloire et Empire, n° 7, juillet-août 2006, p. 83).

Durant la traversée, Roustam est inquiet. Il dit au général Bonaparte : « Tout le monde dit que quand je serai arrivé en France, on me coupera la tête. Si cela est vrai, je voudrais que ce soit à présent et qu’on ne me fasse pas souffrir jusqu’en France ». Le général lui tire l’oreille en lui disant : « ceux qui t’ont dit cela sont des bêtes. Ne crains rien. Nous arriverons bientôt à Paris, où nous trouverons beaucoup de jolies femmes et beaucoup d’argent. »

Le général Bonaparte réussit son extraordinaire traversée, la frégate La Muiron accoste à Ajaccio le 30 septembre 1799 et lui-même, arrive à paris, le 16 octobre 1799.

Ensuite, Roustam devient une figure légendaire liée à Napoléon. « Tout étranger qui vient à Paris veut le voir. » En 1800, à Paris, il précéda la calèche du Premier Consul et les promeneurs admirent son costume : son beau turban blanc, sa veste de velours sombre richement décorée par des motifs or, ses jupes larges et sa superbe jument, la plus élégante trotteuse de Paris. En conséquence, la mode des mamelouks fait fureur chez les jeunes femmes et les jeunes garçons.

Roustam est l’homme à tout faire du futur Empereur, de l’assistance à la toilette à la protection rapprochée (il dort en travers de la porte), en passant par l’installation de la chambre. Il devient inséparable de l’image de Napoléon et figure désormais à ses côtés sur de nombreux tableaux. On lui fait même une vilaine réputation (il aurait étranglé Pichegru dans sa cellule et assassiné nombre d’opposants !), alors que l’homme est doux et bon, s’adaptant parfaitement à la vie française.

Pour le sacre (2 décembre 1804), l’Empereur envoie Roustam chez les tailleurs Sandoz et Chevallier, pour la confection de deux costumes (5800 francs pour celui fait par Chevallier). Lors de l’arrivée à Notre-Dame de Paris, Roustam est dans le cortège, et en bonne place, malgré les « ergoteries du grand écuyer ».

Puis il accompagne Napoélon, lors de ses voyages en Hollande, à Venise et à Milan (pour le sacre comme roi d’Italie). Peu après, Roustam reçoit le brevet de porte-arquebuse et le salaire correspondant, soit 2400 francs par an.

En 1806, Roustam parle de mariage, il s’était épris de la jeune Alexandrine Douville, la fille d’un huissier de Joséphine (1787-1857). Elle avait alors 19 ans, et elle était fort jolie. Mais, il y a des obstacles : Roustam n’était pas catholique romain, le grand-juge et l’archevêché chicanent. L’Empereur intervient, écarte les difficultés, signe le contrat de mariage et paie les repas de fiançailles et de mariage, après Austerlitz, le 12 février 1806 (1341 francs, dans un cabaret à la mode).
A Saint-Cloud pour avoir Roustam prsè de lui, Napoléon affecte un deux-pièces au jeune couple.

Après Iéna, l’Empereur et Roustam font une netrée triomphale à Berlin, le 27 octobre 1806 (voir le tableau de Charles Meynier : Histoire de Napoléon  par la peinture, p. 99 ; on aperçoit, parmi les chapeaux des officiers, le turban blanc de Roustam).

A Pultusk (26 décembre 1806), Roustam reçoit une lettre de sa belle-mère lui annonçant la naissance d’un fils, Achille. Napoléon s’en réjouit : « Achille, j’ai un mamelouk de plus. Ensuite, Roustam est présent à Eylau, le 9 février 1807 (voir tableau d’Antoine Jean Gros, Histoire de la peinture précitée p.110 ; au second plan, à gauche, parmi les officiers on aperçoit le turban blanc de Roustam), àFriedland (14 juin 1807) et à l’entrevue de Tilsitt (Napoléon dit à Alexandre : « Sire, Roustam était un de vos sujets »).

A Ratisbonne (23 avril 1809), où Napoléon est blessé au pied par une balle, Roustam l’aide à descendre de cheval pour se faire soigner.

En 1810, il assiste aux mariages civil et religieux de Napoléon et de Marie-Louise.

Au retour de la campagne de Russie, en décembre 1812, l’Empereur prend Roustam dans son traîneau, s’informe de sa santé, s’inquiète de son nez gelé et le fait soigner. «  Ce pauvre Roustam, il a la figure toute abîmée… »

Il est avec Napoléon lors de la campagne de 1813. Le 14 octobre 1813, l’Empereur lui délivre un certificat de « moralité et de fidélité » et le Comte de Montesquiou, le Grand Chambelan, lui remet un « brevet de preier Mamaluk ».

Le 1er janvier 1814, Roustam reçoit, comme supplément d’étrennes, un bureau de loterie (tenu par son épouse au 19, rue des Prouvaires, Paris 1er) et une dotation de 50 000 francs.

Il est avec Napoléon lors de la campagne de France. Le 30 mars 1814, l’Empereur et Roustam apprennent, à Juvisy, la capitulation de Paris.

Puis, c’est la déchéance de l’Empereur prononcée par le Sénat, Napoléon est à Fontainebleau, il signe son abdication. Il ne reste, avec lui, que Drouot et Bertrand.

Après sa tentative d’empoisonnement, le 13 avril au matin (1), l’empereur demande ses pistolets à Roustam. Épouvanté, celui-ci n’exécute par l’ordre et s’enfuit à Paris, pour régler ses affaires avec sa famille, en vue du départ à l’Ile d’Elbe. Il revient. Un domestique lui fait remarquer que si une telle tentative se reproduisait, il en serait tenu pour responsable. Roustam est déboussolé et l’Empereur refuse de le recevoir. Dans ces conditions, il s’enfuit et rejoint sa famille à Paris. Ainsi, les relations entre Napoléon et Roustam s’achevaient sur un malentendu (2).

Après le départ de Napoléon pour l’Île d’Elbe, Roustam est inquiété par les policiers de la Restauration. Il avait une mauvaise réputation, totalement injustifiée. (Le pamphlétaire anglais Lewis Goldmith l’avait accusé d’être à la fois l’amant de Joséphine et de Napoléon. On lui imputait l’étranglement de Pichegru dans sa prison et l’assassinat de l’amiral Villeneuve).

Pour calmer le jeu, on conseille à Roustam essaie de reprendre ses fonctions auprès de Napoléon, mais celui-ci oppose un refus à la demande présentée par marchand. En 1824 et 1825, Roustam fait le voyage à Londres, où il s’exhibe dans un cirque.
La Révolution de 1830 le remet en faveur. Montalivet accorde un emploi à son épouse, à la Potse de Dourdan, où il vient résider, dans une maison appartenant au maire, le docteur Diard, rue de la Poterie (aujourd’hui école communale).

En 1840, il est présent, revêtu de son habit de gloire, lors du retour des cendres (Georges Poisson, L’aventure des Cendres, Tallandier, 2004, p. 255).

Il meurt le 15 décembre 1845, à l’âge de 63 ans. Et il est inhumé au cimetière de Dourdan (Essonne), (voir le Guide Napoélon, 441-442) ;

Ainsi, devant cette tombe, le fantôme de ce figurant de l’histoire  reste dans l’imaginaire des passants et ceux-ci croient encore revoir une majestueuse galopade mamelouke d’une frémissante et superbe allure (3).

Marc Allégret

Notes
(1)  On a dit que Napoléon avait utilisé le poison préparé par Cabanis et remis à ses amis, dont Condorcet en 1793 (voir Historia n°138 – mai 1958, p. 471 : Septime Gorceix, Napoélon a-t-il voulu se suicider avec le poison de Cabanis ?
Il semble plus vraisemblable que Napoléon ait utilisé le poison préparé par son médecin Yvan, en Russie, le lendemain de la bataille de Maloiaroslavets (24 octobre 1812), lorsque l’Empereur avait failli être fait prisonnier par les Cosaques : voir Anka Muhlstein, Napoléon à Moscou ed. Odile Jacob, 2007, p. 241-242, avec le renvoi.
(2)Dès 1814, lors du départ pour l’Ile d’Elbe, Roustam a été remplacé par le Mamelouk Ali (Louis-Etienne Saint-Denis, né à Versailles 1788-1856 : voir Jacques Macé, Dictionnaire historique de Sainte-Hélène, tallandier, 2004, p. 100 et 400).
(3) Autres sources : Dictionnaire Napoléon, p. 1481 : notice Roustam, par Jacques Jourquin ; Béatrice Kasbarian-Bricout, L’odyssée mamelouk, L’Harmattan 1988 ; Roustam mamelouk de l’Empereur, par G. Lenotre : Historia n° 168, nov. 1960, p. 599 à 604 ; Dictionnaire de l’histoire de France, éd. Perrin, 2002, p. 919 ; Jean-Pierre Tarin, Les notabilités du Ier Empire – leurs résidences en Ile-de-France, Cl. Terana éditeur, tome 2, p. 515.

Mise à jour 30 octobre 2023

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