SERURIER, Jean Mathieu Philibert, comte, (1742-1819), maréchal de France

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Né le 8 décembre 1742 à Laon, mort à Paris le 21 décembre 1819, Sérurier fut le type même de l’officier de carrière que l’Ancien Régime légua à la Révolution, puis à l’Empire.

Brave jusqu'à toujours donner de sa personne dans les combats, bon capitaine sans grands talents, la guerre ne pouvait lui fournir que son seul état, l'armée sa famille où, noble d'humble origine, il avait sa place marquée avant que de naître. Le rapport que Bonaparte fit sur lui au Directoire, le 3 juin 1797, pour élogieux qu'il paraisse, marque les limites de l'homme: « Le général Sérurier est extrêmement sévère pour lui-même; il l'est quelquefois pour les autres. Ami rigide de la discipline, de l'ordre et des vertus les plus nécessaires au maintien de la société, il dédaigne l'intrigue et les intriguants, ce qui lui a quelquefois fait des ennemis parmi ces hommes qui sont toujours prêts à accuser d'incivisme ceux qui veulent que l'on soit soumis aux lois et aux ordres de ses supérieurs. » Homme de devoir, respectueux de la hiérarchie et du pouvoir quand celui-ci savait reconnaître ses mérites, sans grande imagination, il se révéla souvent inapte à comprendre tout le bouillonnement du siècle et les changements qui s'opéraient à sa portée.

Entré au service à l’âge de treize ans, il était, trente-quatre ans plus tard, major; il aurait dû le rester, n’était la Révolution.

Lieutenant-colonel du 70e régiment en garnison à Perpignan, il eut à faire face à une de ces révoltes de soldats qui agitaient alors l'armée. Il s'agissait d'un mouvement de soldats « patriotes » contre des chefs « aristocrates », manifestant leur méfiance à l'égard de chefs qu'ils disaient coupables de détournements de fonds, imbus de leurs prérogatives et appliquant une discipline rigide. Sérurier, à tort ou à raison, n'y vit qu'une bande de mutins s'emparant des caisses et des drapeaux, foulant les plus sacrés règlements, renversant tous les rapports hiérarchiques. Ses subordonnés le dirent gangrené d' »aristrocratisme ». Il s'apprêta à émigrer, fut cassé de son garde et arrêté le 10 octobre 1792.

Réintégré avec l’appui de Barras, il dut à ce dernier de devenir général de brigade à l’armée d’Italie, le 25 juin 1793.

En décembre 1794, il remplaça Masséna au commandement de l'aile droite de cette armée. Trois ans de suite, il combattit, partageant la misère de ses troupes, essuyant à nouveau leur révolte. Vint Bonaparte et, avec lui, tout changea pour le vieux militaire. Le jeune général le réconforta, rétablit l'ordre dans l'armée, promit de promptes victoires, donna des ordres clairs: couper la retraite à l'ennemi sur Mondovi. Sérurier s'efforça de remplir la mission de celui qu'il avait reconnu comme son chef. Ses soldats partirent à la maraude et Sérurier échoua. Bonaparte lui fit à nouveau confiance et il mena personnellement au combat ses soldats. Marmont affirmera que, ce jour-là, il l'admira. Mondovi prise, il mena le siège de Mantoue jusqu'à ce que l'ennemi le menaçant, il dût battre en retraite sur ordre du général. Quelques mois plus tard, il reprenait le siège de Mantoue et en obtenait la capitulation (2 février 1797).

Le traité de Campo-Formio fit passer la plus grande partie de la République vénitienne sous domination autrichienne.

Sérurier fut chargé d'en effectuer l'évacuation. Il s'en acquitta avec un soin méticuleux, emportant, comme le lui avait demandé Berthier, « tout ce qui peut nous être utile »: vivres, munitions, armes et trésors artistiques. A la fin de 1798, la République de Lucques s'étant déclarée contre la France, Sérurier occupa le pays, réquisitionna l'artillerie, mit sous scellés l'argent des caisses publiques pour garantir une contribution de guerre fixée à 2 millions. Celle-ci versée, la République de Lucques fut déclarée « république démocratique » recevant une constitution analogue à celle des républiques-soeurs de la France. Fut-ce à cause de son inattaquable honnêteté, les sommes raflées n'allant point dans sa poche? Fut-ce par dérision de la figure rébarbative du vieux soldat? Les Italiens lui donnèrent un surnom qui lui resta, celui de « La Vierge d'Italie ». En 1799, il battit en retraite devant les Autrichiens en Lombardie. Une fois de plus, il se montra incapable de maintenir la discipline dans ses troupes qui menaçaient leurs chefs de leurs baïonnettes. « Cette manière de servir ne me convient pas », se plaignait-il. Prisonnier, Souvorov le libéra sur parole.

De retour en France, il y retrouva son chef et participa, à la tête d’un détachement placé au Point-du-Jour, "à la protection" de Saint-Cloud où se déroulait le coup d’Etat.

Sénateur, il fut fait en ce poste maréchal en 1804. Gouverneur des Invalides, il y fit brûler dans la cour d'honneur les drapeaux pris à l'ennemi lorsqu'il apprit la capitulation de 1814. Fidèle à Napoléon lors des Cent-Jours, il fut destitué de son poste de gouverneur des Invalides par la Restauration. Grand-croix de Saint-Louis en 1818, il fut remis en activité comme maréchal en 1819, quelques mois avant sa mort.
 
Jean-Paul Bertaud

Source : Dictionnaire Napoléon, Paris : Fayard, 1987.
Avec l'aimable autorisation des Editions Fayard

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