Une longue carrière…
Il commence une carrière ecclésiastique en étant chapelain de la paroisse de Saint-Pierre-de-Reims en 1775 et à ce titre, assiste au couronnement de Louis XVI. Nommé abbé supérieur du riche monastère de Saint-Rémi-de-Reims, il est ordonné prêtre en 1779. Il passe cependant davantage de temps à Paris (rue de Bellechasse) que dans son abbaye, se consacrant à ses deux passions, le jeu et les femmes. En 1788, il évêque d'Autun. Agent général du Clergé, il a à s'occuper des finances de son ordre, matière dans laquelle il fera merveille tout au long de sa vie. Elu aux Etats généraux, il défend l'idée de céder les biens du clergé à la nation (ce qui lui vaudra d'être considéré comme un « traître » à son ordre). C'est en tant qu'évêque qu'il dit la grand messe de la fête de la Fédération et participe à la mise en oeuvre de la constitution civile du Clergé. En 1792, il devient diplomate, passe du temps à Londres avant de se mettre à l'abri des remous révolutionnaires aux Etats-Unis. Lors qu'il en revient, il devient ministre des Affaires Etrangères du Directoire.
C'est à cette époque qu'il rencontre Bonaparte, le repère comme un homme d'avenir et se lie à lui. Un scandale financier l'oblige à démissionner en juillet 1799. Il n'en est pas moins un des acteurs de l'ombre du coup d'État de brumaire. Il en sera récompensé rapidement par un retour au ministère qu'il ne quittera plus pendant sept ans. Signalons au passage qu'en 1802, le Pape Pie VII annule son excommunication prononcée pendant la Révolution et lui permet de se marier avec une divorcée, Mme Grand.
Dans le tourbillon du règne de Napoléon, il n'est pas immédiatement un opposant à la politique extérieure du chef de l'État. Bien au contraire, il participe activement aux premiers succès diplomatiques. Ce n'est qu'après Austerlitz que les deux hommes finiront par lentement se séparer. Talleyrand est un partisan de la paix et de l'équilibre en Europe. Il est donc pour la fin des conquêtes, l'arrangement avec l'Angleterre et une reprise sereine des affaires. Titré prince de Bénévent le 5 juin 1806, rendu très riche par son maître, il prend de plus en plus de libertés, si bien qu'après la paix de Tilsit, l'empereur lui reprend son portefeuille tout en le conservant dans son entourage. Les rapports entre les deux hommes seront toujours marqués par ce mélange de désaccords et de fascination mutuelle.
Talleyrand bascule définitivement après l'entrevue d'Erfurt (1808), au cours de laquelle il va jusqu'à conseiller au Tsar de résister, y compris par la force, aux exigences de Napoléon. Cette fois, la rupture est définitive et atteint son paroxysme en mars-avril 1814, moment où Talleyrand favorise la chute de l'Empereur, prend la tête d'un gouvernement provisoire et négocie le retour des Bourbons.
Le Roi l'envoie alors représenter la France au congrès de Vienne (novembre 1814-juin 1815) où le prince boiteux joue le grand rôle de sa vie, parvenant à réintégrer la France dans le jeu européen, réussissant même à « casser » l'alliance anti-française. Malheureusement, ses succès sont compromis par le retour de l'île d'Elbe. Il plaide une nouvelle fois la cause de Louis XVIII et suscite un manifeste par lequel Napoléon est déclaré « ennemi et perturbateur de la paix du monde ».
Après Waterloo, bien que les relations entre Louis XVIII et Talleyrand se soient dégradées, ce dernier est imposé par les alliés au Roi de France, en tant que Président du Conseil. Il est renvoyé quelques mois plus tard. Mais l'heure de la retraite n'a pas tout à fait sonné. Il reste un personnage très en vue, sinon écouté. Le comte d'Artois, en devenant Charles X, le nomme Grand Chambellan, et il assiste à ce titre, une fois encore, au sacre de Reims, le dernier d'un roi de France.
N'appréciant guère les retours en arrière du dernier frère de Louis XVI, il en reprend son bâton de discret opposant et adhère à la Révolution de 1830. Une dernière fois, il sera employé : Louis-Philippe le nomme à sa dernière mission diplomatique, à Londres, où il oeuvre pour le rapprochement de la France et de l'Angleterre, notamment par le règlement de la crise belge.
De retour en France, il partage ses derniers jours entre son château de Valençay et Paris, où il meurt, le 17 mai 1838.
Juillet 2011
Bibliographie
– Waresquiel, Emmanuel de, Talleyrand, le prince immobile, Fayard, 2007, 2nde éd. revue, aug et corrigée.
– Lentz, T., Dictionnaire des ministres de Napoléon, Paris :Christian/JAS, 1999
– Yvert, B. (ed.), Dictionnaire des ministres de 1789 à 1989, Paris : Perrin, « Talleyrand-Périgord », p. 85-87.