Fruit des amours de l’Empereur et de Marie Walewska, Alexandre Walewski naquit à Walewice le 4 mai 1810. Telle avait été la volonté d’Athanase Walewski. Depuis la liaison de Marie avec l’Empereur, les époux ont, de fait vécu, chacun de leur côté. Mais il n’y a eu ni divorce ni séparation officielle. Le vieil homme a compris ce qu’a été le drame de la jeune femme. L’enfant est ainsi déclaré sous le nom de Walewski, comme fils d’Athanase Walewski et de Marie Laczynska. Le 5 mai 1812, alors que le petit Alexandre vient d’avoir deux ans, l’Empereur signe, à Saint-Cloud, un décret lui conférant le titre de comte de l’Empire et constituant en sa faveur un majorat formé de biens situés dans le royaume de Naples, dont le revenu annuel sera de près de 170000 francs. Les lettres patentes correspondantes seront scellées à Königsberg le 15 juin 1812. Ces biens napolitains risquant de n’être plus bientôt que chimère, en janvier 1814, Napoléon, malgré les embarras et les soucis où il se débat, donne des instructions pour que, de toute urgence, on assure à Alexandre Walewski une rente de 50000 francs, partie sur les canaux, partie sur le Grand Livre. D’autre part, il lui fait acheter un hôtel au 48, rue de la Victoire ce dernier est payé 137 500 francs. La mère sera l’usufruitière. Alexandre Walewski, tout comme Charles Léon, est mentionné à deux reprises dans le testament de Sainte-Hélène. Après avoir, au 7e codicille, légué 300000 francs au fils d’Éléonore Denuelle de La Plaigne, Napoléon indique : « Si cet enfant c’est-à-dire Léon était mort ou mourait sans tester avant l’âge, ce bien serait donné à Alexandre Walewska (sic). » Tout à la fin du testament, au 37e et dernier article du texte intitulé Instructions pour mes exécuteurs testamentaires, au souhait qu’il a formulé à propos du petit Léon, l’Empereur ajoute : « Je désire qu’Alexandre Walewski soit attiré au service de la France dans l’armée. »
Alexandre Walewski est tout d’abord élevé par sa mère à Paris. Lorsque, en 1814, Marie Walewska fait le voyage de l’île d’Elbe, son fils l’accompagne. Le petit Alexandre, de même, est avec sa mère quand celle-ci, au lendemain de Waterloo, se rend à la Malmaison. A la mort de Marie Walewska, un frère de celle-ci, Théodore Laczynski, qui a servi dans les armées impériales où il est parvenu au grade de lieutenant-colonel, est désigné comme tuteur de l’enfant, alors âgé de sept ans. Ce dernier regagne la Pologne. Un précepteur lui enseigne les premiers rudiments. Il est ensuite élève des jésuites à Varsovie. Puis il passe quatre années dans une institution à Genève. En 1824, Alexandre Walewski est de retour en Pologne. Il a maintenant quatorze ans. Malgré son âge, il ne tarde pas à se produire dans la haute société de Varsovie. L’occupant russe, bientôt, s’en inquiète : ne risque t-t-il pas d’être l’occasion d’une agitation politique ? Il est soumis à une étroite surveillance. Il décide de passer à l’étranger. Au prix de mille ruses, il gagne Saint-Pétersbourg et parvient à monter à bord d’un navire anglais en partance. Après quelques mois passés en Angleterre, il débarque en France. On est en 1827 : Walewski a désormais dix-sept ans. L’arrivée à Paris du fils de Napoléon et de Marie Walewska n’est pas sans provoquer quelque agitation dans les salons de la Restauration. Si elle est incontestablement marquée, la ressemblance d’Alexandre Walewski avec Napoléon n’est pas aussi frappante que chez le comte Léon. En revanche, Walewski possède à un degré étonnant le timbre de voix de l’Empereur. Mais, au rebours du comte Léon, toute sa vie il s’abstiendra de faire étalage de son illustre origine. Il lui déplaira même toujours qu’on y fasse allusion en sa présence.
La révolution de 1830 allume des incendies aux quatre coins de l’Europe. En Pologne, la révolte est particulièrement violente. Le jeune Walewski affiche volontiers ses idées libérales et s’est naturellement lié avec les princes d’Orléans. Au mois de décembre, Sébastiani, ministre des Affaires étrangères du roi Louis-Philippe, le charge d’une mission secrète auprès des chefs de l’insurrection polonaise. Sa mission accomplie, Alexandre Walewski s’engage dans l’armée polonaise. Fait immédiatement sous-lieutenant, il est bientôt lieutenant, puis capitaine. Au bout de quelques mois, quoique seulement âgé de vingt et un ans, il est envoyé à Londres comme délégué du gouvernement insurrectionnel. Le soulèvement ayant échoué, en 1832, Walewski est de retour à Paris. Au mois d’août 1833, il entre dans ce qui ne s’appelle pas encore la Légion étrangère, mais l’est déjà de fait. On l’y admet avec le grade de capitaine, reçu dans l’armée polonaise. Il part pour l’Afrique du Nord. Le 3 décembre 1833, une ordonnance royale lui accorde la nationalité française. Arguant de celle-ci, il obtient en septembre 1834 d’être muté aux chasseurs d’Afrique. Il est, quelque temps, directeur des affaires arabes à Oran. Il quitte l’armée à la fin de 1837.
Alexandre Walewski va, à présent, se lancer dans la politique. Il rachète un journal, se lie avec Adolphe Thiers, publie quelques brochures. Après plusieurs missions officieuses, puis officielles, il est, le 22 février 1848, nommé ministre de France à Copenhague. Mais la révolution éclate avant qu’il ait pu aller occuper son poste. À la fin de l’année, Louis- Napoléon Bonaparte devient président de la République. Walewski, jusque-là, n’a guère eu de contacts avec celui-ci. Mais le sang lui dicte son choix. Il a maintenant trente-huit ans. Le 21 janvier 1849, Alexandre Walewski est envoyé à Florence comme ministre de France. Au mois d’avril suivant, il passe à Naples. Au début de 1851, il est désigné pour l’ambassade de Madrid. Avant même qu’il ait eu le temps de s’y rendre, il est nommé à Londres. Là, sa première tâche est de négocier avec le cabinet anglais la reconnaissance de l’Empire, dont le rétablissement se prépare. Il va ensuite poser les jalons d’une alliance entre la France et la Grande-Bretagne. Peu à peu se manifestent les signes de sa réussite en ce domaine : au printemps de 1855. Napoléon III est reçu en visite officielle à Londres, et, dans le courant de l’été, la reine Victoria se rend à Paris. Le 26 avril 1855, le comte Walewski a été fait sénateur.
Le 6 mai suivant, il devient ministre des Affaires étrangères. Il le restera jusqu’au 3 janvier 1860. Au début de 1856, il préside en cette qualité le congrès de Paris qui met fin à la guerre de Crimée. En quittant le ministère des Affaires étrangères, il entre au Conseil privé. Dès le 23 novembre 1860, il recouvre un portefeuille : le ministère d’Etat, dont les attributions sont assez hétéroclites (liaison entre le gouvernement et les assemblées, beaux-arts, etc.). Le comte Walewski gardera ces fonctions jusqu’au 22 juin 1863. Dans le courant de 1865, il renonce à son siège de sénateur pour se faire élire député au Corps législatif. Il se présente dans les Landes. L’Empereur le nomme à la présidence de l’Assemblée, devenue vacante après le décès du duc de Morny. En 1867, il se démet à la fois de ses fonctions de président et de député, et rentre au Sénat. Il s’est rendu compte que le fond libéral qu’il a gardé l’empêche de jouer convenablement le rôle de meneur de jeu que l’Empereur attend de lui. Dans les premiers mois de 1868, Alexandre Walewski est élu membre libre de l’Académie des beaux-arts. La présidence du Corps législatif a été son dernier grand emploi. Il disparaît brutalement, le 27 septembre 1868, à l’âge de cinquante-huit ans, frappé d’une apoplexie foudroyante dans un hôtel de Strasbourg, au retour d’un long voyage en Allemagne.
Alexandre Walewski s’était marié deux fois. Il avait tout d’abord épousé à Londres, le ler décembre 1831, lady Catherine-Caroline Montagu, née dans la capitale britannique le 7 octobre 1808, fille de George-John Montagu, 6e comte de Sandwich, et de lady Louisa-Mary-Anne-Julia-Harriet Lewry- Corry, descendante des comtes Belmore. Sa femme mourut en couches à Paris, le 30 avril 1834. Il s’allia en secondes noces à Florence, le 4 juin 1846, à Marie-Anne de Ricci, née dans cette même ville le 18 juillet 1823, fille de Zanobi de Ricci et d’Isabelle Poniatowski (fille naturelle du prince Stanislas Poniatowski). La seconde épouse de Walewski lui survivra de nombreuses années. Elle s’éteindra à Paris le 18 novembre 1912. Elle s’était remariée à Paris (VIIIe) le 18 janvier 1877 à Joseph d’Alessandro, né à Palerme le 16 décembre 1843, fils de Pierre et de Francisca Bruno, de vingt ans son cadet. Les deux enfants nés de la première union d’Alexandre Walewski n’ont pas vécu. Il subsiste une assez importante descendance en ligne féminine de son second mariage. La postérité mâle, issue de cette union, s’est éteinte avec son fils Charles, 2e comte Walewski, né à Florence le 4 avril 1848, mort pour la France à Villers-Cotterêts (Aisne) le 2 octobre 1916, lieutenant-colonel d’infanterie et sans enfants. Entre ses deux mariages, Alexandre Walewski avait eu fort ostensiblement une liaison assez longue avec la tragédienne Rachel. De cette liaison lui était venu un fils, Alexandre (Marly-le-Roi, 3 novembre 1844 Turin, Italie, 20 août 1898), consul général de France, qu’il reconnut à sa naissance et fit élever avec les demi-frères et sœurs de celui-ci, après la mort de la tragédienne. Les Walewski actuels descendent de ce dernier.
Joseph Valynseele
Source : Dictionnaire Napoléon, Jean Tulard (dir.), Fayard
Avec l’aimable autorisation des éditions Fayard.