Arthur Wellesley, né le 29 avril (ou le 2 mai) 1769, était le quatrième fils de Garret Wesley, comte de Mornington, descendant d’une des familles les plus anciennement établies en Irlande après sa conquête par Cromwell. L’orthographe Wellesley ne devait prévaloir pour Arthur et ses frères qu’après 1790. Après des études peu brillantes au fameux collège d’Eton (« C’est ici qu’a été gagnée la bataille de Waterloo », aurait-il dit plus tard), sa famille décida, faute de mieux, de l’engager dans la carrière militaire, et, pour l’y préparer, on l’envoya en 1786 passer une année à l’Académie royale d’équitation d’Angers qui recevait alors plus d’une centaine de gentilshommes britanniques. Arthur y acquit du moins une bonne pratique de la langue française, ce qui devait plus tard lui être bien utile dans sa carrière européenne. Pour son dix-huitième anniversaire, on lui acheta une commission d’enseigne au 73e régiment des Highlanders ; après un rapide passage dans cinq autres unités, il se retrouve en 1793 lieutenant-colonel au 33e régiment d’infanterie. Il devait avoir sa première expérience de la guerre en 1794, lors d’une intervention tentée par les Britanniques aux Pays-Bas sous le commandement du duc d’York : elle lui apprit, dira-t-il, « ce que l’on ne doit pas faire ».
À la mi-1796, Arthur Wellesley partit pour l’Inde avec son régiment du 33e dont il était maintenant colonel. Ses talents de chef militaire et d’administrateur purent s’y affirmer d’autant plus favorablement que son frère aîné, lord Wellesley, était nommé peu après gouverneur général de la colonie. Auprès des princes indiens, il se révéla un habile négociateur, gagnant leur confiance par la loyauté de ses procédés ; comme chef militaire, il acquit une réputation méritée à la bataille d’Assaye (17 sept. 1803) où, par une audacieuse attaque, il défit une armée de la confédération des Mahrates, quatre fois supérieure en nombre à la sienne. Au printemps de 1805, il rentra en Angleterre ; il avait alors le grade de major-général et les éléments d’une fortune personnelle. Il fit une première entrée à la Chambre des communes comme député du bourg pourri de Rye. Heureusement pour lui, l’amitié de Castlereagh, alors ministre de la guerre, le rendit à l’activité militaire en le faisant nommer, avec le grade de lieutenant-général, commandant du corps expéditionnaire britannique envoyé au Portugal. Débarqué à Mondego au début d’août 1808, il surprit et battit à Vimeiro l’armée française commandée par Junot. La capitulation de Cintra, qu’il lui accorda ensuite, parut si généreuse à son adversaire que le Parlement britannique institua une commission d’enquête.
Les années suivantes, Wellesley, qui avait reçu le commandement supérieur de toutes les forces britanniques dans la péninsule ibérique, mena la vie dure aux différents chefs français que lui opposa successivement Napoléon. En mai 1809, il avait débouté Soult d’Oporto, et pénétré profondément en Espagne où il livra la bataille indécise de Talavera de la Reina aux forces françaises supérieures en nombre, commandées – en principe – par le roi Joseph (27-28 juillet). Après quoi, évitant l’encerclement préparé par Soult, il ramena son armée au Portugal. C’est alors qu’il reçut le titre de vicomte Wellington, nom qu’il devait illustrer par la suite. Prévoyant qu’après la défaite de l’Autriche, Napoléon ferait un grand effort pour chasser les Anglais du continent, Wellington, dans cette perspective, fit établir un vaste système de retranchements garnis de palissades et de redoutes, les lignes de Torrès Vedras. En juillet 1810, Masséna partit à l’offensive avec une armée de 70 000 hommes. Il put s’emparer des places de Ciudad Rodrigo et d’Almeida, mais Wellington réussit à lui infliger un coup d’arrêt à la bataille de Bussaco (27 septembre 1810). L’armée française, épuisée par des marches à travers un pays que Wellington avait fait systématiquement dévaster, dut renoncer à forcer les lignes de Torres Vedras et rentra en Espagne.
Au printemps de 1811, Wellington sortit lui-même de ses retranchements pour prendre l’offensive en Espagne ; il avait mis le siège devant la place d’Almeida lorsque Masséna parut avec 48 000 hommes pour dégager les assiégés. Il s’ensuivit la bataille acharnée et indécise de Fuentès d’Oñoro (3-5 mai 1811) dont Wellington parut sortir vainqueur du fait que Masséna, n’ayant pas reçu les renforts qu’il attendait de Bessières, se décida, cinq jours plus tard, à battre en retraite. Les pertes sévères subies par l’armlée britannique obligèrent Wellington à ramener lui-même ses troupes à l’abri des lignes de Torres Vedras.
Dès janvier 1812, il reprit pour la troisième fois l’offensive sur le territoire espagnol ; il réussit à s’emparer de Ciudad Rodrigo et de Badajoz, s’ouvrant ainsi l’accès à la Castille. Marmont, qui avait succédé à Masséna, manœuvra brillamment pour couper aux Anglais la voie de retraite ; Wellington recula jusqu’à Salamanque et y remporta sur Marmont une victoire incontestable (22 juillet). À la suite de quoi il marcha sur Madrid où il fit une entrée triomphale (12 août), tandis que fuyait vers le nord le roi Joseph. L’effet moral fut immense et la Junte de Cadix donna à Wellington le commandement supérieur de toutes les forces en guerre contre les Français. Wellington, poussant un peu trop lentement la poursuite du roi Joseph, donna aux Frnaçais le temps de se rallier, et, lorsqu’il tenta de prendre Burgos, il subit un échec sanglant. Dans le même temps, Soult, ayant évacué l’Andalousie, allait reprendre Madrid. Wellington, une fois de plus, se replia dans son repaire du Portugal.
La quatrième campagne, ouverte au printemps de 1813, allait se dérouler dans des conditions beaucoup plus avantageuses, du fait que Napoléon avait été obligé, pour reconstituer une armée après le désastre de 1812, de prélever largement sur les effectifs engagés en Espagne. Par une série d’heureuses manœuvres, Wellington contraignit Marmont à abandonner successivement plusieurs positions et lui infligea finalement une défaite totale à Vitoria (21 juin). La résistance de Saint-Sébastien et de Pampelune, qui ne devaient tomber que le 31 août et le 31 octobre, coûta très cher à l’armée anglaise et donna à Soult le temps de regrouper au nord des Pyrénées les débris des unités françaises chassées d’Espagne.
Dès le 7 octobre, pourtant, l’armée anglo-espagnols avait franchi la frontière de la Bidassoa ; elle repoussa successivement les Français des lignes de la Nive et de la Nivelle et investit Bayonne. Après quoi, pendant deux mois, il y eut une sorte de suspension des hostilités. Celle-ci était justifiée du côté de Wellington non seulement par le souci de laisser souffler et de renforcer ses troupes britanniques, espagnoles, portugaises, mais aussi de coordonner son action avec celle des armées alliées combattant Napoléon dans le nord-est de la France. Au cours de cette trêve de fait, Wellington et ses officiers résidèrent à Saint-Jean-de-Luz, jouissant de l’accueil sympathique de la population. En effet, la stricte discipline imposée aux troupes britanniques contrastait avec la brutalité pillarde dont les militaires français avaient pris l’habitude en Espagne, si bien que dans tout le sud-ouest de la France, les Anglais devaient être accueillis en libérateurs.
Dans les derniers jours de février, Wellington prit enfin l’offensive. À la sanglante bataille d’Orthez (27 février), il força le passage du gave de Pau. Au lieu de suivre immédiatement Soult qui se repliait vers l’est le long des Pyrénées, il se donna le temps d’une importante opération politique : détachant sur Bordeaux une division sous meilleur général, Beresford, il y créa les conditions qui permirent aux royalistes de proclamer pour la première fois en France la restauration des Bourbons (12 mars), acte qui devait avoir un poids considérable dans les décisions prises par les Alliés trois semaines plus tard à Paris. La lenteur mise à poursuivre Soult après sa défaite d’Orthez permit au maréchal de se préparer à livrer une nouvelle bataille devant Toulouse, qu’il fit fortifier. Après avoir difficilement trouvé le moyen de passer la Garonne en aval de cette ville, Wellington livra enfin bataille le 10 avril : un combat acharné aux épisodes dramatiques, qui devait laisser sur le champ plus de 3 000 morts de chaque côté. Effusion de sang d’autant plus tragique qu’elle se révélait parfaitement inutile, puisqu’à Paris, depuis déjà quatre jours, Napoléon avait abdiqué. Soult s’étant retiré vers le Lauragais dans la nuit du 11 au 12, Wellington fit une entrée triomphale dans Toulouse où les royalistes, rééditant le geste de Bordeaux, proclamèrent la restauration de la monarchie.
Wellington allait pouvoir y assister aux premières loges, puisqu’il était nommé, en mai 1814, ambassadeur à Paris avec le titre de duc, prix de ses victoires en Espagne. En février 1815, il vint remplacer Castlereagh au congrès de Vienne, ce qui devait lui permettre de participer activement à l’élaboration des plans militaires dressés par les Alliés contre Napoléon, réapparu sur la scène. Wellington fut chargé d’organiser en Belgique et de mener au combat une armée hétérogène composée d’unités britanniques, belges, hollandaises et hanovriennes, tandis que, sur sa gauche, les Prussiens de Blücher, avec des contingents d’autres États allemands, envahiraient la France par le nord-est. On sait que Napoléon n’attendit pas que les Autrichiens et les Russes fussent en position de mener une offensive générale ; dès le 15 juin, il passait la Sambre et battit sévèrement les Prussiens à Ligny (16 juin), tandis que le maréchal Ney livrait contre l’armée de Wellington la bataille indécise des Quatre-Bras. Fort de son expérience en Espagne, Wellington n’hésita pas à décrocher pour aller chercher plus au nord, près du village de Waterloo, une meilleure position défensive. Dans l’immense victoire remportée le 18 juin, la contribution personnelle de Wellington fut d’abord d’avoir tiré admirablement parti du terrain pour la bataille défensive qu’il prévoyait, et d’autre part d’avoir su inspirer à ses troupes la confiance en leur chef et la résolution de se battre jusqu’à la mort.
Après ce triomphe, et comme les dirigeants autrichiens et russes étaient encore loin, Wellington se trouva en position d’influer de façon décisive sur les conséquences politiques de la défaite de Napoléon. Avec le maréchal Davout et les émissaires du gouvernement provisoire présidé par Fouché, il négocia les termes de la capitulation de Paris et du retrait des troupes françaises derrière la Loire. Il avait pu, à Vienne, mesurer l’hostilité latente du tsar Alexandre à l’encontre de Louis XVIII, et les hésitations de l’Autriche elle-même, qui aurait pu envisager d’accepter l’abdication de Napoléon en faveur de son fils, Napoléon II ayant déjà été proclamé par la Chambre des députés. Mais, pour Wellington, il n’y avait qu’une seule solution qui pût assurer la paix de l’Europe : la restauration pure et simple du légitime souverain, Louis XVIII. Il pressa donc le roi de rentrer sans tarder et convint avec Talleyrand des concessions qui seraient offertes pour apaiser les esprits que le roi proclamerait dans sa Déclaration de Cambrai (28 juin). Ce fut aussi Wellington qui contraignit le roi à prendre comme ministre l’ex-régicide Fouché, qui avait su ménager la Seconde Restauration. Dans les longues négociations du second traité de Paris, Wellington fut constamment aux côtés de Castlereagh, puis il reçut mandat des Alliés d’assurer la sécurité intérieure du régime de Louis XVIII en qualité de commandant en chef des troupes d’occupation, lui-même résidant le plus souvent à Paris.
Au terme de cette mission (30 octobre 1818), il rentra en Angleterre et occupa toute une série d’importantes fonctions militaires et politiques : directeur général de l’Intendance militaire (1818), ministre plénipotentiaire au congrès de Vérone (1822), ambassadeur extraordinaire à Saint-Pétersbourg, où il conclut avec le tsar Nicolas un accord sur la question d’Orient (avril 1826), commandant en chef des armées royales (août 1827), Premier ministre (janvier 1828), ministre des Affaires étrangères dans le premier cabinet de Robert Peel (1834), puis, en 1841, dans le second cabinet Peel, ministre sans portefeuille. Il s’était retiré totalement de la politique en 1846, mais il réapparut une dernière fois comme chef symbolique des forces d’ordre mobilisées en avril 1848 contre l’agitation révolutionnaire des Chartistes. Il mourut le 14 septembre 1852. Ses funérailles solennelles dans l’église Saint-Paul de Londres apparurent comme un hommage de la nation à l’homme qui avait incarné pendant un demi-siècle la grandeur britannique.
Notice biographique par Guillaume de Bertier de Sauvigny, in Dictionnaire Napoléon, Fayard, 1999