1813, à l’approche de la bataille de Leipzig

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La bataille de Leipzig est l’événement emblématique de l’année 1813, une sorte de conclusion mais sanglante pour « les nations » dont elle est censée être « la » bataille, et cinglante pour l’empire de Napoléon. Cette bataille est cependant l’aboutissement d’une dizaine de mois de campagne, d’affrontements militaires comme de tractations politiques.
Cette chronologie cherche à expliquer le contexte qui aboutit à la bataille de Leipzig.

1813, à l’approche de la bataille de Leipzig
La bataille de Leipzig, Alexander Ivanovich Sauerweid © musée national de l'Artillerie, Russie

Conséquences de la retraite de Russie : des changements d’alliance

20 décembre : Les derniers restes de la Grande Armée entrèrent dans Königsberg (Kaliningrad moderne).

30 décembre : Convention de Tauroggen : la Prusse entame la première étape du désengagement de son alliance avec Napoléon.
Le général prussien Ludwig Yorck von Wartenburg – dont les 15 000 hommes avaient formé l’aile gauche de l’armée de Napoléon – avait été isolé pendant la retraite de Russie. Invoquant la neutralité, il rejoignit de facto les Russes, abandonnant ainsi ses alliés français commandés par Macdonald, et signa l’armistice connu sous le nom de la convention de Tauroggen, ville où elle fut signée, non loin de Tilsit. Il s’agissait de la première rupture de la chaîne internationale de la coalition française. Yorck fut considéré comme un traître aux yeux des Français, et le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III confirma cette impression en affirmant d’abord que Yorck avait agi unilatéralement. Plus tard il devint limpide que le roi n’était pas si mécontent de l’action du général prussien : ce dernier avait plutôt servi le monarque dans ses manoeuvres politiques en apparaissant comme renégat. Officiellement Yorck avait été arrêté et traduit devant une cour martiale. Cependant, à peine deux mois plus tard, lorsque la rupture franco-prussienne fut complètement consommée, le général fut libéré. Pendant ce temps, certaines villes prussiennes, notamment Landsberg an der Warthe (actuelle Gorzów Wielkopolski en Pologne), Neustadt et Muchemburg (dans l’est du Brandebourg), se soulevaient contre l’occupant français. Alexandre Ier n’eut alors qu’à invoquer le patriotisme et nommer l’homme politique libéral prussien en exil auprès de lui, le Baron von Stein, gouverneur (au rang de ministre d’Etat) des terres qui seraient bientôt libérées par les Russes. Stein se rendit immédiatement en Prusse orientale (avec le poète patriotique Arndt) afin d’y organiser des États généraux à Königsberg ce qui conduisit à la levée d’une Landwehr, formée de volontaires et de conscrits.

11 janvier : Publication d’un sénatus-consulte rendant légale la mobilisation par Napoléon de troupes normalement sédentaires pour un total de 350 000 hommes (100 000 conscrits pour 1809-1812, 150.000 pour 1813 et 100.000 en provenance de la Garde nationale). Un autre décret du 5 avril 1813 permit la mobilisation des troupes de la Garde nationale, au total 92 000 gardes nationaux allaient servir dans l’armée en 1813.

3 février : Un édit prussien ordonna la création d’un corps de volontaires (presque un Landwehr) ; quelques semaines plus tard son effectif se montait à 8 000 hommes.

22-27 février : Le traité de Kalisz officialisa l’alliance russo-prussienne, qui enterrait toute la défiance réciproque jusqu’alors. La mission sacrée, littéralement quasiment religieuse, d’imposer la paix et de destituer Napoléon était exposée dans le préambule du traité. Pour le reste :
– la Prusse devait fournir 80 000 hommes issus des troupes régulières pour l’Alliance du Nord et lever une Landwehr et d’autres corps de volontaires ;
– l’article 6 stipulait qu’aucune des deux parties n’entamerait d’accord de paix ou de cessez-le-feu sans l’accord de l’autre ;
– l’article 7 rendait une priorité absolue d’amener l’Autriche dans le conflit ;
– quant à la reconstruction de la Prusse, elle devait être recréée sous une forme équivalente à celle d’avant 1806 sans être nécessairement géographiquement identique. La frontière orientale de la Prusse restait notamment le point d’achoppement des négociations qui devaient être conclues à une date ultérieure.

3 mars : Le traité d’alliance anglo-suédois se concrétisa. La Grande-Bretagne, en échange de certains avantages commerciaux dans la Baltique, accepta de payer à la Suède 1 million de livres avant le mois d’octobre 1813 et s’engagea à soutenir les prétentions de la Suède sur la Norvège. Bernadotte décidait de son côté de mettre 30 000 hommes à disposition dans la campagne de printemps contre Napoléon.

4 mars : Les troupes russes sous les ordres de Tchernychev entrèrent dans Berlin et les forces françaises durent se retirer au-delà de l’Elbe. Wittgenstein et Yorck devaient, quant à eux, entrer dans la ville respectivement les 11 et 17 mars. Le roi de Prusse retrouva enfin sa capitale le 22.

16 mars : Le corps prussien de Blücher franchit la frontière de la Silésie en Saxe.

17 mars : La Prusse déclara la guerre à la France. Le roi fit à cette occasion un « appel au peuple » (An mein Volk) encourageant ce dernier à prendre les armes dans une « guerre de libération » (Beifreiungskriege). Le discours de Frédéric-Guillaume n’avait cependant pas d’allocutaire précis. Était-il destiné aux Allemands en général, ou tout simplement aux Prussiens ? En fin de compte, ceux qui répondirent à cet appel n’étaient pas tant pangermanistes que de différentes couleurs politiques : nationalistes jusqu’aux patriotes prussiens, en passant par ceux qui haïssaient tout réformisme. Mais ils étaient tous d’accord sur une chose : l’éviction de Napoléon d’Allemagne.

Mi-mars : La Grande-Bretagne rouvrit des pourparlers diplomatiques avec la Prusse et envoya immédiatement 54 canons et des armes, des munitions et des réserves pour 23 000 hommes à partager entre la Prusse et la Russie.

19 mars : Frédéric-Guillaume et Alexandre Ier signèrent un manifeste ou convention dite de Breslau, appelant tous les princes allemands dans la Confédération du Rhin à soutenir  la « libération de la patrie commune, au risque d’être privés de leurs États ». L’objectif était d’élargir et de consolider une alliance anti-napoléonienne, non de commencer un soulèvement national allemand.

24 mars : La Suède entra cette alliance anti-napoléonienne et déclara la guerre à la France.

27 mars : Dresden tomba aux mains des troupes alliées sous les ordres de Winzingerode, et les troupes russes et prussiennes se déployèrent en éventail en direction de Leipzig. Ce choix n’était pas seulement stratégique, en effet la Saxe pouvait fournir des troupes alliées plus facilement, ce qui relâchait la pression sur la Silésie. Ce mouvement chassa de sa capitale Frédéric-Auguste Ier, roi de Saxe et allié de la France. Ce dernier ne se dirigea pas vers la France, comme il était supposé le faire, mais se retira vers Prague, acceptant ainsi l’entremise autrichienne dans ses relations avec Napoléon. Le fait qu’il fût en train de « changer son système » graduellement sera attesté ultérieurement par deux refus : il ne permit pas aux renforts français d’investir la forteresse de Torgau et il refusa de mettre une division de cavalerie lourde à la disposition de la Grande Armée.

L’inexorable progression russe

2 avril : Pendant ce temps, en direction de la côte de la Baltique, loin du théâtre saxon, la bataille de Lüneburg, au sud de Hambourg, faisait rage. Les forces légères russes de Tchernychev et les « colonnes volantes » de Dornberg vainquirent une division française sous les ordres du général Moran. Plus tôt (fin janvier 1813), une première invasion alliée de Hambourg, sous les ordres du général prussien Tettenborn, avait été couronnée de succès mais ces troupes avaient finalement été contraintes d’abandonner la ville, le 30 mai, confrontés à une forte controffensive de Davout. Le refus de Bernadotte d’envoyer des renforts, et la réticence générale de la part des habitants de Hambourg à se lever pour se libérer de leurs occupants français, avaient achevé cette première tentative.

3 avril : 180 000 nouveaux conscrits furent appelés en France, certains appartenant même à une conscription en avance de la classe de 1814 : on les appela les « Marie- Louise ».

3-5 avril : Une bataille indécise eut lieu à Möckern entre l’armée russe de Wittgenstein et l’armée de l’Elbe du prince Eugène ; Eugène  fut néanmoins contraint de se retirer en bordure de l’Elbe.

7 avril : Les troupes prussiennes de Blücher installèrent leur camp au sud de Leipzig et furent bientôt rejointes par celles, russes, de Wittgenstein et de Miloradovitch.

15 avril : Napoléon quitta Paris pour le front. Il allait atteindre Mayence à peine quarante-huit heures plus tard. Il avait initialement prévu d’aller au nord pour libérer les forteresses de Stettin puis Dantzig (Gdansk en Pologne moderne) mais il fut empêché d’exécuter ce plan l’abandon de Berlin puis la retraite à Magdebourg d’Eugène. Napoléon décida de se diriger vers le sud en direction de Dresde en Saxe. Ce plan avait pour avantage de donner un signe du sérieux de sa campagne aux princes de la Confédération du Rhin et, d’autre part, d’introduire une activité militaire importante sur la frontière autrichienne, destinée à décourager l’Autriche d’entrer dans le conflit aux côtés des Alliés.

17 avril : La garnison française à Torun (Thorn) se rendit, suivie de celle de Spandau le 24.

28 avril : Décès du chef le général en chef russe Koutouzov : Wittgenstein fut nommé généralissime russe.

30 avril : La principale armée française, simultanément avec celle de l’Elbe, avança sur Leipzig. Napoléon avait 200 000 hommes à sa disposition et, entre les 25 et 28 avril, fit converger 140 000 d’entre eux pour former une nouvelle armée du Main près de Weissenfels. Les Alliés rassemblés sous les ordres de Barclay de Tolly ne comptaient que 100 000 hommes.

Le 1er mai : L’avant-garde de Lauriston commença à occuper Leipzig ; le maréchal Bessières fut tué par un boulet de canon au cours d’un affrontement à Rippach.

2 mai : Victoire française à Lützen.
Les Alliés se mirent en mode offensif en tentant de tirer profit de la marche, adossée à la rivière Saale, de l’armée de Napoléon. Cependant, Napoléon les attendait. Une grande partie de l’action du côté des alliés fut soutenue par les Prussiens, avec un appui russe tardif dans l’après-midi. Après beaucoup de prises et de pertes de villages autour de Großgörschen, la supériorité numérique des Français commença à se faire sentir. Menacés à la fois sur la gauche et sur la droite, les Alliés furent finalement sauvés par la tombée de la nuit, ce qui leur permit de battre en retraite et d’éviter une débâcle. Une pénurie en cavalerie empêcha cependant les Français de tirer profit de leur victoire. Les Alliés purent se retirer en bon ordre, atteignant Bautzen le 12 mai.

8 mai : Napoléon reprit Dresde.
Frédéric-Auguste, constatant la victoire française à Lützen, s’engagea de nouveau dans l’alliance avec la France et ordonna à la forteresse de Torgau de s’ouvrir aux troupes françaises. Le commandant de la garnison, le général von Thielmann, retarda aussi longtemps que possible l’exécution de cet ordre avant de s’enfuir pour rejoindre les Alliés.

14 mai : La coalition se retrancha à Bautzen, dans la perspective d’un « second Borodino ».

20-21 mai : Victoire française à Bautzen.
Les troupes alliées de 96 000 hommes furent dépassées en nombre par l’armée de Napoléon qui était encore deux fois plus nombreuse à la fin de la bataille. Les tactiques de combat de l’Empereur français auraient dû créer un second Friedland : il engagea en effet une feinte massive sur toute la ligne de front en obligeant les Alliés à renforcer cette dernière, ainsi que leur gauche, avec leurs réserves, tandis que la véritable et principale attaque française était planifiée sur la droite des alliés. Mais en fin de journée, une erreur cruciale permit aux Russes et aux Prussiens de faire une retraite remarquable, en grande partie indemnes. Le maréchal Ney s’était laissé dépasser par son enthousiasme et avait attaqué au centre les Alliés plutôt que sur leur droite en voie d’effritement. Une cavalerie plus nombreuse du côté allié joua également un rôle crucial dans la sauvegarde ces derniers. Un officier saxon au service de Napoléon, le baron von Odeleben, décrivit la retraite comme « un chef-d’oeuvre de tactique. Bien que les lignes des alliés eussent été comme jetées au centre, les Français ne parvenaient pas plus à couper leur armée qu’à capturer leur artillerie ». Ainsi, malgré sa supériorité en chiffres absolus d’hommes comme en nombre d’officiers, Napoléon ne put obtenir une victoire décisive. Il ne parvint qu’à pousser les Alliés derrière leurs lignes de retraite. De plus, les pertes alliées étaient moitié moindres que celles des forces françaises.

22 mai : Metternich proposa un armistice aux combattants.
Bien que les Français eurent rattrapé et harcelé les Russes et les Prussiens dans leur retraite, ils avaient été incapables de tirer un réel avantage de la situation face à la remarquable habileté des arrière-gardes et cavalerie russes. Napoléon lui-même, désireux d’en finir avec les Russes, prit la tête de son avant-garde afin de poursuivre sa route. Mais à Hollendorff, comme il menait ses troupes à travers le village, un « boulet de canon magique » fraya son chemin dans son entourage, tuant le général Kirgener et blessant mortellement Duroc, dont la perte fut amère pour Napoléon qui l’appréciait beaucoup.

26 mai : La bataille de Hainau fut une victoire des Alliés : la cavalerie d’arrière-garde de la coalition prit en effet par surprise ses assaillants français commandés par le général Maison.

27 mai : la Grande Armée atteignit les rivières de l’Oder et du Katzbach.

28 mai : Les Français levèrent le siège de Glogau.

29 mai : Barclay de Tolly remplaça Wittgenstein au poste de commandant en chef de l’armée prusso-russe.

30 mai : Davout recouvra Hambourg.

3 juin : Oudinot, sur son chemin à Berlin, fut arrêté à Luckau par le Prussien Bülow.

4 juin : Signature de l’armistice de Pleiswitz, qui s’avèrera être une grande erreur de Napoléon.
Indépendamment de la poursuite des hostilités, la diplomatie avait continué à faire son oeuvre. Les Alliés espéraient l’intervention de la Suède et la décision de Vienne de les rejoindre. Fort de deux victoires, en position de diviser et vaincre les Alliés, et de provoquer une insurrection en Pologne, Napoléon  aurait pu peut-être, avec un peu plus d’audace, continuer la campagne deux semaines de plus et creuser un fossé entre les Alliés et obtenir de meilleures conditions de paix. Les Alliés étaient en effet au plus bas après la défaite à Bautzen. Les Russes manquaient désespérément de ravitaillement et de munitions au point d’envisager une retraite en Silésie et d’abandonner la Prusse. Les Prussiens se demandaient comment planifier la réussite d’un dernier assaut, sur leur propre territoire, pour sauver l’honneur : en effet, la population ne s’était pas révoltée en masse (et en cela, ce n’était pas la même situation qu’en Espagne), et la Landwehr n’avait pas été un succès. De plus, l’engagement de l’Autriche restait toujours difficile à obtenir. Pour les Alliés, rester près de la frontière autrichienne dans l’attente de son hypothétique ralliement devenait intenable : le territoire près de Schweidenitz ne pouvait pas être défendu par 100 000 hommes… Cependant, Napoléon avait perdu trop d’hommes, son armée était amoindrie par un nombre important de malades et de blessés, et il lui manquait toujours la cavalerie pour obtenir une victoire décisive. En outre, ses conscrits, bien qu’ils se soient battus avec bravoure, avaient besoin de repos. Plus il gagnait de temps, plus il pourrait rassembler davantage d’hommes et de cavalerie. Il accepta donc la proposition de négociations de l’Autriche et la tenue d’un congrès (potentiellement à Prague). L’Autriche tendait là, très probablement, un piège à Napoléon, manoeuvre qu’il devait soupçonner mais qu’il pensait pouvoir maîtriser le temps d’un répit transitoire. À ces nouvelles, Barclay de Tolly reçut Langeron (d’après les mémoires de ce dernier) « avec un grand éclat de rire : cette explosion de bonheur n’était pas normale avec Barclay. Il était toujours froid, sérieux et sévère d’esprit et dans ses manières. Tous deux nous rîmes ensemble au nez du pauvre Napoléon ».

10 juin : Napoléon entra dans Dresde et s’installa dans le palais du Roi de Saxe. Très vite, il réussit à reconstituer une armée, et bientôt la cavalerie comprit 40 000 hommes

12 juin : Accord entre la Russie, la Prusse et l’Autriche. Les Alliés tentèrent de convaincre l’Autriche de rejeter l’alliance avec la France.

14 et 15 juin : Convention de Reichenbach (Silésie), entre la Prusse, la Russie et le Royaume-Uni. Les Britanniques acceptèrent de procurer un soutien financier (£2 millions) aux Alliés. Les deux tiers allèrent à la Russie et un tiers à la Prusse. En échange, la Prusse et la Russie promirent de ne conclure aucun accord ni avec la France ni avec l’Espagne sans l’aval des Anglais.

21 juin : Bataille de Vitoria en Espagne.

26 juin : Rencontre houleuse entre Napoléon et Metternich à Dresde. Les deux hommes se firent face pendant six heures dans le palais Marcolini. Napoléon se rendit compte qu’il ne pouvait pas faire confiance à l’Autriche.

27 juin : En dépit de l’altercation de la veille, Napoléon accepta la médiation autrichienne de Metternich, de peur de perdre l’alliance avec l’Autriche. Metternich, au nom de l’Autriche, promit d’aligner sa diplomatie sur la Russie et la Prusse, en stipulant que François Ier s’était engagé à rejoindre les Alliés et à déclarer la guerre à la France, si Napoléon n’acceptait pas ses conditions : abandonner le Grand Duché de Varsovie et certaines villes hanséatiques, y compris Hambourg, Brême et Lübeck, et permettre la reconstitution de la Prusse telle qu’elle était en 1806. Berlin et Moscou demandèrent aussi la dissolution de la Confédération du Rhin (le bras armé de Napoléon en Allemagne). L’Autriche espérait aussi obtenir la restitution de l’Illyrie et de toute la Galicie, si une paix européenne était signée.

Pendant ce temps-là, au Sud… : la chute de l’Espagne française

Mars 1813 : Les troupes britanniques se massèrent autour de Lisbonne, pour préparer leur entrée en Espagne. C’était la première fois que la cavalerie britannique était présente dans la péninsule ibérique depuis la retraite de La Corogne en 1808-1809.

22 mai 1813 : Les opérations offensives britanniques commencèrent en Espagne.
Wellington fit une percée secrète et inattendue le long de la rive nord du Duero, pendant que les troupes de Hill firent une feinte contre Salamanque. Réalisant qu’elles étaient débordées par les hommes de Wellington, les troupes françaises de Salamanque sortirent de la cité à la fin du mois de mai et se dirigèrent vers la forteresse de Burgos.

13 juin : Tandis que Wellington menaçait une fois de plus d’apparaître derrière les lignes françaises, les troupes françaises abandonnèrent Burgos et se dirigèrent vers le nord-est, en faisant sauter le fort – des erreurs de placement d’explosifs causèrent la mort de centaines de soldats.

21 juin : Bataille de Vitoria.
Le corps principal de l’armée de Wellington, depuis sa position sur les hauteurs, regardait les forces françaises traverser l’Ebre et entrer dans la ville de Vitoria sans être vraiment inquiété, malgré quelques escarmouches notamment à Subijana (à une bonne trentaine de kilomètres au sud de la ville) le 19 juin quand une partie de l’arrière-garde française fut prise (le cavalier George Woodberry des 18e de hussards évoque une prise de 3 500 prisonniers !). Bien qu’en sous-effectif, Joseph Bonaparte décida de livrer bataille, en espérant que le comte Clauzel, commandant de l’armée du Nord, viendrait à son aide à temps. Cependant Clauzel n’arriva pas, et le roi d’Espagne n’apporta pas non plus son aide en négligeant de détruire les ponts sur la rivière Zadorra sur son aile droite, ce qui aurait entravé la progression des troupes britanniques et alliées, et aurait permis à Joseph de se retirer en France.
En fin de compte, la pression du général britannique Graham sur les flancs des troupes françaises les força à battre retraite depuis le côté est de Vitoria en direction de Pampelune, sur des routes secondaires. Le 21 juin 1813, ne pouvant pas résister à l’énergie et à la détermination des troupes de leurs attaquants britanniques et des troupes alliées, les troupes du roi Joseph se retrouvèrent résolument en difficulté dans cette bataille qui devait marquer la fin de la présence française en Espagne. Repoussés depuis leurs avant-postes surplombant la rivière Zadorra, les Français battirent en retraite dans la ville où le convoi de bagages et le cortège de civils étaient massés. Dans la confusion qui s’ensuivit, tandis que les escadrons de cavalerie et les pelotons d’infanterie britanniques se déversaient dans la ville, le commandant en chef, le roi Joseph, manqua d’être fait prisonnier, et le major général commandant de l’armée, Jourdan, y perdit son bâton de maréchal. La défaite fut catastrophique  : perte de 7 500 hommes, dont un tiers fait prisonnier ; attaque par des Espagnols des administrateurs afrancesados du royaume qui s’étaient joints aux Français pendant la retraite ; perte de près de 150 canons (la totalité du parc d’artillerie), sans oublier celle de l’ensemble du secrétariat (y compris le code secret de l’armée), et du trésor du royaume. Les soldats britanniques n’en crurent pas leurs yeux en découvrant l’or qui leur était laissé – certains crurent même que les Français avaient délibérément ouvert les coffres pour ralentir l’attaque ennemie…), et les officiers durent confisquer des centaines de doublons dans les poches des soldats britanniques encore des semaines après la bataille. Pendant que la majeure partie de l’avant-garde britannique renonçait à sa part du butin, les forces françaises fidèles à Joseph parvinrent à battre en retraite vers Pampelune.

1er juillet : Joseph apprit la débâcle de Vitoria, Napoléon envoya Soult pour chasser Wellington.

28-30 juillet : Défaite de Soult à la bataille de Sorauren, marquant la fin du contrôle français en Espagne.

7 octobre : Après une série de victoires durement gagnées dans les Pyrénées contre les forces de Soult pendant leur retraite, Wellington traversa la rivière Bidasoa et mit le pied en France.

Menaces et promesses, obstination et perfidie  : les négociations armées et la descente vers le conflit

30 juin : Napoléon accepta la médiation autrichienne. L’armistice fut prolongé jusqu’au 10 août. Dès le 10 juillet, prévision d’un congrès à Prague.

1er juillet : Napoléon apprit la défaite à Vitoria (voir plus haut).

3 juillet : Narbonne fut envoyé à Prague comme ambassadeur pour traiter avec l’Autriche.

5 juillet : La Comédie française à Dresde.
La Comédie française avait été convoquée à Dresde le 20 juin, pour distraire l’Empereur et les troupes. Dans ses mémoires, Alexandre Dumas, relatant les souvenirs de gens de sa connaissance rencontrés plus tard dans sa vie, écrivit que « Talma et Saint-Prix arrivèrent et la Comédie française était presque au complet. Un théâtre avait été construit pour les troupes dans l’orangerie du palais dans lequel l’Empereur vivait. » Peut-être avec le recul ajouta-t-il que l’atmosphère était « voilée par la terreur ». La première pièce donnée fut La Gageure imprévue, et le 24 juin la compagnie donna Phèdre. La compagnie resta à Dresde jusqu’au 10 août.

29 juillet : Ouverture véritable du Congrès de Prague.
Pendant les négociations, les Alliés proposèrent qu’en position de départ, Napoléon devrait accepter d’abandonner l’Allemagne, la Hollande, l’Espagne et l’Italie. Napoléon tenta de gagner du temps, qu’il n’avait pas  : il refusa de donner les pleins pouvoirs à ses négociateurs et ne prit les pourparlers au sérieux que vers le 8 août.

10 août à minuit  : Metternich mit fin au Congrès et l’Autriche déclara la guerre à la France.

11 août  : Napoléon changea d’avis et accorda quelques concessions aux Alliés. Dans une note à Caulaincourt, il accepta d’abandonner la Confédération du Rhin, l’Illyrie (sauf Trieste), et le nord de l’Allemagne. Il exprima seulement le souhait de prolonger les négociations au sujet des villes hanséatiques. Il donna aussi les pleins pouvoirs à son diplomate pour qu’il négocie en son nom. Néanmoins il était trop tard. En effet, les Alliés avaient probablement espéré que l’issue du Congrès serait la guerre plutôt qu’un compromis, et ils refusèrent d’approuver les propositions de Napoléon.

13 août  : La réponse de Napoléon parvint à Metternich et aux Alliés, mais la guerre avait déjà été déclarée à la France deux jours plus tôt.

De Dresde au traité de Ried

14 août : Blücher ouvrit les hostilités.

15 août : Napoléon rejoignit la Grande Armée.

17 août : Le soir, Murat, Caulaincourt et Berthier supplièrent Napoléon d’abandonner la guerre. Ils demandèrent aussi au général Belliard de tenter d’exercer son influence sur l’empereur. Belliard rapporta à Napoléon une rumeur circulant parmi les soldats français, selon laquelle les Alliés avaient offert l’Elbe comme la nouvelle frontière de la Confédération du Rhin, moyennant quoi Jérôme resterait roi de Westphalie, et la Hollande, sous l’autorité de Louis Bonaparte, serait rétablie comme royaume indépendant de la France. De plus, toujours selon cette rumeur, l’Empire français conserverait ses forteresses sur la Meuse et l’Escaut ; ses autres frontières deviendraient le Rhin et les Pyrénées, et la France garderait aussi l’Espagne et l’Italie. Belliard rapporta à l’Empereur que l’opinion générale au sein de la Grande Armée était favorable à ces rumeurs, mais Napoléon refusa de considérer une solution, pour son empire, qui ne soit une domination sans partage de l’Europe.

18 août : Victoire de Davout à Lauenburg.

23 août : Défaite d’Oudinot à Grossbeeren.

26-27 août  : Victoire de Napoléon à Dresde.
Le 26, Macdonald était vaincu sur la Katzbach, près de Liegnitz. Les Alliés avaient tenté de prendre Dresde d’assaut le 26, mais sans succès, et les troupes françaises y étaient bien placées pour résister. Les attaques de la ville durent être abandonnées le 27 – la droite avait perdu le contrôle de la grand’route de Toeplitz par laquelle les troupes devaient pouvoir battre en retraite, et la gauche (les troupes autrichiennes) s’était détachée du centre. Napoléon ne pouvait ni arrêter ni détruire les Alliés dont la retraite les emmenait en Bohême – bien qu’ils avaient pris de petites routes secondaires difficilement praticables, qui rendaient le transport extrêmement difficile. La façon dont les Russes exécutèrent leur retraite, puis leur façon de se battre dans la bataille de Kulm qui s’ensuivit, furent exemplaire.

29-30 août  : Combinaison de ténacité et d’extrême bravoure russes lors d’une des batailles les plus féroces des guerres napoléoniennes.
Le premier jour, 14 500 soldats russes tinrent à distance 30 000 soldats français. Le second jour, les Russes tentèrent le tout pour le tout, en essayant de battre Vandamme avant qu’il ne reçoive des renforts de Napoléon de Dresde. Sérieusement dépassé en nombre par les troupes russes, autrichiennes et prussiennes, Vandamme fut pris au piège, à la fois attaqué de front et par l’arrière. Bien qu’il réussît à extraire sa cavalerie (qui s’échappa et retourna à Dresde en prenant la grand’route de Töplitz), le général français fut lui-même capturé. Face à l’attaque catastrophique de Dresde, la victoire de Kulm eut un grand effet sur le moral des troupes alliées.

6 septembre  : Défaite de Ney à Dennewitz.

9 septembre, 1813  : Traité de Töplitz.
L’Autriche, la Prusse et la Russie se réunirent dans la ville de Töplitz, et y signèrent le traité éponyme. En fait, il y eut deux accords bilatéraux, l’un entre la Russie et l’Autriche, et l’autre entre la Russie et la Prusse. Avec la montée en puissance d’Alexandre Ier, les trois parties réaffirmèrent la promesse de Kalisch de ne jamais rien conclure avec Napoléon de façon indépendante, et d’accepter la validité des accords conclus par les trois parties (une référence aux accords séparés de la Suède et du Royaume-Uni). L’Autriche et la Prusse retrouveraient leur puissance d’avant 1805, bien que pas nécessairement avec les mêmes possessions. Plus important encore, dans un article secret (même si l’essentiel des deux traités était secret), les trois pays envisageaient une possible dissolution de la Confédération du Rhin. L’Autriche était sans doute celle qui tirait le plus d’avantages de ce traité, laissant à la Russie le soin de régler le problème de la Prusse, de conserver ses territoires en terres polonaises et de décider du futur de l’influence autrichienne en Italie. La Confédération du Rhin fut en effet dissoute après la bataille de Leipzig, et fut remplacée par la Confédération germanique.

10 septembre  : L’Autriche réussit à engager des négociations avec son ennemi historique, la Bavière, des négociations qui devraient finir par mener à un accord signé à Ried le 8 octobre.

Une fois l’armistice signé le 17 septembre, la Bavière rejoignit la coalition en tant qu’allié de l’Autriche. Leur pays s’étant montré réticent par le passé, les gouvernants et les diplomates bavarois essayaient de garder leur stricte neutralité, mais quand Napoléon ne fut plus en mesure d’assurer l’intégrité de la frontière bavaroise contre l’Autriche et quand le Tsar refusa d’aider la Bavière contre une possible invasion autrichienne, le royaume d’Allemagne méridionale craignit que la Bavière ne résista pas à ces menaces si elle refusait de rejoindre l’alliance. L’Autriche fit le voeu de garantir la souveraineté et l’indépendance du royaume, promettant un territoire allemand contigu comme compensation pour les terres dont l’Autriche reprendrait possession, les accords de paix venus. En fait, les ramifications politiques de la défection de la Bavière étaient bien plus importantes que la participation de la Bavière à Leipzig ou plus tard, car le traité de Ried et les actions de la Bavière procurèrent un modèle que d’autres états inféodés à Napoléon pourraient par la suite imiter – des actions dont la Bavière avait prouvé qu’elles pouvaient réussir. Frederich de Württemburg, par exemple, devait abandonner la cause française juste avant la bataille de Leipzig, causant l’implosion de la Confédération du Rhin ; et Frédéric Auguste de Saxe à son tour allait tenter de rejoindre les Alliés, bien que son rapprochement avec Napoléon pendant la période préparatoire de Leipzig avait provoqué le refus de ses propositions par la Russie et la Prusse, et la prise de ses terres.

17 septembre  : La Bavière et la coalition signèrent un armistice.

23 septembre  : Les Prussiens battirent en retraite jusqu’à la Spree.

30 septembre  : Les cosaques chassèrent Jérôme Bonaparte de sa capitale westphalienne, Kassel.
Le commandant cosaque Alexandre Tchernyshev mena un raid audacieux derrière les lignes ennemies avec cinq régiments de cosaques, six escadrons de cavalerie régulière et quatre canons. Il avait traversé l’Elbe dans la nuit du 14 septembre et se dirigeait vers Kassel, en espérant déclencher une révolte dans toute la région. Progressant très rapidement (en un jour, elles couvrirent 85 km), ses forces attaquèrent Kassel tôt le matin du 29 septembre. C’était un bluff audacieux mais Jérôme était par ailleurs ébranlé par la chute récente de Brunswick et une révolte populaire en Hesse  : il s’enfuit devant les troupes ennemies malgré leur nombre limité, laissant le général Allix les repousser. Il se dirigea alors vers Coblence. Allix tint pendant une journée mais capitula le 1er  octobre, lorsque les habitants de la capitale se regroupèrent pour envahir sa résidence. Tchernychev saisit de vastes réserves à Kassel et 79 000 thalers ; il n’y avait cependant aucune arme à feu à confisquer. Les Russes abandonnèrent presqu’aussitôt la ville, le raid n’ayant presque aucune valeur stratégique pour les Alliés, autre que celle de saper la confiance en l’occupant français. Le principal dommage infligé aux Français à ce moment-là était orchestré diplomatiquement par Metternich qui était sur le point de faire entrer la Bavière au sein de la coalition alliée.

1er octobre : Blücher s’apprêta à traverser l’Elbe à Wartenburg avec des bateaux, depuis la rive gauche de la rivière, pour rejoindre Bernadotte. Wartenburg, dans la région de l’Elster, était une zone avec une forteresse occupée par les Français. Ney fut informé du plan de Blücher et envoya le général Bertrand empêcher le général prussien de traverser. Le général Bertrand commandait la division Morand, la division italienne Fontanelli, et la division du général Franquemont de Wurtemburg, environ 12 000 hommes, contre les 60 000 de Blücher.

2 octobre : Blücher traversa l’Elbe à Wartenburg, après avoir construit un pont dans la nuit du 2 au 3 octobre, et ses troupes arrivèrent le 3 octobre devant Wartenburg.

3 octobre : Les troupes de Blücher essuyèrent une perte de 5 000 hommes après une attaque des Français. Puis Blücher attaqua et s’empara du village de Bleddin contre les troupes de Wurtemburg (composées de 2 000 hommes). Le général français Hullot fut envoyé par Bertrand pour reprendre le village de Bleddin, mais ses tentatives furent vaines. Le général Bertrand fut ensuite forcé de se retirer à Kemberg, sans protection sur sa droite, et il ne put empêcher l’armée silésienne de traverser la rivière. A Kemberg, le général Bertrand espérait qu’il serait rejoint par les renforts de Reynier et de Dombrovsky, qui étaient en position le long de la Mulde. Ney pensa qu’il était nécessaire de reculer vers Klitzchena, car son flanc droit n’était pas protégé. Il craignait une attaque de l’armée de Bernadotte sur les deux rives de la Mulde. Il envoya un courrier pour informer l’empereur de la situation, lui demandant de faire un choix décisif, car il prédisait qu’avant le 6 octobre, l’ennemi serait en mesure de se diriger vers Leipzig avec plus de 100 000 hommes.
L’Angleterre adhéra au traité de Töplitz. L’Illyrie fut envahie par les Autrichiens.

3-4 octobre : Marmont, après avoir appris les récents événements, se dirigea vers Düben sur la Mulde avec ses hommes, pour soutenir le général Bertrand. Marmont reçut les Wurtembourgeois en renfort et put faire face à l’ennemi qui se présentait en force. Bien placé, Marmont put se défendre avec succès, malgré les sévères attaques portées par l’ennemi. Ney, qui était inquiet de la situation, fit informer Marmont qu’il reculait vers Kamens, une information qui força Marmont, menacé sur sa gauche, à reculer aussi. Les deux maréchaux se rencontrèrent mais ne purent s’entendre – Marmont trouva Ney dans une position de « peur exagérée et irraisonnée ». Pendant ce temps-là, Blücher et Bernadotte se consultèrent aussi et décidèrent de construire de solides têtes de pont à Wartenburg et à Roslau afin de pouvoir franchir l’Elbe en toute sécurité s’ils devaient être poursuivis, et d’ensuite remonter la Mulde jusqu’à Leipzig dès qu’ils le pourraient. Ces décisions donnèrent un répit de 3-4 jours à Ney et à Marmont.
La coalition était alors dans une position toujours plus favorable, bien que les deux armées alliées marchaient avec précaution sur les limites d’un cercle avec Napoléon en son centre.

4-5 octobre : Pendant la nuit, Napoléon reçut la lettre de Marmont du 4 octobre, avec des informations sur la situation du général Bertrand. Napoléon ordonna alors immédiatement à Marmont de reconstruire le pont à Düben et de retrouver Ney et Dombrovsky. Il ajouta  : « Il est urgent de repousser l’ennemi de l’autre côté de la rivière, avant qu’il n’obtienne des renforts ». Il ordonna aussi au général Drouot de diriger une division de la Garde sur Meissen, situé sur la rive droite de l’Elbe, de sorte qu’Oudinot pût établir son quartier général dans cette ville.

8 octobre : Traité de Ried  : la Bavière rejoint la coalition.
La Bavière s’était trouvée dans une position de plus en plus difficile pendant les premiers jours d’octobre. Avec les alliés à sa porte et un Napoléon incapable ou ne souhaitant pas lui envoyer de l’aide contre son vieil ennemi, l’Autriche, la Bavière, allié proche de la France et membre clé de la Confédération du Rhin, s’apprêtait à faire face à une défaite militaire, puis à un démantèlement territorial. Bien qu’il y eut des tentatives de discussions par le négociateur bavarois Wrede (conseillé par Montgelas et le roi Maximilien Joseph) de maintenir une stricte neutralité, la Bavière rejoignit finalement la coalition en tant qu’allié de l’Autriche, laquelle lui garantissait la souveraineté et l’indépendance. L’Autriche lui promettait une compensation complète avec les territoires contigus allemands en échange des terres que sa nouvelle alliée devrait lui rendre à la fin du conflit. De plus, 36 000 hommes furent mis à disposition de l’Autriche. Cette défection de la Bavière vis-à-vis de la cause française mena directement à la défection de Würtemberg et à l’effondrement de la Confédération du Rhin.

La bataille de Leipzig

9 octobre : En France, appel anticipé des conscrits de la classe de 1815.

8-11 octobre : La tentative de Napoléon d’arrêter et de vaincre l’armée de Blücher à Düben fut un échec. Après que Blücher avait réussi à amener Bernadotte à collaborer complètement avec ses forces, Blücher et von Bülow (avec leurs armées respectives du Nord de l’Allemagne et de la Silésie) avaient traversé l’Elbe et étaient stationnés autour de Düben. La nouvelle des mouvements de Blücher était parvenue à l’empereur le 5 octobre, et ce dernier espérait stopper l’avancée de Blücher et lui infliger une défaite  au sud avant que les 200 000 hommes de Schwartzenberg ne pussent atteindre Leipzig.
Cependant Blücher et Bernadotte avaient reculé à l’ouest, loin des forces napoléoniennes, traversant la rivière de la Saale jusqu’à atteindre Halle. Les Français poursuivirent les alliés le long de la rive droite de l’Elbe, mais sans succès. Napoléon fut forcé de quitter Düben et de se rabattre sur Leipzig.

13-16 octobre : Espérant détruire l’armée de Bohême conduite par Schwarzenberg, près de Leipzig, plutôt que de forcer son passage au-dessus de la Saale en perçant les rangs des armées de Blücher et de Bernadotte (avec leurs troupes respectivement de Silésie et d’Allemagne du nord), Napoléon donna l’ordre à tous les corps d’armée de converger vers Leipzig. Toutefois, et ce point devait être crucial, il était indécis quant à la place que devaient tenir Gouvion Saint-Cyr et ses 33 000 hommes à Dresde, à qui il ordonna de demeurer dans la cité saxonne, ce qui finalement les empêchèrent de prendre part à la bataille. En fin de compte, Napoléon réussit à réunir 160 000 hommes, dont 22 000 cavaliers. Les Alliés, d’autre part, n’étaient pas concentrés comme Napoléon en un point central, mais entourèrent le champ de bataille de trois côtés  : Blücher (plus ou moins avec Bernadotte) par le nord, Benningsen par l’est et Schwarzenberg par le sud. Ils étaient 200 000 au début de la bataille, mais en position vulnérable sur le terrain clé au sud du champ de bataille. Les défauts du plan initial de Schwarzenberg, c’est-à-dire d’amener un grand nombre de soldats autrichiens par l’ouest, par-delà les rivières qui étaient en crue suite au temps orageux, eurent pour conséquence immédiate de ne permettre aux Alliés de rassembler que 100 000 hommes (dont 24 000 appartenant aux réserves n’étaient pas encore arrivés), face aux 138 000 hommes de Napoléon, répartis à travers la plaine méridionale, de Liebertwolkwitz à l’est, à Wachau et Dösen à l’ouest. C’est donc sans surprise que le premier jour de la bataille se termina par une victoire française.

16 octobre : Blücher vola à Napoléon une victoire inespérée, un jour d’automne orageux.
Dans la bataille au sud de Leipzig, Napoléon, depuis son promontoire à Liebertwolkwitz, dirigea une canonnade féroce sur les forces russes qui lui faisaient face. Eugène de Wurtemberg écrivit dans ses mémoires que le déluge de boulets de canons à Leipzig était semblable à celui de Borodino, mais que cette épreuve avait duré beaucoup plus longtemps. Napoléon voulait immobiliser l’ennemi le long d’une ligne de défense composée de villages et de petites collines entre Dösen, à la droite de l’armée française, et Liebertwolkwitz, avant de lancer une contre-attaque sur la gauche et au centre, acculant de ce fait les forces alliées à la rivière Plaisse, à l’ouest du champ de bataille. Au nord, Ney devait contenir 55 000 Russes et Prussiens menés par Blücher, que Napoléon pensait être encore loin.

La bataille s’annonçait sous de bons augures pour Napoléon. Organisés en trois colonnes, les Alliés attaquèrent le flanc gauche de l’armée française (Liebertwolkwitz), le centre (Wachau) et le flanc droit (Dölitz), ce dernier étant leur principal point d’attaque. Comme ils se fatiguèrent pendant la matinée avec des tentatives infructueuses de traverser la rivière Elster à l’ouest (comme les généraux russes l’avaient prédit), et malgré une salve tirée par 200 canons, ils ne parvinrent ni à menacer le flanc droit des Français, ni à appuyer les troupes russes au sud, donnant ainsi aux forces françaises l’avantage du nombre sur ce théâtre d’opérations. Cependant, et heureusement pour les Alliés, Napoléon ne réussit pas à mener son attaque générale assez tôt. D’abord, Marmont ne put mener ses troupes au sud pour soutenir la tentative de percer les rangs des alliés, comme Napoléon le souhaitait, car Marmont était retenu au nord de Leipzig par Blücher. Comme à Waterloo, Blücher arriva sur le champ de bataille plus tôt que prévu (à 10 heures du matin), ce qui altéra considérablement le cours de la bataille. L’attaque autrichienne de Gyulai à Lindenau (à l’extrême ouest de la ville), provoqua une hémorragie de plus dans les troupes françaises, puisqu’elle menaçait la ligne de communication de Napoléon vers la France – le quatrième corps d’armée de Bertrand avait dû être envoyé pour tenir le village. Par ailleurs, Macdonald, qui avait pour mission de bloquer les Autrichiens à Seifertshain, ne parvint pas à prendre ses positions assez tôt. Par conséquent, Napoléon ne put faire sa manoeuvre avant deux heures de l’après-midi, ce qu’il appela par la suite « le moment décisif ». Les divisions russes décimées d’Eugène à Wachau reçurent finalement des renforts autrichiens (notamment de la cavalerie lourde sous le commandement du Comte Nostitz et de l’infanterie sous Bianchi et Weissenwolf), pour affronter les 16 000 hommes de la Jeune Garde française. De même, la charge de cavalerie de Murat et de ses 12 000 hommes, qui avait presque mis en fuite les dirigeants alliés, ne donna rien. L’autre attaque française importante à Gossa fut aussi finalement repoussée, mais à un coût humain considérable – l’artillerie russe avait pourtant bien oeuvré, forçant Drouot et son régiment à reculer. Au soir de cette journée, à part quelques villages que Blücher avait réussi à prendre au nord, les positions étaient en grande partie les mêmes qu’au matin. Toutefois, cette situation était pire pour Napoléon que pour les Alliés, puisqu’il leur restait encore des troupes fraîches de 100 000 hommes.

17 octobre : Ce fut un jour de pause pour la plupart des combattants, malgré une charge de hussards russes au nord qui repoussa les Français jusque dans les quartiers du nord-ouest de la ville. Les Alliés n’étaient pas mécontents d’attendre leurs renforts, tandis que Napoléon en attendait peu désormais. Les hommes de Gouvion Saint-Cyr manquaient cruellement à l’appel, ne pouvant venir de Dresde, et ses alliés saxons commençaient à douter de leur position. Napoléon aurait dû commencer à organiser sa retraite, en envoyant les convois de bagages en avant et en construisant des ponts supplémentaires sur la rivière Elster. En fin de compte, il décida qu’il tenterait un coup décisif, une tactique qui lui avait apporté la victoire tant de fois auparavant.

18 octobre : L’armée française tout simplement dépassée en nombre.
La bataille commença le matin sur les mêmes positions que le soir du 16, mais les Alliés attaquèrent simultanément les forces de Napoléon près de Leipzig par le nord et par le sud, tandis que 60 000 soldats de Bernadotte s’approchaient à l’est. Bernadotte mena lui-même 30 000 hommes au nord de Leipzig pour débuter la bataille. Blücher se battait en face du village de Schönefeld. Ce village sur les abords au nord de Leipzig changea de nombreuses fois de main pendant la journée, avant qu’il ne tombe aux mains des hommes de Langeron vers six heures du soir. L’un des épisodes les mieux connus de la bataille raconte comment deux des divisions saxonnes de Marmont sous les ordres du général Reynier retournèrent leur veste et se joignirent aux Alliés – la cavalerie de Wurtemberg changea elle aussi de camp – mais les nombres relativement minimes d’hommes impliqués dans ces revirements eurent en réalité peu d’effets sur le déroulement général de la bataille. Pris au piège de sa volonté de demeurer sur le champ de bataille, Napoléon dut faire face à presque 320 000 Alliés avec seulement 170 000 hommes. Il avait cependant commencé à planifier sa retraite, la seule inconnue étant de trouver comment sauver le plus d’hommes possible tout en défendant les positions d’arrière-garde.
Au sud, Napoléon et son état-major avaient mené avec succès la défense française de Probstheida, empêchant de ce fait les alliés de déborder les lignes françaises pour joindre les lignes alliées. Tandis que les rangs grossissants des alliés gagnaient toujours plus de terrain, et Napoléon fit peu à peu reculer ses troupes vers le nord-ouest en traversant la ville. A ce moment-là, la pénurie de munitions  commença à devenir un problème. Napoléon devait plus tard écrire à Clarke qu’il aurait pu tout sauver s’il avait alors disposé de « 30 000 renforts ». Toutefois, tout ne devait pas se dérouler sans accrocs pour les Alliés – Bernadotte et ses 60 000 hommes de l’Armée du Nord n’arriva pas avant la deuxième moitié de l’après-midi, un retard qui affaiblit d’autres régiments alliés et qui rendit la prise de Probstheida impossible. De plus, les attaques russes de la porte de Halle avaient laissé de nombreux blessés et n’avait pas permis de réelle avancée – mais la diversion des troupes françaises qui suivit la prise de cette porte clé permit aux forces russes de finalement s’emparer et de garder Schönefeld.

19 octobre  : Défaite française et retraite.
L’enjeu des combats du 19 octobre était le sort de l’armée française. Les alliés tentèrent de bloquer Leipzig, pendant que Napoléon organisait sa retraite. Schwarzenberg, qui à ce moment-là commandait l’ensemble des forces allies, lança cinq colonnes contre l’arrière-garde française. Pendant que les Français se battaient bec et ongle dans les jardins et les maisons de Leipzig, tout en battant en retraite, le principal problème demeurait  : il n’y avait qu’un seul pont sur la rivière Elster. Bien qu’une grande partie de l’armée réussisse à s’échapper, la retraite était sensiblement compromise quand les Alliés forcèrent la porte de Halle et arrivèrent vers midi à portée de feu du pont sur l’Ester. Il se trouvait qu’un caporal était chargé de faire sauter le pont, alors que son officier supérieur était parti chercher des instructions précises sur le moment adéquat pour déclencher la charge. Dans la panique et sous les balles, le caporal détona les charges, détruisant le pont et avec lui les chances de retraite de 30 000 soldats (et 30 généraux, dont Lauriston et Reynier), qui devaient être vite capturés, ainsi que 260 canons et 870 wagons de munitions. Les récits traditionnels citent des pertes françaises de 60 000 hommes, bien que le chiffre total fût vraisemblablement plus proche de 100 000 morts ou blessés, contre 54 000 pour les Alliés. Au moment où l’armée française atteignit Erfurt, il restait 70 000 hommes sous les drapeaux, et 30 000 traînards.
Il est vrai que Napoléon disposa alors d’une partie significative de son armée, et qu’il priva les Alliés d’une victoire décisive. Mais pour la première fois, la bataille n’était pas terminée, et la majorité des affrontements à venir devaient se dérouler sur le sol français…

Peter Hicks (octobre 2013)
Trad. : Lucie Louvrier et Marie de Bruchard

Mise à jour : septembre 2024

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