Blücher et la campagne de Waterloo

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7 – 10 mars 1815

La nouvelle du départ de Napoléon de l’île d’Elbe et de son arrivée sur la côte française atteint les alliés européens au congrès de Vienne. Napoléon est déclaré hors la loi. Les Alliés voient Napoléon comme une menace pour la France, où la monarchie des Bourbons a été récemment restaurée, et, de ce fait, pour l’Europe.

Le général prussien Kleist von Nollendorf rassemble ses troupes considérablement affaiblies d’environ 20.000 hommes à Juliers (Jülich/Gulik, actuellement en Allemagne, à la frontière belge) et s’organise pour rallier à sa cause les milices westphalienne et belge. Pendant ce temps, le prince d’Orange, sous l’oeil du général britannique Hudson Lowe, rassemble des hommes sous la bannière britannique à Ath, Mons et occupe Tournai ; ces troupes (une petite bande de Hanovriens et de Britanniques) étaient restées comme gardes-frontières depuis la libération des Pays-Bas, en 1814. Nollendorf et le prince d’Orange conviennent d’unir leurs forces si Napoléon attaque Tirlemont, une ville belge à 50 km à l’est de Bruxelles, presque à égale distance entre leurs deux positions. Le corps de Kleist finit par atteindre les 26 200 hommes, répartis en 30 bataillons, 12 escadrons et deux batteries et demi ; ses troupes restent stationnées sur la droite de la Moselle jusqu’au 16 Juin.

11 – 18 mars 1815

De retour à Vienne, le roi Frédéric-Guillaume III ordonne le renforcement des troupes prussiennes le long du Rhin, en particulier à Coblence, Cologne et Wesel. Les jours suivants voient l’établissement d’un conseil de guerre et la mobilisation officielle des troupes prussiennes. Un ordre du cabinet crée le 18 mars quatre nouveaux corps principalement stationnés dans les terres germanophones. Blücher est nommé commandant de l’armée de campagne, nouvellement baptisée armée du Bas-Rhin. Cette armée comprend d’anciens soldats français venant des états prussiens nouvellement formés ; leur loyauté sera dès lors questionnée.

30 mars 1815

Les 1er, 2e et 3e corps entrent en Belgique. Les deux premiers corps ont été composées d’un tiers des milices, de la moitié du 3e Corps. Un 4e corps de réserve comptent deux tiers de milice inexpérimentée.

5 avril 1815

Wellington arrive à Bruxelles depuis Vienne, après avoir visité le chef d’état-major de Blücher, Gneisenau, au QG prussien à Aix-la-Chapelle, à la frontière belge. Dans la semaine suivante, malgré le scandale mineur provoqué par la publication de Napoléon d’un ancien traité secret entre la Grande-Bretagne, l’Autriche et la France royaliste contre la Russie et la Prusse en vue de perturber les négociations militaires britannico-prussiennes, Gneisenau et Wellington parviennent à un accord sur l’invasion de la France et à travailler sur les positions de leurs armées respectives. Tous deux visent à pénétrer en France depuis la Belgique et referment leur piège sur Paris.

10 avril 1815

Blücher quitte Berlin et traverse Magdebourg, Cassel, Cologne, Aix-la-Chapelle en direction de Liège (située à 50 km à l’ouest d’Aix), où il arrive le 19 avril. Là, il rejoint son quartier général et les trois bataillons de troupes saxonnes que le congrès de Vienne y avait récemment réaffectés. Ces Saxons avaient cependant été très favorables à l’Europe napoléonienne. A ce stade, Blücher s’attend à une guerre courte. Dans son orthographe plutôt particulière, il écrit à sa femme le 24 avril : « Ich glaube, Dass wir den krig wenn er beginnt ballde Beendigen werden » [sic] (« Je crois que nous terminerons vite la guerre si elle commence »).

25 avril 1815

Suivant les ordres de mobilisation du roi de Prusse Frédéric-Guillaume, Blücher envoie une note de service pour la restructuration administrative de l’armée prussienne et de la diviser en quatre corps.

2-6 mai 1815

Certains soldats problématiques dans les troupes saxonnes (cf. ci-dessus) se rebellent et jettent des pierres sur la fenêtre de Blücher tout en refusant de lui obéir. Sept Saxons sont passés en cour martiale et fusillés ; les rebelles sont mis sous contrôle. Une partie du bataillon saxon et de l’infanterie est envoyée à Aix. Le roi de Saxe demande à Wellington de commander ses troupes.

3 mai 1815

Wellington et Blücher se rencontrent à la mi-chemin de Tirlemont et entérinent leur soutien mutuel en cas d’attaque de Napoléon sur leurs armées respectives. Les rumeurs de la progression de Napoléon ont avancé leur rencontre. Ils conviennent de se concentrer à 220 000 Anglais, Prussiens, Belges, Hanovriens et Allemands de Brunswick entre Liège et Courtrai, le long de la ligne Quatre-Bras-Sombreffe. Tous deux attendent que les armées russes et autrichiennes arrivent au Rhin et se préparent à ce que les armées anglaise et prussienne forment les avant-postes des armées alliées.

Le 11 mai 1815

Blücher fixe son siège à Hannut, à 32 km à l’ouest de Liège, un peu plus près des troupes britanniques.

Le 27 mai 1815

L’armée prussienne se regroupe principalement le long de la Meuse avec néanmoins quelques postes avancés dans le sud jusqu’à Rochefort et Dinant : le 1er Corps est concentré autour de Charleroi ; le 2e autour de Namur ; le 3e dans l’entre-deux Ciney et Huy ; le 4e à Liège. Au total, on dénombre 115 000 soldats. Cette disposition est censée rendre les Français incapables de prédire si les Prussiens se joindront à Wellington et les armées britanniques sur la droite, ou aux armées russes approchant sur la gauche. À ce stade, Blücher espère éviter les hostilités jusqu’à ce que Russes et Autrichiens arrivent également, tel que prévu aux environs du 1er juillet.

28 mai – 2 juin 1815

Wellington et Blücher se réunissent à Hasselt aux Pays-Bas. D’après les dépêches de Wellington, Blücher semble impatient de commencer la campagne, mais lui-même souhaite attendre l’armée du Haut-Rhin du prince autrichien Schwarzenberg.

13 juin 1815

Napoléon et son armée se rapprochent de la frontière franco-belge, mais les rapports sont extrêmement contradictoires quant à savoir s’il envisage une attaque contre les Prussiens ou les Anglais, si bien que Blücher comme Wellington restent aux aguets.

15 juin 1815

L’approche de Napoléon surprend quelque peu Blücher qui est alors à Namur. Wellington et lui avaient prévu leur offensive pour le 27 juin. Blücher organise son quartier général à Sombreffe et ordonne à son corps d’armée de se concentrer. Apprenant que seule une partie du 4e Corps est à Hannut (à Liège), il leur ordonne de venir à Sombreffe via Gembloux.

16 juin 1815

Wellington et Blücher se rencontrent au moulin de Bussy à 13 heures, où ils conviennent que Napoléon semble être sur le point d’attaquer à Ligny, pas aux Quatre-Bras. Les Prussiens prennent en charge cette bataille, mais le 4e corps, dirigé par le général von Bülow, n’arrive pas à temps et les 80 000 Prussiens perdent la bataille de Ligny face aux hommes de Napoléon. Blücher est blessé durant l’attaque quand son cheval est tué sous lui.
Plus tard, ce même après-midi, le maréchal Ney mène une attaque aux Quatre-Bras contre les Britanniques mais leur supériorité en nombre et l’indécision française permettent aux Britanniques d’éviter la défaite.

17 – 18 juin 1815

Bien que malmené le 16 juin, Blücher ne bat pas retraite à l’est vers la Prusse : il rétablit sa position autour de Wavre, au nord- est de Ligny, et reste ainsi en contact avec les forces alliées qui ont reculé du champ de bataille des Quatre-Bras à Waterloo.

Un des aides de camp de Wellington atteint Blücher à 11 h le 17 juin, et l’informe que le général britannique s’engage dans une bataille défensive à Waterloo. Après consultation avec Gneisenau, Blücher décide d’envoyer le 4e corps de Bülow attaquer le flanc droit de l’ennemi. Le 2e corps suivra, le 1er et le 3e restant en réserve. Les 4e, 2e et 1er corps défilent en deux colonnes depuis Wavre vers le champ de bataille de Waterloo. Alors que Blücher doit retenir les Français à Wavre, Bülow et Pirch II mènent la colonne de gauche (celle qui prendra finalement Plancenoit, à l’arrière-droite de Napoléon) ; Zieten mène celle de droite qui entre enfin sur le champ de bataille aux côtés de Wellington, sur sa gauche, autour de 19 heures.

Bien que la bataille à Plancenoit ait été âprement disputée, les Prussiens envahissent finalement la droite française, provoquant la volte-face puis la fuite de l’armée française. Entre 9 et 22 heures, près de la ferme de Belle-Alliance, Blücher aurait rencontré Wellington et aurait prononcé la célèbre formule (et seule phrase qu’il connaissait) en français : « ! Quelle affaire ! ».

Malgré les coups de boutoir essuyés toute la journée par l’armée alliée, et la perte de 7 000 hommes, les troupes prussiennes sont relativement assez fraîches pour prendre les devants dans la poursuite des troupes françaises. La voiture de Napoléon sera saisie par la cavalerie prussienne à Gemappes, et les Français en déroute ne sont pas épargnés dans cette furieuse poursuite. L’avant-garde de Blücher atteint enfin la périphérie de Paris, le 29 juin. Avec l’abdication de Napoléon le 22 juin, la guerre prend officiellement fin lors de la signature de la convention de Saint-Cloud, le 3 Juillet 1815.

Ironie du sort, et presque une anecdote historique, le général prussien Thielemann, qui devait tenir la gauche de la position à Wavre, sera battu par Grouchy le lendemain de la bataille de Waterloo. Malgré cette victoire inutile, l’incapacité de Grouchy à parvenir à temps sur le champ de bataille de Waterloo allait bientôt être retenue comme cause principale de l’échec fatidique de Napoléon ce 18 juin 1815.

Syamala Roberts, trad. de l’anglais Marie de Bruchard, juin 2015

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