Cette chronologie s'appuie sur la description officielle publiée à Milan en 1805 (Documenti officiali relativi al nuovo regno d'Italia e all'incoronazione di Napoleone I, imperatore dei' Francesci e re d'Italia), de préférence au texte français rédigé par le grand maître des cérémonies, le comte de Ségur, qui fut publié peu avant les événements (Programme de la cérémonie du couronnement de S. M. L'Empereur Napoléon Roi d'Italie, Louis-Philippe Ségur, édité par Stampa Soncino, 1805).
Dates
Paris, 31 décembre 1804
Accord entre Napoléon et son frère Joseph : ce dernier accepte la couronne du royaume de Lombardie, et une somme de 200 000 francs. Le 1er janvier 1805, Napoléon en informe l'empereur du Saint-Empire romain germanique, François II. (Correspondance de Napoléon Ier, édité par ordre de l'Empereur Napoléon III, n°8250).
Paris, 25 janvier 1805
Joseph revient sur son accord, afin de ne pas perdre ses droits à succéder à Napoléon sur le trône de France.
Paris, Ier février
Eugène de Beauharnais est nommé archi-chancelier d'Etat, en prévision de sa nomination comme vice-roi d'Italie.
Paris, 5 février
Napoléon accepte de devenir roi d'Italie, et plus seulement roi de Lombardie : sans conteste un affront pour l'Autriche.
Paris, 17 mars
La délégation italienne, par la voix de Melzi, demande à Napoléon de bien vouloir que la constitution de 1802 soit modifiée afin que le régime républicain devienne une monarchie constitutionnelle. La Consulta di Stato, équivalent du Conseil d'Etat français, a travaillé sur de nouveaux textes. Les articles III et IV portent notamment sur les règles de transmission de la couronne : la couronne d'Italie, momentanément réunie à la couronne de France par la personne unique de Napoléon, devra en être séparée à la mort de l'empereur : la couronne d'Italie sera portée par ses descendants directs par ordre de secondo-géniture, à ses frères admis à la succession au trône de France ou, en cas d'extinction de la famille Bonaparte, à un prince désigné par la Consulte.
Paris, 18 mars
La principauté de Piombino est accordée à Elisa Bonaparte.
Paris, 19 mars
Proclamation officielle de la Consulta di Stato informant le peuple italien que Napoléon a accepté la couronne d'Italie.
Paris, 22 mars
Un décret imperial fixe la date du couronnement à Milan, le 23 mai.
Paris, 30 mars
Décret précisant l'accession au trône : en cas de minorité du roi, un régent serait nommé. Il devrait avoir au moins 25 ans et serait obligatoirement un homme.
Paris, 31 mars
Napoléon quitte Paris pour Milan.
Milan, 31 mars
Au dessus du Palazzo Reale est monté pour la première fois, sous les coups de canons et les cris de la foule (Evviva !), le drapeau aux armes du nouveau royaume : serpent des Visconti, couronne de fer du royaume d'Italie, armes du duché de Milan, clés pontificales, aigl d'Este, lions de Saint-Marc et double croix du Piémont.
Milan, 13 avril
D'ici trois jours, tout non-résident de Milan devra demander à la police une autorisation de séjour dans la ville.
Vérone, Mantoue, 4 mai
Une route en cours de construction à Vérone est dénommée Strada Bonaparte, tandis que Mantoue fait ériger une pyramide égyptienne et un arc de triomphe en l'honneur de Napoléon, inspiré de celui de Septime Sévère (érigé à Rome en 204) : large arche centrale encadrée de deux plus petites, colonnes détachées des façades, quadrige.
Alessandria / Marengo, 5 mai
Rreconstitution de la bataille de Marengo, à laquelle assiste Napoléon. Murat, Lannes et Bessières commandaient les troupes. Berthier présenta à Napoléon cinq exemplaires de la relation de la fameuse bataille gagnée cinq ans plus tôt. L'Empereur s'avérant insatisfait du travail, Berthier dut détruire les cinq livres.
Pavie, 7 mai
Le couple impérial arrive à Mezzana-Corti où il est accueilli par une foule enthousiaste.
Milan, 8 mai
Napoléon fait son entrée à Milan, par la porte de Marengo, acclamé par les troupes françaises et italiennes, et un public nombreux. Puis l'empereur s'arrête à la cathédrale où il est accueilli par les prélats de la ville. L'opéra de la Scala ainsi que d'autres monuments et quartiers de la ville, sont illuminés.
Milan, 9 mai
Création d'un Conseil d'Etat sur le modèle français, divisé en cinq sections : justice, affaires intérieures, finances, guerre et culte.
Milan, 12 mai
Après la messe, Napoléon passé en revue les troupes françaises et italiennes, qui exécutent quelques manoeuvres.
Milan, 14 mai
Première session du Corps législatif italien.
Milan, 17 mai
Napoléon visite la bibliothèque de Brera, l'académie des lettres et plusieurs établissements d'enseignement.
Milan, 18 mai
Première session des collèges électoraux d'Italie.
Milan, 20 mai
Napoléon reçoit les représentants du haut clergé des villes de Milan, Brescia, Bergame, Pavie, Côme, Crema, Novare, Vigevano, Cremone, Lodi, Bologne, Modène, Reggio, Imola, Carpi, Ravenne, Cesène, Forlì, Faenza, Rimini, Cervia, Ferrare, Mantoue, Comacchio, Adria, et Verone.
Milan, 21 mai
Le cérémonial du couronnement, toujours prévue pour le 23, est publié.
22 mai
Décret mettant en vigueur dans le royaume, le Concordat de 1803, à partir de juin 1805.
Report de la cérémonie au 26.
22 mai, après-midi
A midi, départ de Monza du cortège transportant la Couronne de fer des rois d'Italie, qui était conservée à la cathédrale de Monza.
A 15h, la Couronne de fer est déposée à la cathédrale de Milan.
Faite à partir de l'un des clous de la Vraie Croix trouvé en Terre Sainte par Sainte Hélène, mère de Constantin. Depuis que la reine lombarde Flavia Teodolinda eut donné la couronne à la ville de Monza, vers 594, la tradition veut que ce soit l'archiprêtre de Monza ou l'archevêque de Milan (en fait le prélat le plus âgé du royaume de Lombardie) qui couronne les rois d'Italie.
25 mai
Le Cardinal Caprara, archevêque de Milan, est reçu par Napoléon, lors d'une audience privée, et lui remet les lettres signées par le Pape le confirmant dans le rôle de négociateur entre Napoléon et le Saint-Siège.
25 mai
annonce du déroulement du couronnement et des festivités :
26 mai, jour du couronnement, illuminations dans la ville et feux d'artifice au Foro Bonaparte.
28 mai, courses de chevaux et lâchés de ballon
29 mai, remise de prix d'encouragement à l'innovation industrielle, dans la Sala del ministero. Divertissements populaires et illuminations des rues le soir.
31 mai, Teatro Grande : concert et bal organise par la municipalité.
25 mai, au matin
Les gendarmes français et italiens, sous les ordres du général Duroc, Grand Maréchal du Palais et chargé de la sécurité, prennent place aux abords de la cathédrale.
Dans la nuit du 25 au 26 mai
La députation, qui a accompagné le transfert de la couronne de fer de Monza à Milan, monte la garde auprès de la couronne. Au cours de la cérémonie ce sont plus particulièrement l'archevêque de Monza, le syndic des marguilliers et le président du conseil de la ville qui seront chargés de veiller sur la couronne.
26 mai, 8h du matin
– Les députations militaires et de la Garde nationale entourent la piazza della Fontana sous le commandement du général Lecchi (sans doute Teodoro (et non Giuseppe) Lecchi (1768-1866), commandant des Grenadiers de la Garde Royale, un proche d'Eugène de Beauharnais). Ils ont terminé de prendre place près de la cathédrale à 9h30.
– Les membres de la Cour d'appel, les présidents de la Consiglia, des services civils départementaux et municipaux des principales villes du royaume, le corps municipal de Milan, les députations de l'Institut et des universités de Pavie et de Bologne, se retrouvent au Palais préfectoral (Palazzo del Preftto) avant de rejoindre la cathédrale peu avant 10h.
26 mai, 10h
– Les membres des collèges électoraux, de la Consulta di Stato, du Conseil législatif, du Corps législatif, de la Cour de Cassation, de la Cour d'appel, du Trésor quittent leurs différents établissements, sous escorte de 80 hommes, pour se rendre à la cathédrale.
– Les généraux de division et de brigade, les préfets, les colonels, les inspecteurs aux revues, les sous-préfets et les commissaires ordonnateurs des guerres, se rendent seuls à la cathédrale.
– Les membres du clergé invités à la cérémonie se rassemblent à l'archevêché.
26 mai, 11h
Son éminence le cardinal archevêque de Milan rejoint le choeur de la cathédrale, accompagné du clergé.
26 mai, 11h45
– Sa Majesté l'Impératrice et Reine Joséphine quitte le Palazzo Reale, tout proche de la cathédrale, et emprunte la galerie couverte reliant le palais à la cathédrale et spécialement construite à cet effet. Le cardinal archevêque l'accueille et la conduit à sa place.
– La princesse Elisa est entrée dans la cathédrale peu avant l'impératrice Joséphine, accompagnée des membres de sa maison (écuyer, chancelier, dames d'honneur).
26 mai, midi
Napoléon quitte le Palazzo Reale sous les salves de l'artillerie. Le soleil brille, dans un ciel dégagé. Au moment de prendre la couronne, Napoléon prononce ces mots remarquables : « Dieu me la donne, gare à qui la touche ! » (Iddio me l'ha data; guai a chi la toccherà!').
26 mai, une demi-heure pares la fin de la cérémonie (vers 16h ?)
Encadré à sa tête par les Grenadiers français, et à sa queue par les Grenadiers italiens, le cortège impérial se rend à la basilique Saint'Ambrogio afin d'écouter un Te Deum.
27 mai
Retour de la couronne de fer à Monza.
28 mai
Parodie de jeux du cirque, au Circo al campo di Marte, lancement d'un ballon mongolfier en présence de Napoléon.
29 mai
Spectacles dans les rues : musiciens, chanteurs, jongleurs, petits étals de nourriture jusqu'à 2h du matin. Deux grands bals dans les jardins publics de la ville, entièrement illuminée.
31 mai
Grand bal à La Scala.
4 juin
Décret annexant la république-soeur ligurienne à l'Empire. Cette région est organisée en trois départements : Gênes, Montenotte et Apennins.
6 juin
Décret créant la fonction de vice-roi.
7 juin
Nomination d'Eugène de Beauharnais, vice-roi d'Italie.
Décret instaurant les frontières entre l'Empire français et le royaume d'Italie, soit une ligne allant de l'embouchure du Sesia jusqu'à son point de jonction avec le Pô, puis de ce point du Pô jusqu'à l'embouchure du Tessin. Les lits du Sesia et du Po dépendent de la juridiction de l'Empire français.
10-12 juillet
Voyage de retour du couple impérial, qui passe par les villes de Brescia, Verone, Legnano, Mantoue, Bologne, Modène, Plaisance et Gênes, pour arriver à Fontainebleau le 12 juillet.
Quelques détails
L'organisation
Il semble que la cérémonie du couronnement ne fut pas préparer avec un souci du détail aussi grand que celle du sacre à Paris. Le programme publié par Ségur comportait divers éléments encore vagues, qui devaient être précisés ultérieurement : il était juste mentionné qu'une inscription devait surmonter la porte ouest de la cathédrale, les noms des personnes qui devaient porter les offrandes étaient laissés en blanc, le manteau du roi avait été oublié dans la liste des honneurs, de même qu'il n'était pas indiqué qui devait le tenir pendant la cérémonie (Talleyrand en fut chargé à la dernière minute). Deux éléments complétèrent le texte de Ségur. Le premier texte concernait le moment où devaient être tirées les salves d'artillerie et sonnées les cloches dans la ville (notamment lors de l'arrivée de la Couronne de fer à Milan), et modifiait certaines dispositions : Napoléon devait entrer dans la cathédrale, en portant la couronne impériale et la couronne d'Italie, et Eugène de Beauharnais, en tant que vice-roi, n'était plus placé dans une tribune particulière, mais à la droite même du grand trône de Napoléon, (deux marches plus bas était-il précisé, en italique dans le texte). Le deuxième texte complémentaire portait sur le déroulement de la cérémonie, sur les attributions de chacun, comme porter les offrandes, les honneurs de Charlemagne et de l'Empire, ou accompagner la Couronne de fer.
Décoration et ornements
Une longue galerie, en forme de tente, fut construite du grand escalier du Palazzo Reale jusqu'au portail d'entrée de la cathédrale. Afin de permettre au public de voir les personnalités sortir du Palazzo et entrer dans la cathédrale, les deux extrémités de la galerie étaient ouvertes. Les armoiries du royaume surmontaient la porte d'entrée de la cathédrale, tandis que l'intérieur était décoré de tentures de soie brodées d'or.
Couronnes
Quatre couronnes furent utilisées pendant la cérémonie. Napoléon entra dans la cathédrale en portent la couronne impériale et la couronne d'Italie, la couronne de Charlemagne, déposée sur l'hôtel de la cathédrale, ne fut pas portée. La couronne de fer fut portée par Napoléon le temps de la cérémonie (au moment symbolique du couronnement).
Auteurs : P. Hicks, I. Delage(trad et adaptation), mai 2005