L’expédition de Chine de 1860 et ses origines

Période : IIe République - 2nd Empire/2nd Republic-2nd Empire
Partager

Préparation de l’expédition de Chine

Depuis l’avènement, en 1850, de l’empereur Hien Fong, de la dynastie mandchoue des Qing, la Chine continue de se refermer sur elle-même. De nombreux désordres apparaissent à travers le pays. L’Europe s’inquiète pour ses ressortissants et l’avenir du commerce.

En 1856, l’Angleterre décide d’une épreuve de force contre les ports de la Chine du Nord et occupe en octobre Canton (aujourd’hui Guangzhou). Ces nouvelles interventions sont connues sous le vocable de « seconde guerre de l’opium ». Elle est soutenue par la France qui prend pour prétexte le martyr d’un missionnaire, Auguste Chappedelaine. Les Français songent aussi, tout comme les Anglais, à une ouverture du marché chinois au commerce pour les uns, à l’opium pour les autres.
Les Anglais et les Français désignent alors des ministres plénipotentiaires chargés des négociations avec les Chinois La voie diplomatique n’aboutissant pas, les deux puissances bombardent et occupent Canton à la fin de l’année 1857. L’Empire Qing, déjà mis en grande difficulté par la révolte des Taiping (1851), ne fut pas en mesure de résister ; les troupes chinoises sont à nouveau battues et les Qing contraints d’accepter le traité de Tientsin en 1858, vécu par les Chinois comme une nouvelle humiliation.

Le 25 juin 1859, de nouveaux affrontements ont lieu, les navires étrangers sont reçus à coups de canons et des négociateurs torturés et assassinés. L’intervention franco-britannique semble inévitable. En octobre 1859, cependant, les relations franco-britanniques sont au plus mal. On peut lire dans les Mémoires d’Horace de Viel-Castel : « L’Empereur est assure-t-on, fort aigri et très monté contre l’Angleterre, et parfaitement décidé à se passer de son concours et à ne se laisser intimider, ni par ses froideurs, ni par ses menaces. Il a dit au ministre de la Marine que l’expédition pour la Chine devait être prête à partir du 1er décembre… » (27 octobre 1859). En effet, de nombreux points de désaccords les opposent : dans les affaires italiennes, dans la lutte pour l’influence au Maroc (incluant la guerre hispano-marocaine qui avait récemment éclaté) et dans le projet de Canal de Suez. Néanmoins, une expédition combinée aura lieu, les premiers bateaux français quittant la France le 5 décembre 1859.

Déclaration de guerre à la Chine

À la fin de l’année 1859, les flottes franco-britanniques quittent l’Europe en direction de la Chine, après plusieurs années de conflits larvés et l’assassinat de nombreux missionnaires et de ressortissants européens. La France et l’Angleterre envoient un ultimatum à l’Empereur de Chine le 8 mars 1860 dans lequel elles demandent : une lettre d’excuses pour l’attaque de vaisseaux français à Pei-ho ; l’assurance que les Français envoyés sur place pourront passer sans peine à Tientsin (Tianjin) et Pékin ; l’assurance que le gouvernement chinois est prêt à ratifier le traité de Tientsin de 1858 ; une indemnité pour couvrir les coûts de l’expédition.

Le gouvernement chinois refuse et le 8 avril, après le délai de réflexion de 30 jours accordé aux Chinois, la France et l’Angleterre déclarent la guerre. Le 21 avril, les forces anglaises occupent les îles formant Chusan (Zhoushan), dans la baie d’Hangzhou, dans le but de protéger l’accès à Shanghai. Le 6 juin est amorcé en complément un mouvement au Nord à Zhifu, et les bases d’opérations pour anticiper un assaut au nord par le Golfe de Petchili (mer de Bohai) sont mises en place.

Le 18 juin, Montauban est à Shanghai et assiste à un conseil où sont décidés deux points de débarquement pour les forces alliées, avec comme date prévisionnelle le 15 juillet. Alors que les troupes sous le commandement du général Grant doivent arriver au nord du Pei Ho, à Beitang, celles de Montauban doivent débarquer par le sud, à Chi-Kan. Un site qui changera après le travail de reconnaissance effectué les 14 et 15 juillet par l’amiral français Protet et sur le conseil d’une source plus inattendue. Pendant qu’à Shanghai, Montauban rencontre l’ambassadeur russe à Pékin, un certain Général Ignatief, unique représentant européen à la cour chinoise, constitue le seul interlocuteur possible pour les forces alliées. Malgré la réserve britannique quant à sa fiabilité, le commandement français reçoit un certain nombre de cartes avec le conseil de procéder à une attaque via les Forts Takou (aujourd’hui la partie du quartier Tanggu, Tianjin).

L’expédition de Chine

En Chine, la flotte franco-britannique s’installe à Zhifu en vue d’un assaut via le Golfe de Pechihli. Le 19 juillet, un conseil commun de guerre se tient sur l’îlot où il est unanimement décidé d’attaquer le littoral du Golfe Bohai. Le 1er août, les forces combinées s’installent au village de Beitang. Ayant saisi le village, les deux forts situés de chaque côté de la rivière sont eux aussi occupés et pillés. Le 2 août, Beitang sert de base pour les troupes alliées. Les provisions, les munitions et le matériel nécessaires à l’expédition y sont déchargés des bateaux. Les jours suivants, lors d’une reconnaissance des environs, un camp chinois à la proximité du village est découvert. Une seconde force plus importante est alors envoyée en reconnaissance. Après une brève escarmouche entre troupes anglaises et chinoises, les deux groupes battent en retraite. Une forte pluie permet alors aux alliés de finir d’installer l’artillerie et de positionner leurs troupes sans être inquiétés.

Entre les 12 et 22 août, les bateaux chinois sont chassés à l’embouchure du Pei Ho ce qui rend libre la voie vers Tientsin (Tianjin), évacuée par l’empereur chinois.
Le 21 août, une action conjointe des forces alliées (anglaises et françaises) est lancée sur les cinq forts de Taku sur les bords du Pei Ho. Après de lourds combats, une trêve est décidée, le temps d’enlever les morts et d’évacuer les blessés.
Une délégation franco-britannique, expédiée au petit village de Shuiku y négocie un protocole d’accord selon lequel il est décidé que :
– tous les forts et les camps situés sur la rive nord de la rivière, y compris les canons et l’armement, seraient cédés par les Chinois.
– des officiers chinois devront être expédiés aux forts pour donner les informations quant aux poudrières, aux pièges et aux mines posés dans les forts.

Après l’accord, les forces chinoises évacuent les forts et se retirent à Tientsin avant la retraite sur Pékin. Le 22 août, les forces alliées traversent ainsi le Pei Ho pour occuper les forts de la rive nord. La route vers Tientsin est ainsi ouverte. L’occupation de Tientsin débute le 2 septembre alors que des négociations avec la Chine ont été lancées dès le 31 août. Le 7 septembre les négociations débouchent sur un échec. Il s’avére que les Chinois n’ont utilisé ces négociations que dans le seul but de retarder toute autre action, donnant ainsi le temps nécessaire à l’empereur pour organiser la défense de Pékin. Le départ des forces alliées pour Pékin se fait les 9, le 10 et 11 septembre 1860…

Le 14 septembre, de nouveaux pourparlers de paix sont demandés par les négociateurs chinois. Si les négociateurs alliés acceptent la discussion, refusant de perdre du temps ils fixent le lieu des négociations à Tongzhou (aujourd’hui quartier de Pékin) située alors à 25 km de Pékin. Ils signifient de même que les actions militaires alliées n’ont pas pour autant été suspendues. Néanmoins ils acceptent que les troupes alliées ne traversent pas un point donné, situé à 8 km au sud de Tongzhou, que les différentes ratifications se fassent à Pékin, et que les négociateurs alliés ne soient escortés que de 2000 hommes (et sans artillerie).

Bataille de Palikao

Sentant un piège, Montauban demande un certain nombre de réserves et, le 17 septembre, se met en route avec 1100 hommes, plus l’artillerie, pour Matao, à la périphérie de Pékin.
Il devient clair qu’une partie des négociateurs a été pris en embuscade sur la route à Tongzhou par la cavalerie chinoise. Le corps expéditionnaire anglo-français en marche sur Pékin, encore à 120 kilomètres, se heurte le 18 septembre à une armée de 25 000 hommes à Tchang-Kioutang. Malgré une infériorité numérique les Anglais et les Français remportent la bataille.
Le 19 septembre, les préparatifs commencent pour la bataille décisive. Alors que 30 000 hommes composent les troupes chinoises organisées au pont de Palikao, passage stratégique aux portes de Pékin, les troupes alliées disposent quant à elles de 8 000 à 10 000 hommes.
Le 21 septembre, le combat a lieu. À 5 heures du matin, les troupes alliées s’avancent sur le pont. La bataille reste célèbre par l’héroïsme de la cavalerie mongole chargeant face au feu puisant de l’artillerie alliée. Après seulement cinq heures de combats, les troupes anglo-françaises franchissent le pont de Palikao et ne sont plus qu’à une douzaine de kilomètres de Pékin. Les pertes chinoises s’élevent à 25 000 morts ou blessés. Les troupes alliées, selon le rapport officiel réalisé en 1862, ne déplorent que 1200 tués ou blessés. À la suite de cette victoire Napoléon III donne le titre de Comte de Palikao au général Cousin-Montauban.

Le sac du Palais d’été

L’empereur Xianfeng quitte Pékin, laissant à son frère, le prince Kong, la responsabilité des négociations de paix. Les alliés ont reçu des renforts et l’avance sur la capitale chinoise a été restreinte et prudente. Le 5 octobre, les troupes alliées s’installent à cinq kilomètres environ des murailles. Le 6 octobre, apprenant qu’un détachement de la cavalerie chinoise a reculé au Palais d’été, les troupes alliées s’avancent vers cette  la position. Un certain nombre d’escarmouches ont lieu après l’entrée des alliés sur les terres du Palais. Le 7 octobre, commence le pillage du Yuanming Yuan, le Palais d’été de l’Empereur et joyau architectural chinois. Ce sac se poursuit le lendemain, 8 octobre. Les objets les plus précieux sont expédiés en France et en Angleterre.

Prise de Pékin

Les négociations avec le Prince Kong commencent le 22 septembre et le 9 octobre, les prisonniers diplomatiques sont remis aux alliés. Le 10 octobre, l’hiver approchant rapidement, un ultimatum est posé au prince. Celui de remettre le contrôle de la porte Anding de Pékin et de permettre l’installation d’un certain nombre de troupes alliées le long des remparts avant le 13 octobre, ou bien devoir faire face à la perspective de voir exploser la muraille. Après d’ultimes négociations, la porte est ouverte et les troupes alliées rentrent dans la ville. C’est la prise de Pékin.

Le 17 octobre, on donne au prince Kong jusqu’au 23 octobre pour signer le traité.
Le 18 octobre, les alliés incendient le Palais d’été sur ordre de Lord Elgin, en représailles des tortures infligées à des Européens. Il faut dire que l’homme a de qui tenir. Son grand-père démonta le Parthénon en 1801. Le Palais mettra trois jours à se consumer.

Le 20 octobre, Kong, craignant de nouvelles représailles, accepte de payer des indemnités d’un montant global de 4 millions de francs aux prisonniers et à leurs familles ; le 22 octobre, il accepte les articles restants du traité. Ceux-ci sont semblables à ceux du Traité de Tientsin de 1858, bien que la somme des indemnités s’y éleve à 8 millions de francs. Les 24-25 octobre est signé le Traité de Pékin. Un traité dont les conséquences s’avèreront catastrophiques pour la Chine. Elle doit en effet légaliser le commerce de l’opium, autoriser les navires étrangers à naviguer sur le Yang-tsé-Kiang, accorder tous les droits civils aux chrétiens, ouvrir l’ensemble de son territoire aux missionnaires ainsi qu’aux voyageurs occidentaux et payer de fortes indemnités aux vainqueurs.

Pékin reste inoccupée par des troupes alliées, qui se sont établies à l’extérieur des murailles. Du 26 au 28 octobre, les corps des prisonniers alliés qui ont été torturé et exécuté par les chinois sont enterrés. Le 1er novembre, les troupes françaises laissent Pékin pour prendre leurs quartiers d’hiver dans Tientsin dès le 6 novembre. Les premières troupes anglaises y arrivent le 12 novembre. Montauban quitte Tientsin le 22 novembre.

L’hiver dans Tientsin est particulièrement dur en 1860 et en janvier 1861. La variole sévit parmi les troupes alliées. Quarante-six cas sont relevés. Le général Collineau en meurt le 15 janvier 1861.

Dès le 23 février 1861, de nombreux d’objets pris lors du pillage et renvoyés en France sont exposés au Palais des Tuileries ; en 1863, les articles les plus précieux sont finalement entreposés au Musée Chinois à Fontainebleau, où ils restent encore à ce jour.

À consulter > notre dossier thématique consacré à l’expédition de Chine de 1860

Partager