Lettre à Joséphine datée de Nice le 10 Germinal

Artiste(s) : BONAPARTE Napoléon
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Lettre à Joséphine datée de Nice le 10 Germinal

Adresse A la citoyenne Bonaparte chez la citoyenne Beauharnais. Rue Chantereine n° 6. Paris. Cette lettre, la cinquième envoyée par Bonaparte à son épouse, a été publiée pour la première fois en 1827 dans le second volume des Mémoires d'une contemporaine d'Ida Saint-Elme.
En voici le texte conforme à l'orthographe : Je n'ai pas passé un jour sans t'aimer, je n'ai pas passé une nuit sans te serrer entre mes bras, je n'ai pas pris une tasse de thé sans maudire la gloire et l'ambition qui me tiennent éloigné de l'âme de ma vie. Au milieu des affaires, à la tête des troupes, en parcourant les camps, mon adorable Joséphine est seule dans mon coeur, occupe mon esprit, absorbe ma pensée. Si je m'éloigne de toi avec la vitesse du torrent du Rhône, c'est pour te revoir plus vite. Si au milieu de la nuit je me lève pour travailler encore c'est que cela peut avancer de quelques jours l'arrivée de ma douce amie. Et cependant dans ta lettre n°3 du 26 ventose tu me traites de Vous. Vous toi-même. Ah! mauvaise comment as-tu pu écrire la lettre mais qu'elle est froide. Et puis du 22 au 26 reste 4 jours. Qu'as-tu fait puisque tu n'as pas écrit à ton mari…A mon amie ce vous et ces 4 jours me font regretter mon antique indifférence. Malheur à celui qui en seroit la cause ! Pût-il pour peine et pour supplice éprouver ce que la conviction et l'évidence qu'il seroit ton ami me ferait éprouver. L'Enfer n'a pas de supplice ni les furies de serpents ! Vous ! Vous ! Ah ! que sera-ce dans quinze jours…Mon âme est triste, mon coeur est esclave et mon imagination m'effraye. Tu m'aimes moins. Tu seras consolée. Un jour tu ne m'aimeras plus. Dis-moi-le. Je saurai au moins mériter le malheur. Adieu, femme, tourment, bonheur, espérance, et âme de ma vie, que j'aime, que je crains, qui m'inspire des sentiments tendres qui m'appellent à la nature et des mouvements tempestueux aussi volcaniques que l'Etna. Je ne te demande ni amour éternelle, ni fidélité mais seulement…vérité, franchise sans borne. Le jour que tu me diras je t'aime moins sera ou le dernier de mon amour ou le dernier de ma vie. Si mon coeur étoit assez vil pour aimer sans retour je le hacherai avec les dents. Joséphine, Joséphine ! Souviens-toi de ce que je te dis quelques fois. La nature m'a fait l'âme forte et décidée, elle t'a bâtie de dentelle et de gaze. Si tu cesses de m'aimer !! Pardon âme de ma vie, mon âme est tendre sur de vastes combinaisons. Mon coeur entièrement occupé par toi a des craintes qui me rendent malheureux. Je suis ennuyé de ne pas t'appeler par ton nom. J'attends que tu me l'écrives. Adieu ! Ah ! Si tu m'aimes moins tu ne m'auras jamais aimé. Je serai alors bien à plaindre.

Bonaparte

P.S. Tu l'agonises. Cette armée n'est plus reconnaissable. J'ai fait donner de la viande, du pain, du fourrage. Ma cavalerie armée, mes charrois marchent bientôt. Mes soldats me montrent une confiance qui ne s'exprime pas. Toi seule me chagrines, toi seule fais le plaisir et le tourment de ma vie. Un baiser à tes enfants dont tu ne parles pas. Pardi cela allongerait tes lettres et ensuite les visiteurs à 10 heures du matin n'auroient pas le plaisir de te voir. Femme !!!


Lettre vendue 650 000 francs français par l'étude Briest à Drouot le 19 novembre 1997.

Date :
30 mars 1796
Technique :
3 pages in-4, adresse, cachet cire rouge, marque postale Armée d'Italie.
Crédits :
Etude Briest
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