L’idée d’une fontaine trônant sur la place de la Bastille germa dans l’esprit de Napoléon dès 1806. En 1809, le projet prit la forme d’un monumental éléphant. Et le 9 février 1810, un nouveau décret entérina le projet :
« Il sera élevé, sur la place de la Bastille, une fontaine sous la forme d’un éléphant en bronze, fondu avec les canons pris sur les Espagnols insurgés; cet éléphant sera chargé d’une tour et sera tel que s’en servaient les anciens; l’eau jaillira de sa trompe. Les mesures seront prises de manière que cet éléphant soit terminé et découvert au plus tard le 2 décembre 1811. »
[Correspondance de Napoléon Ier, réimpression de l’édition du Second Empire, 2002, n° 16233]
On retint le projet du sculpteur Pierre-Charles Bridan, sous la direction de l’architecte Célerier assisté par Alavoine, qui ne présentèrent leur devis qu’en février 1812. Fut érigée ensuite une maquette, grandeur d’exécution (14,60 m de haut sur 16,20 m de long). Le monumental animal fut installée dans l’est parisien vers la gare de Vincennes et fut visitée par Napoléon en 1813 mais le projet qui ne fut pas une priorité de l’Empire tourna court. L’éléphant est probablement resté à la postérité par le biais de l’œuvre Les Misérables de Victor Hugo qui fait du pachyderme le refuge du jeune Gavroche. L’écrivain écrivait dans un épisode que le romancier situe en 1832 : « Il y a vingt ans, on voyait encore dans l’angle sud-ouest de la place de la Bastille, près de la gare, un monument bizarre qui s’est effacé déjà de la mémoire des Parisiens […] C’était un éléphant de quarante pieds de haut, construit en charpente et en maçonnerie, portant sur son dos sa tour qui ressemblait à une maison jadis peint en vert par un badigeonneur quelconque, maintenant peint noir par le ciel, la pluie et le temps. Dans cet angle désert et découvert de la place, le large front du colosse, sa trompe, ses défenses, sa tour, sa croupe énorme. et ses quatre pieds pareils à des colonnes faisaient la nuit, sur le ciel étoilé, une silhouette surprenante et terrible. On ne savait ce que cela voulait dire. C’était une sorte de symbole de la force populaire. C’était sombre, énigmatique et immense. C’était on ne sait quel fantôme puissant, visible et debout à côté du spectre invisible de la Bastille. » [Victor Hugo, Les Misérables, Livre 6, chapitre 2]. Ce monument fut abattu en 1846, il n’en reste que la base circulaire de la fontaine.
Février 2010