Le 5 juin 1806, Napoléon nomma son frère Louis Napoléon Bonaparte, roi de Hollande. Cette décision tactique de la part de Napoléon avait pour objectif de limiter l’indépendance de la Hollande en installant sur le trône un homme de paille, en l’occurrence son frère cadet. Mais Louis prit ses fonctions de roi très au sérieux. Il adopta la forme néerlandaise de son prénom, Lodewijk I, et plaida pour ses sujets néerlandais. Il essaya même d’apprendre le néerlandais… avec plus ou moins de succès : sa déclaration « Je suis le lapin de Hollande (Konijn van Holland) » à la place de « je suis le roi de Hollande (Koning van Holland) » resta célèbre. En dépit de sa maladresse linguistique, Louis était surnommé « le bon » par ses sujets, qui appréciaient sa compassion et son dévouement.
Cette bannière a été réalisée en 1806, peu de temps après que Louis fit son entrée glorieuse dans Amsterdam, dont il avait fait la capitale de son royaume. Le 31 juillet 1806, il fit amener les plus grands trophées militaires et navals de la nation du Binnenhof, siège du Parlement néerlandais à La Haye, à Amsterdam. Cette bannière fut transportée à cette occasion en tête de la procession. Il y est écrit : « Louis Napoléon, roi de Hollande, présente à sa capitale Amsterdam ces trophées pris par de courageux Néerlandais à leurs ennemis » ; en surplomb du texte sont peintes les armoiries d’Amsterdam, entourées de deux lions et surmontées de la couronne impériale.
Voir la bannière en grand format sur le site du musée.
Le règne de Louis devait être de courte durée. Le 1er juillet 1810, Napoléon le força à abdiquer, puis annexa la Hollande le 9 juillet. L’Empereur s’était plaint à son ministre des Affaires extérieures Champagny, dans une lettre du 8 mars 1810, de la désobéissance, qui plus est publique, de son frère vis-à-vis de ses ordres : « Quel est le but du roi en écrivant ces lettres* ? Quel a été le but de ceux qui les ont fait mettre dans les journaux ? Que si le roi veut se conduire ainsi, à quoi sert de signer un traité qui ne durera pas vingt-quatre heures ? Car, à la première impertinence de ce genre, je m’emparerai de la Hollande ; et il vaut mieux alors en finir tout de suite ! » (8 mars 1810).
Aussi, l’Empereur prévint Louis dès le 13 mars qu’il songeait à ce rattachement : « Toutes les raisons politiques voulaient que je réunisse la Hollande à la France. La mauvaise conduite des hommes qui appartiennent à l’administration m’en faisait une loi. Mais je vois que cela vous fait tant de peine, que, pour la première fois, je fais ployer ma politique au désir de vous être agréable. Toutefois, partez bien de l’idée qu’il faut que les principes de votre administration changent, et que, au premier sujet de plainte que vous me donnerez, je ferai ce que je ne fais pas aujourd’hui. » La conclusion d’une des dernières lettres à son frère en tant que roi de Hollande résume le courroux de l’Empereur à son égard : « Soyez d’abord Français et frère de l’Empereur, et soyez sûr que vous serez dans le chemin des intérêts de la Hollande. Mais pourquoi tout ceci ? Le sort en est jeté ; vous êtes incorrigible. Déjà vous voulez chasser le peu de Français qui vous restent ; ce n’est ni des conseils, ni des avis, ni de l’affection qu’il faut vous montrer, mais la menace et la force. Qu’est-ce que ces prières et jeûnes mystérieux que vous avez ordonnés ? Louis, vous ne voulez pas régner longtemps ; toutes vos actions décèlent mieux que vos lettres intimes les sentiments de votre âme. Écoutez un homme qui en sait plus que vous. Revenez de votre fausse route ; soyez bien Français de cœur, ou votre peuple vous chassera et vous sortirez de Hollande l’objet de la risée et de la pitié des Hollandais. C’est avec de la raison et de la politique que l’on gouverne les États, non avec une lymphe âcre et viciée. » (20 mai 1810)
Louis avait été le premier roi des Pays-Bas ; cinq ans devaient passer avant d’en voir un nouveau : Guillaume d’Orange-Nassau devint roi de Hollande le 16 mars 1815, en réponse directe au retour de Napoléon de l’île d’Elbe et à sa volonté de restaurer l’Empire.
Francesca Whitlumcooper, trad. Marie de Bruchard (décembre 2014)
* Louis avait écrit deux lettres au Conseil d’État et au Corps législatif de Hollande, insérées dans la Gazette d’Amsterdam du 1er mars. Retrouvez l’ensemble de la Correspondance de Napoléon Bonaparte en 1810 dans le volume X de sa correspondance générale : un grand empire.