Napoléon Ier est nommé chevalier de l’ordre de l’Éléphant par le roi Frederik VI du Danemark le 18 mai 1808, peu après la conclusion du traité de Fontainebleau, le 31 octobre 1807, scellant l’alliance du Danemark et de la France. C’est la première nomination faite par le souverain après son accession au trône, le 13 mars 1808, et la première fois qu’un souverain français entre dans le prestigieux ordre danois. Niels Rosenkrantz (1757-1824), diplomate et futur ministre des Affaires étrangères du Danemark, se rend en France afin de porter les insignes de l’ordre à l’empereur.
C’est à Bayonne, au cours d’une audience particulière, le 6 juillet à 9 heures du matin, que Napoléon reçoit ce « gage de l’attachement invariable du Roi et de Sa persévérance dans l’union contre l’ennemi commun ». Le 12 juillet, il remercie Frédéric VI : « Monsieur mon Frère, M. de Rosenkrantz, chambellan de Votre Majesté, m’a remis la décoration de l’Ordre de l’Éléphant qu’elle m’envoie. Je la remercie de ce témoignage de son amitié… ». Le bijou de l’Éléphant est bien mentionné dans l’inventaire de la garde-robe de 1811.
L’ordre de l’Éléphant est un ordre chevaleresque issu d’une fraternité remontant au milieu du XVe siècle, dont les statuts ont été fixés en 1693. Il est réservé à trente chevaliers, nobles et de religion luthérienne, non compris les princes de la maison royale. L’insigne est « un éléphant émaillé de blanc, portant, sur une housse bleue, frangée d’or et croisée de blanc, une tour d’or maçonnée de sable, c’est-à-dire de noir ». À la mort du chevalier, il doit être rendu ainsi que les statuts. L’Éléphant de Napoléon fait exception à la règle. Pris dans la berline de l’Empereur à Waterloo, il est offert par Blücher au roi de Prusse et conservé jusqu’au XXe siècle dans différents musées allemands, puis, à partir de 1946, au musée historique d’Etat de Moscou. À l’occasion de la célébration du 60e anniversaire des relations diplomatiques entre l’Union soviétique et le Danemark, en 1984, il est exposé dans la capitale russe et le principe de son renvoi à Copenhague est abandonné.
Le bijou de l’ordre de l’Éléphant de Napoléon Ier semble être un bijou dit baroque d’un modèle ancien, probablement du troisième tiers du XVIIIe siècle. Il présente un sexe masculin et a une trompe courte assez caractéristique. Il est en effet différent des insignes du début du XIXe siècle fabriqués par Nicolai Christiensen (1771-1832), fournisseur des insignes de l’ordre. Le chiffre du roi a été effacé : il est de tradition au Danemark, lorsque le souverain décède, que le monogramme des bijoux retournés au chapitre de l’ordre soit effacé. Vraisemblablement le joailler de la cour n’a pas eu le temps de peindre le chiffre de son nouveau souverain sur l’insigne qui devait être attribué rapidement à Napoléon.
Anne de Chefdebien
Conservateur du musée de la Légion d’honneur
juillet 2012