La manufacture des Gobelins qui avait connu des années difficiles pendant la période révolutionnaire reçut à partir de 1805, sur l’ordre de Napoléon, de nouvelles commandes destinées à orner les demeures impériales ou à faire l’objet de cadeaux diplomatiques. Sans beaucoup d’originalité, les liciers se tournèrent vers les productions des grands artistes à la solde du pouvoir et choisirent de reproduire fidèlement ceux de leurs tableaux qui servaient le mieux la propagande impériale. Ici, le modèle est la toile de Gros aujourd’hui conservée au musée national de Malmaison, Le Premier Consul distribuant des sabres d’honneur après la bataille de Marengo. Cette grande composition réalisée en 1802 fut achetée par le général Bessières. Elle met en scène le Premier Consul lors de la revue des troupes le 27 prairial an VIII (16 juin 1800), au camp de San Giuliano-Vecchio, distribuant deux jours après la bataille les récompenses à ses plus valeureux soldats.
Pour le portrait équestre de Bonaparte, Gros adapta le portrait officiel du Premier Consul qui lui avait été commandé en 1802. Ceci explique la pose un peu artificielle du cavalier sur son cheval et notamment la torsion maladroite du buste. Mais en dépit de ses imperfections, ce tableau se distingue par des qualités qui furent saluées par les contemporains du peintre, à commencer par son maître David. Delécluze nous apprend qu’il « ne craignit pas de dire en plein Salon que cet ouvrage […] produirait un bon effet sur les travaux de l’école de Paris, où l’on négligeait trop le coloris. Girodet, Gérard et tous les peintres en renom furent unanimes pour vanter le mérite de Gros […] ». La vivacité et la fraîcheur des coloris de l’œuvre ont particulièrement bien été transposées dans la tapisserie. Mais la copie servile d’une œuvre déjà existante ne plut guère à l’Empereur. De Berlin, il écrivit en 1806 : « Défendre aux Gobelins de faire des tableaux avec lesquels ils ne peuvent jamais rivaliser, mais faire des tentures ou des meubles ». L’ordre ne semble heureusement pas avoir été respecté et de nombreuses œuvres de David, Gérard, Regnault ou Serangeli furent copiées par la manufacture. La tapisserie d’après le tableau de Gros sera achevée en décembre 1810 et offerte à l’occasion des étrennes de 1811 à la reine Hortense. L’un des chefs-d’œuvre de Gros, Les Pestiférés de Jaffa, fera aussi l’objet d’une copie par les Gobelins.
Karine Huguenaud
Juin 2005