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Celle conservée dans les collections de la Fondation Napoléon a été fabriquée par le maître orfèvre Augustin-Marie Franchet, reçu en 1777. Réalisée en or jaune, elle servait à fixer sur la nuque un col de soie noire plissée que Napoléon portait avec une cravate de mousseline. Aucune décoration ou fioriture ne permet de la distinguer d’une autre, si ce n’est l’inscription qu’elle porte (cf. infra). En effet, aucun strass n’y est présent, ce qui correspond à la mode depuis la Révolution : la préciosité de l’objet renvoyait à une réputation de coquetterie. Seul ornement à noter :la présence sur la traverse (qui permettait de resserrer les tissus entre eux) de formes presque végétales dont le motif central, entre les quatre ardillons, est un rond.
Cette boucle de col correspondait à un objet du quotidien pour l’Empereur. Elle complétait sa tenue qui se voulait avant tout pratique et proche des uniformes ou costumes portés par ses soldats. Elle rejoignit les malles de Napoléon lors de son exil et il est aisé de l’imaginer associée au gilet que la Fondation Napoléon conserve également dans ses collections.
Comme la plupart des biens emportés à Sainte-Hélène (linge, livres, armes, porcelaine, argenterie), elle revint par testament à son fils. Il s’agit de 72 objets répartis en 6 lots. À ses seize ans, le duc de Reichstadt devait recevoir les reliques chargées de souvenirs de la vie de son père : l’épopée guerrière s’incarnait dans les armes et les uniformes ; l’éclat de la réussite se matérialisait dans le nécessaire de toilette en vermeil, le service de vaisselle de la manufacture de Sèvres et l’argenterie : la gloire brillait dans le médailler en or. Tels des rois mages, les membres de la petite cour de Sainte-Hélène devaient acheminer les présents à Vienne : les armes de prestige par l’intermédiaire de Bertrand, la vaisselle précieuse et le médaillier par Montholon, les petits objets (dont la boucle) grâce à Marchand, les livres aux armoiries impériales aux bons soins de Saint-Denis, les fusils de chasse de l’arquebusier Lepage, les selles à la française en velours cramoisi, housses en drap garnies de galons d’or et les brides en argent via Noverraz, les objets du culte des mains de l’abbé Vignali.
Mais le fils tant espéré et adoré ne reçut jamais son héritage. Son grand-père, l’empereur d’Autriche, veilla, ainsi que le chancelier Metternich, à ce que l’enfant puis le jeune homme soit le moins exposé, le moins lié à son passé français et à son père dont l’ombre était bien encombrante. Ces objets, si humbles soient-ils, contenaient tant de richesse émotionnelle pour un orphelin que jamais les émissaires n’obtinrent l’autorisation de se rendre à Vienne. Tout au plus, l’ambassadeur autrichien à Paris fut déclaré apte à les recevoir, ce que refusèrent les convoyeurs, outrés du procédé méprisant à leur égard et suspicieux quant au devenir de ces souvenirs. Quelles garanties avaient-ils que les précieux trésors symboliques soient bien remis en main propre au destinataire ?
En 1832, à la mort du duc de Reichstadt, sa grand-mère, Madame Mère demanda à son chargé d’affaire en France, son cousin Jean Thomas Arrighi de Casanova, duc de Padoue, de rassembler tous les lots dispersés. Certains convoyeurs, comme Montholon avaient été peu scrupuleux ou souhaitaient un autre destin pour des pièces majeures, à l’instar de Bertrand ou de Noverraz. Les « objets de l’Empereur » rescapés parvinrent à Rome au début de l’année 1836. Hélas, l’envoi fut trop tardif pour que sa mère puisse s’en réjouir. Sa dernière lettre fut adressée à Padoue pour réclamer avec insistance l’héritage de son fils et petit-fils. Elle s’éteignit le 2 février 1836 sans avoir vu se réaliser un de ses derniers vœux.
Le partage des objets entre les enfants de Letitzia Bonaparte fut effectué par le duc de Padoue en six lots tirés au sort : ses fils Joseph, Lucien et Louis, la comtesse Camerata, fille d’Élisa, et sa fille Caroline (Pauline était morte sans descendance le 9 juin 1825).
La boucle d’or échut à Caroline Murat. Sur l’intérieur de l’anneau, on peut lire : «Cette boucle de col qui appartenait à l’Empereur Napoléon et dont il se servait à Sainte-Hélène est échue en partage à sa sœur Caroline».
Élodie Lefort & Chantal Prévot
Septembre 2022