Description
Ce volume in 4 contient les 87 bulletins de la Grande Armée relatifs à la campagne de Prusse, datés du 8 octobre 1806 au 12 juillet 1807, ainsi que les traités de paix conclus à Tilsitt avec la Prusse et la Russie. Le prince Eugène n’a pas participé à cette campagne, mais comme l’impératrice Joséphine, Cambacérès, Clarke, Fouché ou Joseph Bonaparte, il a reçu directement de Napoléon les Bulletins de la Grande Armée au fur et mesure de leur publication par les presses de l’état-major impérial. Il est probable que furent reliés les bulletins issus directement de ces envois. Pour cet exemplaire unique et hors commerce a été réalisé un titre calligraphié « Bulletins de la Grande Armée commandés par Napoléon l’an mille huit cent six » sur vélin, et ont été reliés 3 portraits également sur vélin de Napoléon, Alexandre Ier, et Frédéric de Prusse.
La reliure est aux armes du prince Eugène : aigle frappé de la couronne de fer des rois Lombards. Elle est en maroquin vert à long grain, avec une large dentelle dorée accompagnée d’une dentelle à froid encadrant les plats, fers à l’éventail aux angles, dos orné à répétition, filet sur les coupes et dentelles dorées intérieures, papier de garde moiré rose (reliure Empire). Sur le premier plat : armes dorées et titre « Bulletins de la Grande Armée », typographie des documents officiels du ministère de la Guerre.
À noter qu’il existe dans le commerce des éditions contemporaines à cette édition de luxe de recueils des bulletins de la Grande Armée pour la campagne de 1806-1807 :
– Campagne des armées françaises en Prusse, en Saxe, en Pologne, etc. sous le commandement de S.M. l’Empereur et Roi en 1806 et 1807, Paris F. Buisson, 1807, 4 volumes. Ces volumes sont enrichis de portraits et de biographies des acteurs et des personnes ayant été tués pendant la campagne. Cette compilation est probablement l’œuvre de Jacques Peuchet (1758-1830), journaliste et administrateur, garde des archives à la Préfecture de police ;
– Campagne des armées françaises en Prusse, en Saxe et en Pologne, commandées en personne par S.M. l’Empereur Napoléon Ier en 1806-1807, Allebé, imprimeur-libraire, Anvers 1807.
Le contenu est similaire à celui du prince Eugène de la Fondation Napoléon.
Contexte historique
Dès 1796, alors que Napoléon perce à peine sous Bonaparte : il comprend l’intérêt de se faire journaliste pour diffuser au plus grand nombre les exploits de son armée. Les Bulletins de la Grande Armée sont les héritiers du Courrier de l’armée d’Italie de 1796 ou du Bulletin de l’armée de Réserve de 1800. Ils sont autant destinés à informer le grand public qu’à fournir au soldat qui a combattu « des matériaux aux causeries des bivouacs » [1].
Envoyés au préfet, les Bulletins sont lus en chaire lors du sermon dominical, dans les lycées, dans les cabarets ou dans les théâtres. La diffusion s’en veut étendue pour toucher une part importante de la société. Dictés par Napoléon, ils sont remis en forme par les officiers de son état-major. Chaque mot est mûrement réfléchi par un Empereur qui pense que « les bulletins faits à la hâte sont insignifiants » [2]. Il y revisite les événements, amplifiant les hauts faits et minimisant les échecs ou les pertes. Avant publication, afin de donner l’impression que tout a été anticipé et que la victoire a été inéluctable, Napoléon n’omet pas de retravailler les textes des proclamations prononcées quelques heures plus tôt [3].
Cette manipulation de la vérité fait naître une expression dans l’armée et la société : « menteur comme un bulletin ». Cependant, après s’être illustré sur le champ de bataille, être mentionné au Bulletin est un honneur que guettent les soldats et les régiments.
Si l’opinion publique militaire et civile est la cible de ces publications, Napoléon travaille également à sa renommée. Le 30 novembre 1811, il recommande à Berthier de s’occuper sans relâche d’écrire les campagnes de 1805 à 1809 « sans quoi, il ne restera rien ». La collection des bulletins doit être réimprimée « en les retouchant, en faisant disparaître les choses qui ont été reconnues fausses, en corrigeant quelques fautes de style et en mettant à la suite les pièces d’état-major, tels qu’états des prisonniers, des drapeaux, des canons, des officiers généraux, colonels, lieutenants-colonels qui ont été pris, les journaux de siège, les capitulations en règle, les noms des régiments qui se trouvaient à chaque affaire. »[4]
Ce faisant, l’Empereur aspire à laisser à la postérité une œuvre plus grandiose, et surtout officielle, comme cela avait été fait pour Marengo.
François Houdecek, avril 2019
[1] « Considération sur l’art de la guerre », Correspondance de Napoléon Ier publiée par ordre de Napoléon III, Vol. XXXI, p. 416-417.
[2] Fondation Napoléon, Correspondance générale de Napoléon Bonaparte, Paris, Fayard, vol. 11, n° 29 217.
[3] Bertrand Fonck, « La proclamation d’Austerlitz », in Hervé Drévillon, Bertrand Fonck, Michel Roucaud, Guerres et armées napoléoniennes, Nouveau Monde/Fondation Napoléon, Paris, 2013, p. 387.
[4] Correspondance générale, n° 29 217.