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Les effigies de Napoléon commencèrent à se multiplier au lendemain de la première campagne d’Italie. C’est certainement entre le 5 décembre 1797, jour du retour de Bonaparte à Paris, et le 4 mai 1798, date de son départ en Égypte, que le sculpteur Charles-Louis Corbet rencontra le jeune général afin de réaliser un buste grandeur nature commandé par le Directoire. Le plâtre fut exposé au Salon de l’an VI (ouvert le 19 juillet 1798) sous le titre Portrait du général Buonaparte, fait d’après nature, avec la précision qu’il sera exécuté en marbre pour le gouvernement. De fait, au Salon de 1800, Corbet présente Le général Bonaparte, buste marbre, exécuté par ordre du Directoire pendant l’expédition d’Égypte.
Si ces deux versions semblent avoir disparu, d’autres exemplaires en plâtre, signés et datés de l’an VI à l’an VIII (septembre 1797 à septembre 1800), sont conservés aux châteaux de Malmaison et de Versailles, musée Carnavalet, musée de l’Armée, musée des beaux-arts de Lille, musée Masséna de Nice, etc. Fort d’un succès immédiat, ce buste a en effet connu une grande fortune au XIXe siècle. Des copies de marbre en furent réalisées sous le Second Empire par Iselin et Oliva et des fontes en bronze, de différentes dimensions et destinées au commerce, en furent exécutées. C’est à cette dernière catégorie qu’appartient l’exemplaire de la Fondation Napoléon.
S’inscrivant dans la série des premiers portraits sculptés de Napoléon – avec ceux de Ceracchi et de Boizot – ce buste les surpasse tous par sa superbe. Représenté de face, la tête légèrement tournée vers la gauche, Bonaparte porte son uniforme de général. Le traitement du manteau, drapé avec panache sur l’épaule gauche, appartient à la grande tradition du portrait d’apparat sculpté. La physionomie du jeune général est conforme aux représentations de l’époque, visage mince, presque émacié, aux joues creusées, menton volontaire, cheveux longs noués dans le cou avec des mèches lui tombant sur les tempes et le front.
Corbet fixe ici l’image du triomphateur d’Italie confronté à ses rêves de gloire. Cette célébration du héros dans tout l’éclat de sa jeunesse porte la même énergie conquérante que les premières effigies peintes par Gros et David. Elle en est aussi la dernière. Dès 1802, Corbet actualise le portrait conformément à l’évolution physique et politique de son modèle. Le Premier consul, modèle d’après nature, présenté au Salon cette année-là, n’est plus qu’une vision officielle dépourvue du souffle épique qui caractérise l’admirable buste du général Bonaparte.
Karine Huguenaud
avril 2011