Ce diplôme de baron d’Empire a été attribué au colonel Charles Bouge fin mars 1808, et confirmé en janvier 1809. Il est l’un des premiers barons d’Empire puisque ce titre a été créé le 1er mars 1808.
Charles Bouge a embrassé la Révolution française : il est capitaine au 2e bataillon de volontaires du Var au 17 septembre en 1791. Il poursuit sa carrière dans les armées des Alpes et d’Italie jusqu’en 1796, puis en Helvétie et dans les armées du Rhin de 1799 à 1800. En 1804, il est chef de bataillon du 32e régiment d’infanterie de ligne et participe à la campagne d’Allemagne de 1805 et finit blessé au bras gauche avant Austerlitz. Il prend part aux campagnes des deux années suivantes, devient colonel du 61e régiment de ligne à l’âge de 44 ans en 1807. Bénéficiaire d’un dotation de 4 000 francs sur les biens réservés en Westphalie en mars 1808, il est fait baron d’Empire par lettres patentes datées du 29 de ce même mois et du 28 janvier 1809. Il fait la campagne de Russie de 1812, année où il devient commandant de la Légion d’honneur mais qui s’achève mal pour l’officier : il est fait prisonnier par les Russes, le 10 décembre. Rentré en France en août 1814, il reprend la tête de son régiment sous la Restauration et le grade de chevalier de l’ordre de Saint Louis lui est attribué. Maintenu à son poste durant les Cent-Jours, il est mis en non activité en novembre 1815, six mois après la bataille de Waterloo. Charles Bouge est mis à la retraite dix ans plus tard et décède à Callian dans le Var le 25 mai 1826.
Cette carrière illustre parfaitement le but de l’établissement de la noblesse d’Empire : comme la Légion d’honneur qui constitue une reconnaissance de la valeur d’un militaire ou d’un civil, le titre nobiliaire sert à distinguer la fidélité à Napoléon Ier. Mais il s’accompagne de la volonté d’élever socialement et financièrement (par un majorat) un individu et sa famille. Pour obtenir un titre de baron, il faut justifier de revenus supérieurs à 15 000 francs par an, et seuls les maires des grandes villes et les évêques obtiennent automatiquement ce titre.
Le terme «noblesse » n’apparaît, en tant que tel, nulle part dans les statuts fondateurs de mars 1808 qui voient la création des titres de comte, baron et chevalier (la noblesse d’Empire est née en 1804 avec les premières créations de titres de princes dans la famille impériale et c’est en 1806 qu’a été créé le titre de duc). Cette absence illustre le paradoxe du concept voulu par Napoléon Ier : différencier l’aristocratie de l’Ancien Régime, cette « noblesse », de la nouvelle élite hiérarchisée qu’il veut mettre en place… alors qu’il lui attribue exactement les mêmes titres. L’instauration de cette « noblesse nouvelle » est ainsi un des éléments qui incarnent le mieux le changement de régime voulu par Napoléon Ier, du passage du Consulat au retour à une monarchie renouvelée mais toujours très stratifiée. La gestion de ce nouveau système social est confiée au Conseil du sceau, animé par Cambacérès, Portalis et Pasquier.
L’Empereur s’intéresse jusqu’au plus petit détail de la codification de l’héraldique utilisée sur les neuves armoiries. Il décide, par exemple, qu’à de rares exceptions près (dont Murat et Talleyrand), nulle couronne ne peut apparaître au-dessus de ces écussons inédits. Par ailleurs, les écus sont étroitement liés à la fonction ou au statut du titulaire, lorsqu’il s’agit des comtes et barons : les comtesses veuves de militaires ont ainsi un écusson d’or en abîme à l’épée en pal et renversée, de sable (voir une description de tous les écussons).
À l’attribution de son titre et de son majorat, le nouveau titulaire doit prêter serment dans le mois qui suit, entre les mains de Napoléon lui-même pour les ducs et princes, entre les mains de la personne désignée par l’Empereur pour les autres titres. Le texte prononcé est le suivant : « Je jure d’être fidèle à l’Empereur et à sa dynastie, d’obéir aux constitutions, lois et règlements de l’Empire ; de servir Sa Majesté en bon, loyal et fidèle sujet ; d’élever mes enfants dans les mêmes sentiments de fidélité et obéissance, et de marcher à la défense de la Patrie toutes les fois où le territoire sera menacé ou que Sa Majesté irait à l’armée ».
La noblesse d’Empire a connu des destins variés après la chute de Napoléon : si ses membres ont gardé leurs titres après la Restauration, ils ont en revanche pour la plupart perdu leurs majorats, a fortiori lorsque ce dernier était hors du territoire de la France, comme c’était le cas pour la dotation du colonel Bouge. Sa tombe est à Callian dans le caveau – toujours visible – de la famille de sa mère, née Mireur.