Écritoire, grand cabinet de Napoléon au palais des Tuileries

Période : Directoire-Consulat-Ier Empire/Directory-Consulate-1st Empire
Artiste(s) : BIENNAIS Martin-Guillaume
Partager

Cette riche écritoire (GMLC-624-000), présentée pour la fois première dans une exposition, a été livrée en décembre 1813, par Martin Guillaume Biennais (1764-1843) pour le grand cabinet de Napoléon Ier au palais des Tuileries. Au même moment, l’orfèvre de l’Empereur en fournit un exemplaire identique pour le palais de Fontainebleau.

Écritoire, grand cabinet de Napoléon au palais des Tuileries
GMLC-624-000 © Mobilier national | Isabelle Bideau

L’écritoire est composée d’un plateau ovale, porté par quatre griffes de lion, orné d’un côté du chiffre de l’empereur entre deux cornets d’abondance, et de l’autre côté des armes impériales entre deux renommées tenant des palmes. Le plateau supporte trois bassins destinés à recevoir l’encre, la poudre asséchante et l’éponge ; ils sont dotés d’un couvercle, excepté le bassin central, qui est surmonté d’une sonnette dont la poignée est en forme de coq.

Écritoire d’apparat, elle est réservée à l’Empereur pour la signature des actes officiels. Aux Tuileries, Napoléon Ier exerce l’essentiel de son pouvoir souverain dans le salon de l’Empereur ou grand cabinet. S’y tiennent les conseils des ministres, les audiences des ambassadeurs ou les serments des grands fonctionnaires.

Cabinet de l’Empereur © Galerie des Gobelins, Mobilier national, 2021

Situé au premier étage du palais sur la cour d’honneur, entre la salle du Trône et la galerie de Diane, le grand cabinet a conservé l’essentiel du décor fixe datant du règne de Louis XIV. À la différence de la salle du Trône, dont l’aménagement est fixé en 1804, le grand cabinet est la pièce dont l’ameublement a suscité le plus d’hésitations et de modifications.

Le meuble en damas couleur tabac d’Espagne installé en 1807 ne satisfaisant pas l’Empereur, il demande dès septembre de la même année que les tentures murales, les portières et les cantonnières soient en tapisseries des Gobelins, que les sièges soient également couverts de tapisseries des Gobelins ou de Beauvais et que le tapis soit exécuté par la manufacture de la Savonnerie.

En janvier 1809, quatre tapisseries des Gobelins à sujets mythologiques et récemment tissées remplacent la tenture murale : Vénus blessée par Diomède (GMTT-220-002) d’après Antoine-François Callet au-dessus de la cheminée (retirée en 1810 lors de la création de la nouvelle cheminée monumentale de Percier), Hélène poursuivie par Énée (GMTT-220-004) d’après Joseph-Marie Vien sur le long mur principal, Zeuxis à Crotone d’après François-André Vincent en face de la cheminée, et l’Enlèvement de Déjanire d’après Guido Reni sur le trumeau d’entrefenêtre. Des bordures sont tissées exprès aux Gobelins pour leur servir de cadre. Y alternent le chiffre de l’Empereur et les symboles impériaux. Il s’agit d’une solution provisoire, en attendant que des tapisseries tissées d’après les tableaux relatant les hauts faits militaires ou diplomatiques du règne, soient mis sur le métier et terminées.

Sur fond pourpre parsemé d’abeilles, deux portières représentent l‘une les armes de l’empire français (GOB-23-00), l’autre les armes du royaume d’Italie (GOB-551-000). Elles sont complétées par quatre portières allégoriques figurant la Victoire , la Renommée, le Génie des sciences et des arts (GOB-831-001) et le Génie du commerce et de l’agriculture.

Une partie des bois et des tapisseries de sièges, présentés à l’Empereur en novembre 1810, ne lui conviennent pas et doivent être modifiés (ce premier meuble, envoyé à Rome en 1812 pour le palais du Quirinal, est actuellement conservé à Caserte).

De nouveaux dessins sont élaborés en avril 1811 et sont soumis aux corrections de Denon et de David. Le tapis spécialement tissé à la Savonnerie (GMT-2079-000), dont le dessin devait être « le plus beau qu’il soit possible », est mis en place cette même année. Il a pour motif la Légion d’honneur et ses seize cohortes. 1811 voit également la pose des rideaux de croisées en damas blanc à motif de treillage de branches d’olivier habitées par des abeilles (GMTC-112-002).

Napoléon Ier a finalement très peu profité de l’ameublement de son grand cabinet aux Tuileries, dans son état idéal, si jamais cet état l’était, compte-tenu des nombreuses hésitations et modifications apportées à sa demande. Le second ensemble de sièges couverts en tapisserie est seulement installé en mars 1813, l’écritoire en vermeil est livrée en décembre et le dernier élément commandé, le fauteuil tournant, est mis en place en février 1814, trois semaines après que l’empereur ait quitté le palais.

Les emblèmes impériaux répandus sur tous les éléments du mobilier sont par la suite supprimés, de manière restreinte lors de la première restauration où les marques les plus visibles du gouvernement de Bonaparte sont modifiées, de façon quasi systématique après les cent-jours lorsqu’il convient désormais d’éradiquer les symboles de l’usurpateur.

Malgré ces modifications, Louis XVIIII et Charles X conserveront en grande partie le décor et l’ameublement du grand cabinet de Napoléon Ier. Ainsi de l’écritoire, où les armes de France et le chiffre de Louis XVIII ont remplacé ceux de l’empereur. En 1926, l’écritoire est envoyée au palais de l’Élysée. Depuis cette date, il orne le cabinet de travail des divers présidents de la République. La présence du coq, symbole mis à l’honneur par la troisième République, explique le choix de cette écritoire d’apparat.

Le grand cabinet des Tuileries dans son état de 1814 est restitué au premier étage de la galerie des Gobelins, dans le cadre de l’exposition Palais disparus de Napoléon. Tuileries, Saint-Cloud, Meudon, jusqu’au 16 janvier 2022. Les principaux éléments subsistant de son ameublement y ont été rassemblés, et les ateliers du Mobilier national ont restitué la table du conseil, avec son tapis de velours de soie vert bordé de galon et frange d’or et sa calotte de velours vert.

Arnaud Denis, novembre 2021
Arnaud est inspecteur des collections au Mobilier national et l’un des commissaires de l’exposition Palais disparus de Napoléon. Tuileries, Saint-Cloud, Meudon.

► Bibliographie sur le grand cabinet et son ameublement : Samoyault, Jean-Pierre, « Le grand appartement des Tuileries », dans Palais disparus de Napoléon. Tuileries, Saint-Cloud, Meudon, cat. expo., 2021, p. 135-149.

► Cet objet est exposé à la Galerie des Gobelins dans le cadre de l’exposition Palais disparus de Napoléon, du 15 septembre 2021 au 16 janvier 2022.

Date :
1813
Technique :
orfèvrerie
Dimensions :
H = 17 cm, L = 37 cm, P = 22 cm
Lieux de conservation :
Galerie des Gobelins, Mobilier National
Crédits :
Paris, Mobilier national, GMLC 624
Partager