Épée du Sacre de Napoléon Ier

Période : Directoire-Consulat-Ier Empire/Directory-Consulate-1st Empire
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A l’instar de la très riche épée réalisée en 1784 pour Louis XVI, Bonaparte devenu chef de l’Etat avec le titre de Premier Consul, souhaita se parer à son tour d’une arme d’apparat qu’il voulait porter lors des grandes cérémonies ; elle devait précise-t-il « être d’accord avec les usages et les formes civiles du costume consulaire et dessiné de manière à recevoir pour ornement le Régent et d’autres diamants d’un grand prix ».
Cette arme fit l’objet d’une commande officielle par un arrêté du 18 vendémiaire an X (10 octobre 1801) : « Le ministre de l’Intérieur fera faire pour le Premier Consul de la République un sabre sur la poignée duquel sera placé le diamant Le Régent avec l’assortiment de diamants qui sera jugé nécessaire».
Parfois considéré comme le plus beau diamant du monde, le Régent devait son nom à Philippe duc d’Orléans, Régent de France, qui en fit l’acquisition en 1717 ; volé en 1792 avec les joyaux de la Couronne, il fut retrouvé l’année suivante mais mis en gage dès 1797 auprès du banquier berlinois Treskow afin de financer la fameuse campagne d’Italie qui fit la gloire de Bonaparte ; il devait toujours s’en souvenir et considérait le Régent un peu comme son porte-bonheur.

Épée du Sacre de Napoléon I<sup>er</sup>
Épée du Sacre de Napoléon © RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau) / Sylvie Chan-Liat

Devenu Premier Consul, il parvint à le racheter le 3 ventôse an IX (22 février 1801) au banquier et fournisseur aux armées Joseph-Ignace Vanlerberghe qui l’avait reçu en garantie du Directoire ; il put ainsi le faire monter sur sa nouvelle arme. Le Moniteur universel du 20 brumaire an X (12 novembre 1801) confirme en effet que « Le diamant, dit le Régent, qui, pendant le révolution, avait été mis en gage, a été retiré par le gouvernement. Les dépositaires menaçaient de la vendre à un très-bas prix, si les fonds qu’ils avaient avancés ne leur étaient rendus. Le diamant, le plus beau que l’on connaisse, a été jugé digne d’être mis sur la garde de l’épée, marque distinctive des premiers consuls. Le luxe et la parure des diamants ne conviennent, il est vrai, qu’aux femmes ; mais le Régent, par sa grandeur, sa beauté et sa rareté, fait exception ».
Au lieu du sabre initialement prévu, on réalisa une épée d’apparat dont la lame fut commandée à la célèbre manufacture d’armes de Versailles dirigée par Nicolas-Noël Boutet, la sertissure des pierreries au joaillier Marie-Etienne Nitot tandis que la poignée et les garnitures d’or du fourreau d’écaille furent confiés à l’orfèvre Jean-Baptiste-Claude Odiot ; il y représenta le caducée du Commerce, le miroir de la Prudence et le laurier de la Victoire. L’épée était ornée de quarante-deux brillants totalisant un poids de 254 carats 21/64 dont la pièce maîtresse était évidemment le Régent placé à la coquille qui était évalué à la somme énorme de six millions pour 136 carats 7/8 ; le procès-verbal de démontage des diamants dressé en 1812 détaille les autres pierreries dont certaines provenaient de confiscations révolutionnaires prises sur des émigrés.

Détail : Épée du Sacre de Napoléon © RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau) / Sylvie Chan-Liat
Détail : Épée du Sacre de Napoléon © RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau) / Sylvie Chan-Liat

L’épée dut être exécutée dans un temps extrêmement bref, car le Moniteur signale qu’il la portait lors des fêtes qui marquaient le deuxième anniversaire de sa prise de pouvoir, soit en novembre 1801. Il l’exhiba à nouveau lors de la proclamation officielle du Concordat qui se tint à Notre-Dame de Paris puis aux Tuileries le dimanche de Pâques 28 germinal an X (18 avril 1802) et surtout lors de la cérémonie du Sacre le 11 frimaire an XIII (2 décembre 1804) où on la distingue parfaitement sur le dessin de Jean-Baptiste Isabey représentant l’Empereur dans son petit habillement (Livre du Sacre, planche du petit habillement de l’Empereur).
Faisant l’objet de tous les soins, le Premier Chambellan de l’Empereur, Auguste-Laurent de Rémusat, régla le 17 octobre 1807 à l’orfèvre Martin-Guillaume Biennais une facture de 84 francs pour « avoir réparé la poignée de l’Epée où est le Régent, l’avoir démontée pour astiquer et remontée ». L’épée figure sur plusieurs tableaux représentant le Premier consul comme ceux de Jean-Dominique Ingres (Liège, la Boverie), d’Antoine-Jean Gros (Paris, musée de la Légion d’honneur), de Charles Meynier (Bruxelles, Hôtel de Ville), de Joseph-Marie Vien le jeune (Bruges, Hôtel de Ville) et même plus tard en costume du Sacre comme sur la célèbre peinture de François Gérard reproduite à de nombreux exemplaires ou encore sur celle de Robert Lefèvre le représentant en uniforme de colonel des grenadiers de la garde datée de 1806 (Musée national du château de Versailles).
En 1811, Napoléon décida de remplacer cette épée par un nouveau glaive commandé au fils de Marie-Etienne Nitot, François-Régnault Nitot qui avait succédé à son père mort en 1809. On réutilisa pour le glaive les pierres démontées de l’épée dont le Régent, et on les remplaça par de simples cristaux taillés ; Napoléon offrit cette épée, devenu alors sans vraie valeur, au fils Nitot. C’est le lieutenant-colonel Edgar Nitot qui en fit don au prince Victor Napoléon en 1905. Elle fut acquise en 1979 auprès de son fils, le prince Louis Napoléon et est actuellement présentée au musée Napoléon Ier du château de Fontainebleau.

Bernard Chevallier
Avril 2021

Bernard Chevallier est conservateur général du Patrimoine et ancien directeur du Musée national des Châteaux de Malmaison et Bois-Préau ; il est co-commissaire de l’exposition Napoléon présentée du 28 mai au 19 décembre 2021 à la grande halle de La Villette, où l’épée du Sacre figure.

Date :
Vers 1804
Technique :
Damasquinure , écaille (matériau) , incrusté , jaspe , or (métal) , pierre précieuse
Dimensions :
H = 0.96 m, L = 0,12 m, Diam. = 0,08 m
Lieux de conservation :
Collection du Musée Napoléon Ier, château de Fontainebleau
Crédits :
© RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau) / Sylvie Chan-Liat
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