En novembre 2014, les collections de la Fondation Napoléon se sont enrichies d’une nouvelle pièce, grâce à un don de Monsieur Jean-Claude Lachnitt. Administrateur honoraire et secrétaire général du jury des prix et bourses de la Fondation Napoléon et ancien membre du Comité directeur du Souvenir Napoléonien, cet historien du Second Empire et passionné du Premier a déjà remis plusieurs œuvres remarquables à la Fondation Napoléon. Ainsi, proviennent de sa collection, une veilleuse à sujet napoléonien (INV 29), la Correspondance de Napoléon Ier, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, dérobée dans la bibliothèque personnelle de ce dernier lors du sac des Tuileries en 1870 (B 7321) ou encore une photographie des maisons de Villeneuve-l’Étang (INV 1210).
Le nouveau don de Jean-Claude Lachnitt concerne une pièce majeure : un gobelet de campagne au chiffre de l’Empereur Napoléon Ier, dans son étui (INV 1190). Objet rare et luxueux, il permet de mettre en exergue plusieurs facettes du palais impérial : les manufactures impériales à travers l’exemple de la cristallerie de Montcenis et le quotidien de l’Empereur en campagne.
La verrerie de la Maison de l’Empereur provient principalement de la cristallerie de Montcenis. Ancienne Manufacture royale des cristaux née en 1787, elle concourt au développement de la verrerie française et à son cristal. Produit de luxe, il peut dès le début du XIXe siècle rivaliser avec le cristal anglais. En 1806, la manufacture remporte la médaille d’or de l’Exposition des produits de l’industrie pour la qualité parfaite de ses cristaux. Dirigée par Ladoueppe du Fougerais (1766-1821), elle reçoit le titre envié de « Manufacture de Leurs Majestés impériales et royales ». Réputée pour ses formes innovantes, elle crée différents modèles notamment pour une nouvelle typologie de verres destinée aux vins de Champagne mousseux : les flûtes. La Manufacture de cristaux de Montcenis produit également des gobelets, verres sans pied, comme celui donné à la Fondation Napoléon. De forme dite hollandaise c’est-à-dire cylindrique à bord évasé, il a la particularité d’être taillé d’un quadrillage à pointes de diamant dans sa partie inférieure. Sa base se compose de douze pans alors que son contenant présente une forme arrondie. La richesse du travail s’explique par l’identité de son commanditaire : la Maison de l’Empereur, identifiable par la gravure du « N » sous couronne impériale, dans la partie supérieure évasée. « Taillé riche » pour le vin, ce gobelet est protégé dans un étui lorsqu’il accompagne l’Empereur dans ses déplacements.
Même dans son quotidien de campagne, l’Empereur continue d’utiliser des objets de son rang. À chaque halte, il souhaite retrouver le même mobilier de campagne. La Maison de l’Empereur doit ainsi veiller à respecter ses habitudes et l’étiquette du palais impérial. En raison de leur finesse d’exécution et de leur prix, les objets qui suivent l’Empereur sont généralement protégés par un étui lui même de belle facture afin de les préserver des accidents lors de ses déplacements. Des exemples d’étuis sont connus pour les services de céramique, comme celui des quartiers généraux appartenant à la Fondation Napoléon (INV 792.14) ou pour l’orfèvrerie, tel que celui des couverts et couteaux aux grandes armes de l’Empereur (INV 967). Il en va de même pour la verrerie.
Ainsi, le gobelet donné par Monsieur Jean‑Claude Lachnitt à la Fondation Napoléon est-il accompagné d’un étui cylindrique. Réalisé en maroquin de chèvre brun, l’intérieur est gainé d’un velours de soie vert. L’extérieur de l’étui est décoré à l’or des symboles impériaux : un semis d’abeille et en son sommet, le chiffre « N » sous couronne impériale. Objet du quotidien des bivouacs de l’Empereur, il semble que ce gobelet l’ait suivi dans ses dernières campagnes en 1814 et 1815.
Peu d’exemplaires comparables sont connus. On en dénombre à peine quatre : un appartient à une collection particulière, un autre est conservé au Musée Napoléon Thurgovie, château et parc d’Arenenberg et deux gobelets se trouvent désormais dans les collections de la Fondation Napoléon. Parmi ces pièces répertoriées, le don de Monsieur Jean-Claude Lachnitt est sans doute le plus remarquable. En effet, ayant été conservé dans des conditions idéales, le maroquin de son étui demeure souple et sa couleur vive. De plus, aucun éclat n’est présent sur la surface du cristal.
De part sa qualité, cette œuvre a rapidement attiré l’attention de plusieurs commissaires d’expositions. En 2015, il a déjà été présenté au Musée Wellington de Waterloo, pendant l’exposition « Napoléon Wellington, Destins Croisés ». À partir du 18 septembre, c’est tout naturellement qu’il a été prêté au Mobilier National pour un exposition dans la Galerie des Gobelins intitulée « le bivouac de Napoléon, luxe et ingéniosité en campagne ». Ainsi, le gobelet de campagne donné par Monsieur Jean-Claude Lachnitt à la Fondation Napoléon a-t-il retrouvé d’autres objets ayant appartenu à l’univers du bivouac de Napoléon Ier.
Élodie Lefort, juin 2015