Hochet du prince impérial

Artiste(s) : HONORE-SEVERIN BOURDONCLE -
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Hochet du prince impérial

Commandé par le ministre d’État et de la maison de l’Empereur pour Napoléon-Eugène-Louis-Jean-Joseph, Prince impérial (1856-1879),  ce hochet ciselé d’après un dessin de Charles Rambert, porte le chiffre N E sur la poitrine de la figure de femme tenant le médaillon de l’Empereur.
Le dimanche des Rameaux 16 mars 1856, le canon des Invalides, en tonnant cent un coups, annonce aux Parisiens la naissance du Prince impérial. La nouvelle se propage, suscitant des félicitations des conseils municipaux, à l’instar de celui de Dampmart  « Nos cœurs se dilatent en le répétant, l’enfant qui nous est né, est l’enfant de la France. C’est un présent de la miséricorde divine, c’est notre bien, notre héritage, le gage de notre prospérité, l’olivier de la paix de l’Europe. » Le régime va s’ingénier à faire du Prince impérial une figure familière des Français : reprenant l’ancienne titulature, il est officiellement « Enfant de France », mais se trouve surnommé affectueusement « le petit prince ». Dernier descendant de la monarchie française et héritier des Napoléon, dynastie élue du peuple, il est accaparé dès sa naissance par la vie publique. Troplong, président du Sénat, prophétise ses gloires à venir : « Quant il régnera sur cet Empire, que Grotius appelait le plus beau après le royaume du ciel, le XIXe siècle, parvenu à son extrême période, recueillera les fruits dont notre génération dépose les germes féconds dans le sein du présent. »

Les objets du quotidien du nourrisson s’intègrent à l’imaginaire dynastique. Le petit service à bouillie en vermeil est frappé de l’aigle impériale. Son hochet, qui mêle aluminium, corail et or, ne fait pas exception. D’usage ludique, il se termine par un sifflet. Le corail, doté d’une valeur prophylactique, est attendu dans ce type d’objet. Le hochet n’est est pas moins l’équivalent d’un sceptre miniature, surchargé d’emblèmes impériaux : couronne, coussin parsemé d’abeilles, profils des souverains inspirés des médailles commémoratives. Le signe des Poissons évoque le mois de naissance du prince, qui était également celui de l’Aiglon. Symbole chrétien, ce pourrait être une allusion discrète à la protection providentielle appelée sur la tête du « nouveau né de l’Empire ». L’Ancien Régime avait ses regalia. Le régime impérial va s’évertuer à générer ses propres insignes, tout en réintégrant l’héritage passé. Le hochet reflète cette entreprise. Exemple d’« art industriel », il mêle les matières nobles (or, émeraudes, diamants) et un matériau récent, l’aluminium, « étrange métal », selon l’appréciation de l’orfèvre E. Paul (L’Art du XIXe siècle).

Le procédé vient seulement de sortir du domaine de la théorie, mais ne connaît pas encore une application industrielle. Connu depuis la fin de la Restauration, c’est seulement en 1854 que le chimiste Sainte-Claire Deville, avec l’aide financière du souverain, arrive à produire, dans une usine établie à la barrière de la Santé, puis à Nanterre, un métal blanc, aux reflets légèrement bleuâtres, ductile et inaltérable à l’air. Ce métal précieux, qui concentre les intérêts de la science et de l’art, fascine les contemporains : « L’aluminium, pour tous les usages, n’a aucun réactif à redouter ; si quelques personnes hésitent encore à l’employer, sa mise en œuvre, sous toutes les formes, forcera l’habitude à faire entrer l’aluminium dans la consommation générale » (Ed. Lambert). Plus léger que l’argent, inoxydable, il bénéficie de l’attrait de la nouveauté, et pénètre la fantaisie du luxe. Ainsi, Honoré, qui cisela le hochet d’après un dessin de Rambert, avait également concouru à la réalisation d’un reliquaire. Il avait même été envisagé de faire en aluminium les aigles des drapeaux. Le choix de ce métal pour le hochet signe l’intérêt de la dynastie pour la nouveauté industrielle et son goût pour le progrès.

Juliette GLIKMAN
docteur en histoire
septembre 2008

Cet objet est reproduit dans les publications suivantes :
Jouets de prince 1770-1870, 17 octobre 2001-28 janvier 2002, Musée national des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau, p. 17, n° 8.
L’art en France sous le Second Empire, 11 mai-13 août 1979, Paris, Grand Palais, Paris, RMN, 1979, p. 196, n° 97.

Date :
1856
Technique :
Aluminium, or, corail, émeraudes, diamants
Dimensions :
H = 0,204 m, L = 0,047 m
Lieux de conservation :
Collection particulière
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