La miniature représentant les deux fils de l’illustre maréchal Masséna (1758 – 1817), Jacques Prosper et François Victor, fut peinte par un des artistes les plus talentueux et les plus célèbres dans cet art, Jean-Baptiste Jacques Augustin (1759-1832), originaire de Saint-Dié-des-Vosges et actif à Paris à partir de 1781.
Pratiquement dix ans après avoir réalisé le portrait du général (1797), Augustin exécuta ce double portrait au charme irrésistible, une œuvre qui compte parmi les plus belles productions de l’artiste. Jacques Prosper (1793 – 1821), l’aîné, est assis sur une chaise et enlace du bras gauche la taille de son jeune frère François Victor (1799 -1863). Il tient dans sa main droite un brin de laurier, symbole des nombreux succès militaires de son père.
La miniature, enchâssée sur une boîte en écaille et en or, fut très vraisemblablement exposée au Salon de 1806, année de sa réalisation. Il est vrai qu’elle n’est pas mentionnée dans le livret du Salon mais, grâce au texte rédigé par Chaussard pour le Pausanias français, on apprend qu’Augustin exposa une miniature représentant deux enfants : Ces deux enfants sont peut-être plus brillants que la nature elle-même : hâtons-nous d’avertir cet habile artiste et de l’inviter […] à ne point céder à l’aveugle amour propre des parens [sic] toujours prêts à s’écrier comme le hibou de la fable : Mes petits sont mignons…. (Pierre Jean-Baptiste Chaussard, Le Pausanias français, Paris, 1806, p. 375). Malgré cette critique, qui nous semble peu justifiée, la miniature devait attirer l’admiration des visiteurs du Salon, et rien d’étonnant à ce que l’artiste, à l’occasion de cette exposition de 1806, ait été récompensé par Vivant Denon d’une médaille d’or !
François Victor Masséna, deuxième duc de Rivoli et troisième prince d’Essling, devint plus tard ornithologue. Sa collection de plus de douze mille espèces intégra celle de l’Académie de Sciences Naturelles de Philadelphie. Il eut quatre enfants avec Anne de Belle. Son frère, Jacques Prosper, qui mourut alors qu’il n’avait que 28 ans, resta célibataire et n’eut aucune descendance.
Augustin fut un innovateur pour la miniature française. Avec beaucoup de soin et de minutie, il prêtait attention à chaque détail et en faisait ressortir les reliefs ; rien n’est estompé. Comme les maîtres flamands du Moyen Âge, il plaçait dans la composition un élément à côté de l’autre, invitant l’œil du spectateur à apprécier chaque détail.
Bernd Pappe
Historien de l’art et restaurateur
avril 2010
Commissaire de l’exposition « Jean-Baptiste Jacques Augustin. Peintre en miniature », au musée Pierre Noël à Saint-Dié des Vosges(17 avril – 20 juin 2010)