La Toison d’or du Prince impérial

Période : IIe République - 2nd Empire/2nd Republic-2nd Empire
Artiste(s) : Anonyme
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La Toison d’or du Prince impérial
Toison d’or de Louis-Napoléon Bonaparte, Prince impérial, avers
© Musée de la Légion d'honneur et des ordres de chevalerie

Les ordres et décorations reçus par Napoléon Eugène Louis Jean Joseph Bonaparte (1856-1879), Prince impérial, restent bien souvent dans l’ombre des impressionnants écrins de son père, l’Empereur Napoléon III ; ces derniers constituant l’unique ensemble d’un souverain français qui nous soit parvenu aujourd’hui (Les écrins d’ordres et décorations de Napoléon III, de l’Impératrice Eugénie et de leur fils font partie de l’extraordinaire don de souvenirs de la famille Bonaparte fait en 1979 par le Prince et la Princesse Napoléon. Ils sont aujourd’hui exposés dans le musée Napoléon III du palais de Compiègne.).
Très tôt mis sur le devant de la scène, notamment lors de la présidence d’honneur de l’Exposition universelle de 1867, le jeune prince se vit pourtant conférer près d’une trentaine d’ordres étrangers en seulement quatorze ans, entre 1856 et 1870 (La seule décoration qu’il reçut après la chute du Second Empire est la médaille commémorative de la campagne d’Afrique du Sud (Grande-Bretagne), à titre posthume en 1880.).
Le premier et très certainement le plus prestigieux d’entre eux, reçu au berceau, est l’ordre de la Toison d’or. Séparé des écrins aujourd’hui exposés au palais de Compiègne, le pendentif de cet ordre ayant appartenu au Prince impérial, présenté ici, a pu être acquis en 1932 par le musée de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie.
Il constitue aujourd’hui l’une des pièces maîtresses de son espace Second Empire, qui a rouvert ses portes en mars 2020.

L’ordre de la Toison d’or

Parmi les plus anciens ordres de chevalerie encore existant, la Toison d’or est instituée le 10 janvier 1430 par le duc de Bourgogne Philippe le Bon à l’occasion de son mariage avec l’infante Isabelle du Portugal à Bruges.
Premier pair laïc de France, Philippe le Bon règne alors sur des territoires extrêmement vastes qui englobent la Bourgogne et la Franche-Comté, mais aussi la Belgique et les Pays-Bas actuels. Bien que vassal du roi de France, il est l’un des princes les plus puissants d’Europe.
Avec ce nouvel ordre de chevalerie, le duc espère ainsi affirmer sa puissance dynastique en rassemblant autour de lui une large clientèle de seigneurs. Témoin des premiers signes de la Renaissance et de la redécouverte de l’Antiquité classique, il choisit pour symbole de son nouvel ordre la toison d’or, en référence au mythe grec de Jason et des Argonautes.
À sa nomination, chaque chevalier reçoit un collier, propriété de l’ordre, composé d’une alternance de briquets (emblème personnel de Philippe le Bon) et de pierres à feu lançant des étincelles, auquel est accrochée une dépouille de bélier. Une toison d’or seule, propriété du chevalier, peut être portée quotidiennement.
Avec le mariage de Marie de Bourgogne, dernière descendante de Philippe le Bon, et de l’archiduc Maximilien d’Autriche, la grande maîtrise passe dans les mains de la maison de Habsbourg puis est rattachée à la couronne espagnole à l’abdication de Charles Quint en 1555. La Toison d’or est ensuite scindée en deux avec l’avènement en 1700 d’un roi Bourbon, Philippe d’Anjou, sur le trône espagnol. Chacune des deux maisons, les Bourbon pour l’Espagne et les Habsbourg pour l’Autriche, prétend alors avoir des droits légitimes sur l’ordre.
De fait, il existe depuis lors deux Toisons d’or : l’ordre autrichien qui est aujourd’hui considéré comme une personnalité juridique de droit international rattachée à la maison de Habsbourg-Lorraine, qui ne règne plus, et l’ordre espagnol, qui constitue toujours la plus haute décoration conférée par le roi Philippe VI.
De par les liens familiaux entre les souverains de part et d’autre des Pyrénées, puis pour des raisons diplomatiques, les chefs d’État français se voient généralement conférer la Toison d’or espagnole.

Le Prince impérial et la Toison d’or

Né le 16 mars 1856, le prince impérial est nommé chevalier de la Toison d’or le 30 mars 1856 par la reine Isabelle II, alors qu’il n’a que quatorze jours. C’est la troisième distinction reçue par Louis-Napoléon, juste après la Légion d’honneur et la Médaille militaire, remises le jour de sa naissance, et le premier des vingt-huit ordres étrangers qui lui furent conférés jusqu’en 1870.
Il est le 987e chevalier de l’ordre depuis sa création et le seul chevalier français nommé sous le Second Empire (son père avait été fait chevalier en tant que prince-président sous la IIe République française).
Tel que le relate le Moniteur Universel, son collier de la Toison d’or fut remis à son père le 13 avril au palais des Tuileries, des mains de « Son Excellence le duc d’Albe [oncle du Prince impérial], accompagné de M. le général Barcaitzegui, aide de camp du roi d’Espagne » (Moniteur Universel, 14 avril 1856, p. 413.).
Le prince reçut également l’insigne présenté ici, typique des Toisons d’or de fabrication espagnole après 1850.

Toison d’or de Louis-Napoléon Bonaparte, Prince impérial, revers © Musée de la Légion d'honneur et des ordres de chevalerie
Toison d’or de Louis-Napoléon Bonaparte, Prince impérial, revers © Musée de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie

Ce bijou est composé d’un bélier avec la tête de profil et d’un briquet très stylisé. La pierre à feu, entourée de deux flammes émaillées de rouge, est composée d’un saphir. Ce pendentif est quasi-identique à celui de Napoléon III (Napoléon III fut nommé chevalier en tant que Prince-Président le 17 septembre 1850. Il est le 975e chevalier de l’ordre depuis sa création.), conservé au palais de Compiègne (Inv. FPN 3893), avec l’ensemble des écrins impériaux.
Quelques mois après la mort du prince (survenue le 1er juin 1879), son collier fut renvoyé à Madrid le 18 septembre 1879 par l’Impératrice Eugénie (Ce collier fut ultérieurement remis au marquis de Bedmar, au duc d’Oporto puis au roi de Belgique Léopold III (informations aimablement communiquées par A. de Ceballos-Escalera y Gila).). Une note conservée dans les écrins de Louis-Napoléon nous précise qu’il transita par Don Manuel Rances y Villanueva, marquis de Casa Laiglesia, ambassadeur de la couronne espagnole en Grande-Bretagne.
Le pendentif, qui demeure, lui, la propriété du chevalier, est resté dans les collections de l’impératrice Eugénie au château de Farnborough jusqu’à leur dispersion en 1927 (7 ans après la mort de l’impératrice le 11 juillet 1920). Henri Torre, premier conservateur du musée de la Légion d’honneur, le fit offrir en 1932 par M. Bagby lors de la constitution des collections d’ordres étrangers.
Il y est toujours exposé dans une nouvelle vitrine dédiée à l’Impératrice Eugénie et au prince impérial.

Tom Dutheil, conservateur-adjoint du musée de la Légion d’honneur, mars 2020.

Bibliographie

  • Anne de Chefdebien (dir.) et Laurence Wodey (dir.), Écrins impériaux : Splendeurs diplomatiques du Second Empire, Société des amis du musée national de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie, 2011. Catalogue de l’exposition du musée de la Légion d’honneur organisée du 19 janvier au 29 mai 2011.
  • Alfonso Ceballos-Escalera y Gila, La insigne órden del Toisón de Oro, Patrimonio Nacional, 1996.
  • Claude Ducourtial-Rey, Napoléon III raconté par les décorations, Musée national de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie, Paris, 1973, Catalogue de l’exposition du musée de la Légion d’honneur organisée du 28 novembre 1973 au 27 janvier 1974.
  • Jean-Claude Lachnitt : Le Prince impérial. Napoléon IV, Perrin, Paris, 1998.
Date :
1856
Technique :
Or, saphir et émail
Lieux de conservation :
Musée de la Légion d'honneur et des ordres de chevalerie, Don de M. Bagby, 1932, Inv. 02008
Crédits :
© Musée de la Légion d'honneur et des ordres de chevalerie
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