Leçons d’anglais de Napoléon

Artiste(s) : BONAPARTE Napoléon
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Leçons d’anglais de Napoléon

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Ces huit pages d’écriture, couvertes par les gribouillis impatients d’un homme déterminé à apprendre la langue de ses ravisseurs, sont quelques-uns des documents les plus évocateurs que nous avons de l’époque de Napoléon à Sainte-Hélène. Son arrivée sur l’avant-poste britannique en octobre 1815 marque un exil qui n’est pas seulement géographique, mais aussi linguistique: en dehors de la chaleur étouffante, de la pluie quasiment continuelle, ou de l’atmosphère étouffante du plateau de Longwood. Napoléon était « emprisonné dans le milieu de cette langue », isolé dans l’Atlantique Sud sur une île où les nouvelles étaient rares, et où les seuls livres ou journaux trouvables étaient presque tous été imprimés en anglais. Trois mois jour pour jour après son arrivée à Sainte-Hélène, Napoléon décida d’apprendre l’anglais.

L’une des sources les plus précieuses racontant ces leçons d’anglais de l’empereur déchu est le Mémorial de Sainte-Hélène de Emmanuel-Auguste-Dieudonné-Marius-Joseph Las Cases, dans lequel Las Cases enregistre quinze mois de la vie au jour le jour sur l’île. En fait, Las Cases note qu’il avait déjà donné Napoléon deux cours d’anglais à bord du Northumberland (entre 23 et 25 août 1815, lorsque le navire était amarré au large de Madère) mais, puisque presque tous les agents de bord du navire parlaient français, le projet avait périclité. Ce fut Las Cases, le 16 janvier 1816, qui suggéra à Napoléon lors d’une promenade dans les jardins de Longwood qu’il pourrait facilement apprendre l’anglais avec un peu de pratique. Leur première leçon eut lieu le lendemain, le 17 janvier.

Ces feuilles de cours d’anglais datent de cette période. Ils contiennent à la fois des listes de vocabulaire de base – des nombres, jours de la semaine, mois, moment de la journée –  et des phrases écrites en français et traduites en anglais dessous. Ces phrases sont un témoignage poignant de la frustration ressentie Napoléon en exil :

« “Quand serez vous sage? – When will you be wise /
jamais tant que je suis dans cette isle. Never as long as j should be in this isle /
Mais je le deviendrai après avoir passé la ligne / But j shall become wise after having passed the line /
Lorsque je débarquerai en France je serai très content – When j shall land in France j shall be very content… »

Il est tentant de lire un refus de l’exil dans ces feuilles, à la fois dans les phrases elles-mêmes, et dans l’utilisation insistante de Napoléon du « j »(comme dans le français« je ») plutôt que l’anglais « I ». Ils démontrent aussi que sa famille était très présente dans son esprit à Longwood: Il traduit ainsi : « ma femme me rejoindra » (« my wife shall come near to me »), ou encore «  mon fils sera grand et fort s’il sera en mesure de boire une bouteille de vin au dîner pendant lequel je [trinquerai] avec lui » (« my son shall be great and strong if he will be able to trink (sic) a bottle of wine at dinner j shall [toast] with him »).

Les récits sur la qualité de l’anglais de l’empereur sont contrastés. Las Cases loue souvent sa rapidité d’apprentissage, mais à d’autres occasions note les particularités de sa prononciation. Betsy Balcombe décrit l’anglais de Napoléon comme « le plus étrange dans le monde ». Mais quel que soit le niveau qu’il a atteint, ces feuilles d’encre barbouillées témoignent d’un accomplissement remarquable : un empereur déchu déterminé à apprendre la langue de ses plus grands ennemis et geôliers.

Pour en savoir plus, lire l’article de Peter Hicks sur les leçons d’anglais de Napoléon

Francesca Whitlum-Cooper, traduction Marie de Bruchard, octobre 2014

Date :
1816-1817
Technique :
8 pages manuscrites, sur deux feuilles de papier, en filigrane D & C 1813
Dimensions :
H = 32 cm, L = 20,5 cm
Lieux de conservation :
Fondation Napoléon, inv. 1153
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