Louis-Simon Boizot
Élève de Michel-Ange Slodtz et condisciple de Jean-Antoine Houdon, Louis-Simon nait en 1743 dans une famille bercée par les arts. En effet, son père, Antoine Boizot, est peintre pour la manufacture des Gobelins. Louis-Simon se distingue rapidement puisqu’il remporte le premier prix de l’École de Rome en 1762. Après un séjour dans la Cité éternelle, il réalise, sous l’Ancien Régime, de nombreuses commandes pour des institutions, notamment pour l’église Sainte-Geneviève ou encore l’église Saint-Sulpice de Paris. Son buste de la reine Marie-Antoinette reçoit particulièrement les éloges de ses contemporains, mise en regard de la l’œuvre proposée par le sculpteur Augustin Pajou qui est jugée plus fade. Boizot entre à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1778 et y enseigne. À partir de 1773, et jusqu’en 1800, l’artiste prend la direction de l’atelier de sculpture à la Manufacture de Sèvres, ce qui lui permet de créer de nombreuses petites compositions en biscuit.
Il sort relativement indemne de la période révolutionnaire ; le Consulat et le Premier Empire seront celles de la création de ses œuvres majeures. En plus des bustes de Bonaparte (abordés ci-dessous), il participe à la réalisation de la Colonne Vendôme. Sur les 425 plaques que comptent la Colonne, plus d’une vingtaine lui ont été commandées. Une de ses créations en particulier suscite l’admiration en son temps : les sculptures de la Fontaine du palmier, place du Châtelet à Paris. Surmontée d’une renommée dont l’originale est aujourd’hui conservée dans la cour du musée Carnavalet, la colonne trouve à sa base les allégories de la Vigilance, de la Justice, de la Force et de la Prudence. Terminée en 1808, elle est le chef-d’œuvre final de la carrière de Louis-Simon Boizot qui décède en 1809.
Le buste de Bonaparte
Le tournant du XVIIIe et du XIXe siècle correspond à une période faste pour le sculpteur. À ce titre, il choisit de faire le portrait de l’homme du moment : Napoléon Bonaparte. Le premier buste réalisé par Boizot date de 1798. Une grande ressemblance est flagrante entre ce buste et un dessin par Jacques-Louis David d’un profil du général Bonaparte. On retrouve le nez aquilin, le menton proéminent ainsi que la coupe de cheveux du « général de la grande nation ». Cette similitude confirme que Boizot n’a pas réalisé son buste d’après nature. Il est probable qu’il se soit inspiré également d’une autre sculpture représentant le général, réalisé par Giuseppe Cerrachi lors de la campagne d’Italie en 1797. Tout comme dans la version de Boizot, Bonaparte y est représenté jeune, les cheveux assez longs, dépassant sur ses oreilles et attachés à l’arrière sur le cou en une tresse retenue par un ruban. Cette coiffure est très à la mode à la fin du XVIIIe siècle. Le visage est mince, les traits saillants. Notons que son regard est traité par Boizot par la technique de l’incision des pupilles, qui donne vie à la sculpture. Bonaparte porte une veste d’uniforme croisée et boutonnée à col haut. Des broderies de feuilles de laurier ornent l’uniforme, elles correspondent à une décoration fantaisiste. Le buste est coupé aux épaules et sous la poitrine.
Lors de sa livraison, l’œuvre de Boizot reçoit de nombreux éloges. Aussi, le buste est-il reproduit à de nombreux exemplaires en biscuit. Par exemple, Joseph Bonaparte en acquiert trois. Les registres de la manufacture de Sèvres précisent que plusieurs anonymes en achètent aussi. Le ministère de l’Intérieur en distribue par ailleurs régulièrement en 1798.
Celui des collections de la Fondation Napoléon fait probablement partie de cette série. Il est intéressant de noter qu’il repose sur un socle en biscuit bleu à l’imitation de celui de Wedgwood. Sous le buste, la mention « Bonaparte » est inscrite en lettres majuscules. Avant d’arriver dans les collections de la Fondation Napoléon en 2012, il appartenait à Alfred Pardee et était exposé au musée Napoléon d’Antibes.
Le buste de Premier Consul
Dès 1800, Boizot propose une nouvelle version du buste de Bonaparte, cette fois-ci représenté en tant que Premier consul. Le changement de statut politique de Bonaparte est tel qu’il faut renouveler ses représentations. Elle ne convainc que peu les contemporains. Aussi, l’artiste en réalise-t-il une seconde en 1802. On y découvre Bonaparte avec une coiffure plus courte et les oreilles dégagées. Il est en effet probable qu’il se soit fait couper les cheveux lors de la campagne d’Égypte car dès le Consulat, il porte les cheveux courts. Néanmoins, quelques mèches bouclent légèrement sur le front. Le visage et les traits de Bonaparte sont plus ronds, presque plus avenants. Par ailleurs, le même procédé est utilisé pour le travail du regard ; découle de ce portrait une certaine force et une expression directe. Le Premier consul porte un uniforme croisé et boutonné à col haut, comme sur la précédente sculpture. Un galon décoré de feuilles de chêne et de glands complète la veste.
Il existe plusieurs versions de ce buste. L’une est conservée au musée de l’Armée : Bonaparte y est représenté avec la veste croisée ouverte.
Sur l’exemplaire des collections de la Fondation Napoléon, la première différence majeure est le medium employé. En effet, le buste du Premier consul est réalisé en marbre. En revanche, les traits du visage, ou encore la disposition des mèches de cheveux sont quasi similaires. Cependant, le galon de feuilles de chêne a disparu de l’uniforme, ne laissant que des formes ondulées. Comme pour le précédent buste, cette sculpture fait partie du dépôt de la collection d’Alfred Pardee, qui a rejoint les collections de la Fondation Napoléon en 2012.
L’engouement de Napoléon Bonaparte pour Louis-Simon Boizot ne peut être affirmé. En revanche, quelques indices laissent à supposer que Napoléon n’a pas laissé indifférent l’artiste. Tout d’abord, l’achat, confirmé par les registres de la manufacture de Sèvres, de l’un des bustes précédemment cité montre malgré tout son intérêt pour la personne. Enfin, la réalisation d’un deuxième, puis d’un troisième buste de Bonaparte alors que Boizot n’est plus directeur de l’atelier de sculptures de la manufacture de Sèvres, et n’a donc plus aucun intérêt à « coursiter » Napoléon, est un nouvelle preuve de son attachement naturel à la personnalité de Napoléon Bonaparte.
Élodie Lefort
Avril 2023
Élodie Lefort est responsable des collections de la Fondation Napoléon.
Bibliographie
• Pierre Boyries, De plâtre, de marbre ou de bronze : Napoléon essai d’iconographie sculptée, Tauriac, 1998.
• Catherine Gendre (dir.) et al., Louis-Simon Boizot 1743-1809 : Sculpteur du roi et directeur de l’atelier de sculpture à la Manufacture de Sèvres (catalogue d’exposition), Paris, Somogy éditions d’Art et Musée Lambinet, 2001.
Détails
Louis-Simon Boizot (1743-1809), Manufacture de Sèvres
Buste de Bonaparte
1798
Biscuit
Paris, Fondation Napoléon, dépôt de la collection Alfred Pardee, PAR 19
© Fondation Napoléon
Louis-Simon Boizot (1743-1809)
Buste du Premier Consul
circa 1803
Marbre
Paris, Fondation Napoléon, dépôt de la collection Alfred Pardee, PAR 82
© Fondation Napoléon