Musée Napoléon, matrices de médaille

Période : Directoire-Consulat-Ier Empire/Directory-Consulate-1st Empire
Artiste(s) : ANDRIEU Bertrand
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Parmi les sujets traités en médailles, le Musée Napoléon, qui avait été baptisé ainsi en 1803, prit place dans la chronologie thématique et iconographique de l’Histoire métallique de l’Empire en 1804. Mais, cela ne signifie pas que la commande fut passée exactement à cette date. Denon, très impliqué dans le développement et le rayonnement du musée, a bien demandé à Bertrand Andrieu deux carrés de revers de jetons (ou matrices) d’un diamètre de 34 millimètres pour illustrer la salle de l’Apollon du Belvédère et la salle du Laocoon (Trésor de Numismatique et de Glyptique, Collection des médailles de l’Empire français et de l’empereur Napoléon, 1840, n°6 et 7, p.10, pl. V, n° 5,6,7. Ces médailles sont signalées à la date du 31 décembre 1804.).

Musée Napoléon, matrices de médaille
© Monnaie de Paris

Pour réaliser ces deux gravures en creux sur acier, Andrieu a soit visité les salles des Antiques du Musée Napoléon après leur inauguration en septembre 1803, soit il s’est inspiré des tableaux peints par Hubert Robert entre 1803-1805 (Jusqu’en 1855, seuls les artistes pouvaient entrer au Louvre en semaine. Le public, lui, n’y avait accès que le dimanche. Le peintre Hubert Robert (1733-1808) était chargé de la garde des collections royales avant la Révolution. Il réalisa de nombreux projets d’aménagement en vue de la création du Museum central des arts.). Troisième hypothèse, il aurait pu aussi travailler à partir d’un dessin de Benjamin Zix, possiblement daté de la même période (Il s’agit du dessin intitulé Visite aux flambeaux faite par l’empereur et l’impératrice, musée du Louvre, département des Arts graphiques, INV33406-recto.).

Sous le Directoire, le traité de paix de Tolentino signé le 19 février 1797 (29 pluviôse an V) entre la République française et les États pontificaux, avait officialisé la réquisition des plus grands chefs-d’œuvre de l’Antiquité et de la Renaissance. La statue d’Apollon et le groupe du Laocoon, conservés au Palais du Belvédère depuis leur acquisition par le pape Jules II au début du XVIe siècle, étaient enveloppés d’une aura extraordinaire. Leur arrivée à Paris, en grande pompe, fut un événement retentissant. Le 28 juillet 1798 (9 thermidor an VI), le défilé de chars qui transportaient les caisses fut baptisé « Fête de la Liberté et des Arts » pour signifier que ces chefs d’œuvre étaient « enfin sur une terre libre » (Ferdinand Boyer, « Les responsabilités de Napoléon dans le transfert à Paris des œuvres d’art de l’étranger », dans Revue d’histoire moderne et contemporaine, t.11, n°4, octobre-décembre 1964, p.241-262.) ! À l’invitation de Visconti, le garde des Antiques du Louvre, Bonaparte fixa l’inscription qui devait prendre place sur le socle de la célèbre statue de dieu le 21 germinal an VIII (11 avril 1800) (Sur la plaque, on pouvait lire : « La statue d’Apollon, qui s’élève sur ce piédestal, trouvée à Antium sur la fin du XVe siècle, placée au Vatican par Jules II au commencement du XVIe siècle, conquise l’an V de la République par l’armée d’Italie sous les ordres du général Bonaparte, a été fixée ici le 21 germinal an VIII [11 avril 1800] première année de son consulat », cf. supra l’article de Ferdinand Boyer.). Comme nombre de Parisiens, Bertrand Andrieu a certainement vécu ces grands temps forts de la politique artistique du gouvernement et comme graveur, travaillant sous la conduite de Denon, il a sûrement vu le Louvre en grands travaux pour accueillir ces chefs-d’œuvre inestimables (Ces œuvres furent restituées à la chute de l’Empire.).

Dans son ouvrage sur Bertrand Andrieu, A. Evrard de Fayolle livre une information intéressante, corroborée par un document d’archives. Il s’agit d’une quittance signée par l’artiste le 15 avril 1810 pour percevoir « la somme de huit cents francs […] pour la gravure de trois carrés de jetons du Musée Napoléon, l’un représentant la salle du Laocoon, l’autre la salle de l’Apollon et le troisième la tête de S. M. l’Empereur » (Dossier Bertrand Andrieu, cote P000001, SAEF.). À la demande de Denon, Andrieu dut graver de nouveaux outillages car les originaux réalisés peu de temps auparavant s’étaient brisés au moment de la frappe. Ce genre d’incident était fréquent. La qualité de l’acier n’était pas toujours assurée et le calibrage des balanciers pour la frappe des pièces était délicat. Résultat, les graveurs étaient sollicités pour refaire, à l’identique, des gravures en taille directe des outillages détruits. Ce travail bien que fastidieux était rémunérateur et Andrieu se plia volontiers à l’exercice. Pour anticiper de nouvelles casses, il réalisa la gravure d’un poinçon en relief du jeton de la Salle d’Apollon (Collection historique de la Monnaie de Paris, inv. OUTMED 003521.). L’enfonçage d’un tel poinçon dans un bloc d’acier doux permettait la fabrication d’une matrice en creux. Si celle-ci venait à se briser de nouveau, il était plus simple et rapide de repartir du relief pour reproduire un creux.

Aujourd’hui, les outillages gravés par Andrieu sont considérés comme de véritables chefs d’œuvres et forment les archives métalliques du musée de la Monnaie de Paris (Le 20 septembre 1833, la veuve de Bertrand Andrieu vendit une partie de ses archives métalliques au musée de la Monnaie pour la modique somme de 2000 francs. Les autres poinçons et matrices gravés par l’artiste sous l’Empire avaient été mis sous scellés en 1815, en attendant des temps plus favorables.).

En 1812, Bertrand Andrieu fut élu membre de l’Académie impériale de Vienne, en Autriche, et reçut de nombreuses commandes de médailles d’Auguste de Saxe-Gotha-Altenbourg. Il travailla aussi pour le canton de Vaud, en Suisse. Il exposa régulièrement au Salon de 1798 à 1819 où il présenta une centaine de ses plus belles créations. Il poursuivit sa carrière de graveur en médaille sous le règne de Louis XVIII et décéda en 1822.

De son côté, Pierre-Maximilien Delafontaine cessa d’exposer au Salon en 1802 et abandonna la carrière de peintre. Il reprit l’entreprise familiale qu’il développa en réalisant et fournissant des éléments d’ornementations en bronze doré pour les Palais royaux. Il décéda en 1860.

Béatrice Coullaré, Novembre 2021
Béatrice Coullaré est docteure en histoire de l’art, responsable des collections et de la conservation du musée de la Monnaie de Paris.

Date :
1803-1805
Technique :
médaillle ; acier
Dimensions :
H = 6 cm, L = 6 cm
Lieux de conservation :
Paris, Monnaie de Paris, inv OUTMED 003522 (Salle de l’Apollon du Belvédère) et inv OUTMED 003523 (Salle du Laocoon).
Crédits :
© Monnaie de Paris
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