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Eugène Guillaume, auteur de cette statue grandeur nature, est un artiste officiel du Second Empire qui s’est distingué par sa maîtrise du néoclassicisme. Jean-Jacques dit James Pradier (1790-1852), Grand Prix de Rome en 1813 dont les sculptures d’inspiration antique – les Victoires de l’hôtel des Invalides, notamment – ont connu le succès sous le Premier Empire, a formé Guillaume qui a notamment travaillé sur les églises Saint-Eustache, Sainte-Clotilde et de la Trinité, ou encore sur la fontaine Saint-Michel, en prolongeant cette sensibilité romanisante.
Son œuvre comporte un important cycle napoléonien résultant essentiellement des commandes du prince Napoléon (1822-1891), fils de Jérôme Bonaparte. Le prince avait fait construire par l’architecte Alfred-Nicolas Normand (1822-1909), au 18 avenue Montaigne, une demeure imitée des villas antiques et connue sous le nom de maison pompéienne. Il avait commandé pour l’atrium de cette dernière une statue en pied de Napoléon Ier figurant l’Empereur en toge tenant le Code civil, la tête laurée, un aigle à ses pieds. L’œuvre présentée ici est le plâtre original de cette statue en marbre blanc, commandée sans doute avant 1859 (elle figure dans le livret du Salon de cette année-là mais ne fut présentée qu’à l’exposition de 1861). Un tableau de 1861 de Gustave Boulanger, Répétition du « Joueur de flûte » et de « la femme de Diomède » chez le prince Napoléon dans l’atrium de sa maison pompéienne (musée d’Orsay), montre la préparation des comédiens pour la représentation prévue à l’occasion de l’inauguration de la maison le 14 février 1860. Le Napoléon Ier de Guillaume y figure, dominant l’atrium sur un haut socle traité en fontaine antique. La même mise en scène décorative est révélée avec précision dans une série de photographies de 1863 dues à J. Laplanche, et notamment celle-ci.
Cet engouement pour le style pompéien est très vif à l’époque : le site est connu depuis le XVIIIe s. et l’imaginaire romantique l’a déjà célébré – encore récemment avec la parution de la nouvelle Arria Marcella de Théophile Gautier en 1852. Une nouvelle campagne de fouilles, entreprise par l’italien Giuseppe Fiorelli (1823-1896), numismate de formation, révolutionne l’approche du site de Pompéi : en utilisant pour la première fois la technique du moulage archéologique en plâtre dans l’empreinte laissée par les corps des pompéiens consumés par les cendres du Vésuve, Fiorelli ressuscite la forme de ces hommes, femmes et enfants disparus lors de la tragédie de 79 ap. JC. Alors que Chateaubriand avait médité sur la fragilité de la mémoire en prenant comme exemple Pompéi (« On m’a montré à Portici un morceau de cendres du Vésuve, friable au toucher, et qui conserve l’empreinte, chaque jour plus effacée, du sein et du bras d’une jeune femme ensevelie sous les ruines de Pompéi ; c’est une image assez juste, bien qu’elle ne soit pas encore assez vaine, de la trace que notre mémoire laisse dans le cœur des hommes, cendre et poussière » dans Voyage en Italie, 1803), ces nouvelles techniques et l’enthousiasme qu’elles suscitent viennent au contraire démontrer l’immortalité de l’héritage romain. De nombreux artistes se presseront dans l’Antiquarium qui présentera à partir de 1861 ces corps retrouvés ; Eugène Guillaume, fervent admirateur de l’Empire romain, inscrit à la même époque sa statue de Napoléon législateur dans le prolongement de cette histoire millénaire. Cette influence sera d’ailleurs un vecteur directeur de sa carrière qu’il achèvera à la tête de la Villa Médicis à Rome où il mourra en 1905.
Si ce plâtre est resté dans l’atelier de Guillaume, puis dans sa descendance jusqu’à sa donation en 2003 à la Fondation Napoléon, le marbre connut un destin plus chaotique. Après la vente de la maison pompéienne en 1866, la statue fut présentée à l’Exposition universelle de 1867 avant de subir d’irréparables dommages dans l’incendie du palais des Tuileries en 1871. Transportée au château de Prangins, en Suisse, elle est aujourd’hui conservée au Napoleon Museum d’Arenenberg.
Pour le jardin d’hiver de la maison pompéienne, le prince Napoléon avait également commandé à Guillaume une série de bustes de Napoléon à différentes étapes de sa vie : élève à Brienne, général en chef de l’Armée d’Italie, Premier Consul, Empereur, en 1812, à Sainte-Hélène (les plâtres sont au château de Malmaison, les marbres à Prangins et à Arenenberg). Un Napoléon en pied en lieutenant d’artillerie clôt le cycle en 1870, mais le musée d’Orsay conserve aussi des esquisses en cire d’une statue équestre non exécutée, prévue pour la cour Napoléon du Louvre.
► Cette statue a été mise en dépôt au musée d’Orsay de décembre 2017 à juin 2022
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Elle est exposée au Palais Fesch/Musée des Beaux-Arts d’Ajaccio pour l’exposition Plon-Plon, un Bonaparte rouge et or jusqu’au 2 octobre 2023.
Karine Huguenaud, mai 2005 ; mise à jour Marie de Bruchard, janvier 2018/mai 2022
Page mise à jour 14 septembre 2023.