Exposé au musée des Arts décoratifs dans la galerie dédiée aux Expositions universelles, le surtout des Cent couverts témoigne de la virtuosité des « arts appliqués à l’industrie » sous le Second Empire. C’est à la célèbre maison Christofle que le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte passa commande en 1852 de cet extraordinaire ensemble destiné à la mise en scène des tables d’apparat au palais des Tuileries. Bijoutier depuis 1830, Charles Christofle (1805-1863) devint en effet sous l’Empire le plus grand orfèvre mondial, grâce à l’obtention de brevets de dorure et d’argenture électrolytiques dont il conserva le monopole jusqu’en 1854. Cette maîtrise des technologies nouvelles s’accompagna d’une politique commerciale et publicitaire très offensive, qui lui permit de développer une production massive d’un coût bien inférieur à l’orfèvrerie traditionnelle, tout à fait en adéquation avec les attentes d’une clientèle bourgeoise avide de luxe.
Conçu pour une table de trente mètres de long permettant d’accueillir cent convives, le surtout de Napoléon III fut présenté à l’Exposition universelle de 1855. Il comportait quinze pièces réalisées en galvanoplastie, c’est-à-dire en bronze argenté par électrolyse. La pièce centrale du surtout, La France distribuant des couronnes de gloire, sculpture monumentale composée de trois parties, s’annonce comme un véritable manifeste politique. Au milieu, la France, une victoire ailée tenant deux couronnes de feuilles de laurier et de feuilles de chêne, se dresse sur la voûte céleste ornée de rayons solaires, références à l’héritage des Lumières, devant laquelle se détache l’aigle impériale surmontant le chiffre N couronné. Elle est encadrée des allégories assises de la Justice, la Concorde, la Force et la Religion. À droite le char de la Guerre tiré par quatre chevaux fougueux est conduit par un Grec en armes ; à gauche, celui de la Paix tiré par quatre taureaux est conduit par une figure à l’antique.
Retrouvé dans les ruines fumantes des Tuileries par Henri Bouihlet, neveu de Christofle et vice-président de la manufacture, le surtout des cent couverts porte les stigmates de l’incendie qui ravagea le palais en 1871. Volontairement laissé en l’état, avec ses cloques et ses parties rugueuses, il fut donné par Bouihlet au musée des Arts décoratifs. De certaines de ses pièces, il ne reste malheureusement que les bases mais celles qui sont entières sont exposées par le musée des Arts décoratifs qui en propose également la visualisation en ligne.
Karine Huguenaud, avril 2008
MàJ : juillet 2018