D’essence populaire, le régime autocratique napoléonien a eu recours au plébiscite pour consulter la société civile sur des sujets de droit constitutionnel, et ce dès le Consulat :
– instauration du Consulat en 1799 après le coup d’État du 18-Brumaire (plébiscite du 7 février 1800),
– passage au Consulat à vie en 1802 (2 août 1802) ;
– instauration de l’Empire héréditaire en 1804 (plébiscite 6 novembre 1804) ;
– acquiescement à l’acte additionnel aux constitutions de l’Empire en 1815 (plébiscite du 1er juin 1815) ;
– délégation des pouvoirs nécessaires à Louis-Napoléon Bonaparte pour la rédaction d’une nouvelle Constitution peu après le coup d’État du 2 décembre 1851 (plébiscite des 20 et 21 décembre 1851) ;
– restauration de l’Empire héréditaire (plébiscite des 21 et 22 novembre 1852).
Aucun plébiscite ne fut organisé au cours des 18 années suivantes, sous le Second Empire, à l’exception des plébiscites organisés localement lors du rattachement de la Savoie et de Nice en avril 1860.
Un plébiscite le 8 mai 1870 pour consolider l’Empire… quatre mois avant sa chute
Bouleversant les codes de la souveraineté classique des monarchies de droit divin, le césarisme démocratique était rejeté par les monarchistes, mais également par les républicains favorables au pouvoir collégial (voir Patrice Pierre, notice « Plébiscite », in Dictionnaire du Second Empire, Fayard, 1995, p. 1010-1015).
Les années 1860 virent s’enchaîner les revers sur le plan international (en 1866, défaite à Sadowa de l’Autriche face à la Prusse ; en 1867, échec de l’expédition du Mexique, retrait du soutien aux forces de Garibaldi face au risque de la prise de Rome), et les difficultés politiques et économiques nationales. Les lois libérales sur la presse et sur le droit de réunions publiques non politiques permettent la montée des oppositions socialiste, républicaine, anarchiste, notamment au sein de la population ouvrière en plein développement. Bien que largement favorables au régime (4,6 millions de voix pour), les élections législatives des 24 mai et 7 juin 1869 montrèrent une progression de l’opposition républicaine (3,3 millions de voix pour).
C’est dans ce contexte que, le 8 mai 1870, le pouvoir proposa au corps électoral d’accepter ou de rejeter la politique impériale conduite durant les années 1860 : « le peuple approuve les réformes libérales opérées dans la Constitution depuis 1860 par l’Empereur, avec le concours des grands Corps de l’État et ratifie le sénatus-consulte du 20 avril 1870. » Avec ce sénatus-consulte, les ministres étaient désormais responsables devant le Corps législatif. Surtout, un manifeste de Napoléon III – qui se savait très malade – accompagnait le décret annonçant le plébiscite : « […] en apportant au scrutin un vote affirmatif, vous conjurerez les menaces de révolution, vous assiérez sur une base solide la liberté et vous rendrez plus facile, dans l’avenir, la transmission de la couronne à mon fils » (cité par Jean-Claude Yon, Le Second Empire, Armand Colin, 2004, p. 75).
Le « oui » l’emporta « grâce à la fidélité des campagnes » (Éric Anceau, p. 206) avec plus de 7,3 millions de suffrages, contre un peu plus de 1,5 million de « non ».
Mais le 19 juillet, la guerre était déclarée à la Prusse. En moins de deux mois, l’Empire fut balayé avec la défaite et la capitulation de Napoléon III à Sedan (1er-2 septembre) et la proclamation de la IIIe République le 4 septembre.
Description de la médaille
► Revers : Napoléon III assis sur son trône, à sa gauche un jeune homme debout accoudé sur le trône (sans doute le Prince impérial : Napoléon III posant sa main gauche tenant le sceptre sur son épaule, dans un geste de transmission dynastique à venir), à sa droite une femme, représentant la France, portant dans sa main gauche les tables de la Constitution, dans sa main droite une urne où est inscrit « OUI 7350000 », en légende « PLEBISCITE MDCCCLXX VIII MAI », en haut « 7350000 », en bas un aigle impérial, signature d’Oudiné.
► Avers : Face conjuguée à gauche du portrait de Napoléon III, tête laurée, derrière portrait d’Eugène (né en 1856), en légende « NAPOLEON EUGENE LOUIS PRINCE IMPERIAL NAPOLEON III EMPEREUR DES FRANCAIS », signature d’Oudiné.
Un graveur majeur : Eugène-André Oudiné (1810-1887)
Ancien élève du peintre Jean-Auguste-Dominique Ingres et du sculpteur Louis Petitot, grand prix de Rome en 1837 pour sa gravure en médaille et pierre fine Œdipe expliquant l’énigme du sphinx, Eugène-André Oudiné (1810-1887), sculpteur, graveur en médaille (voir son portrait ici), travaille pendant plus de quarante ans pour la Monnaie de Paris et pour le ministère des Finances.
Il incarne la République française dans le profil de Cérès, déesse des Moissons et de l’Agriculture dans la mythologie romaine, qui se retrouve sur de nombreuses pièces dont la pièce de 5 francs de 1849 :
Irène Delage, novembre 2019
► Regarder notre série de 5 vidéos sur la guerre de 1870-1871, avec Eric Anceau, historien, maître de conférences HDR, Sorbonne Université Paris (2020).