Fondée à Jouy-en-Josas en 1760, la manufacture de toiles imprimées de Christophe-Philippe Oberkampf (1738-1815), dont les productions sont plus célèbres sous le nom de toiles de Jouy, connut une belle prospérité sous l’Empire. Moins onéreux que la soie, le coton imprimé vivait alors une vogue sans précédent et ses multiples utilisations se déclinaient dans la décoration intérieure ou le vêtement. Apogée de cette réussite, l’année 1806 fut celle de tous les honneurs. Oberkampf se vit attribuer une médaille d’or de 1ere classe décernée à l’Exposition des produits de l’Industrie et surtout, le 20 juin 1806, il reçut la visite du couple impérial à l’issue de laquelle Napoléon le décora de sa propre croix de la Légion d’honneur en déclarant que « personne n’était plus digne de la porter ». Pour conserver le souvenir de cette visite, Joséphine fit d’ailleurs immortaliser la scène par Isabey.
L’intérêt de Napoléon pour les arts décoratifs s’est inscrit dans une politique générale de relance économique du pays ; concernant l’industrie du coton cet intérêt s’est doublé de la volonté de concurrencer la production anglaise. En 1810, quelques jours après une autre visite à la manufacture, cette fois en compagnie de Marie-Louise, Napoléon déclarait à Oberkampf : « vous et moi nous faisons une bonne guerre aux Anglais ; vous par votre industrie, moi par mes armes. C’est encore vous qui faites la meilleure ». La manufacture de Jouy subit cependant de plein fouet les conséquences du Blocus continental et connut à partir de 1807 de sérieux problèmes d’approvisionnement.
C’est de 1806 que date la toile Pallas et Vénus dont les motifs sont dus à Jean-Baptiste Huet (1745-1811), peintre de paysages et de scènes pastorales qui participa aux Salons de 1769 à 1802. Attaché à partir de 1790 aux manufactures de Jouy, des Gobelins et de Beauvais, ce fidèle collaborateur d’Oberkampf fournit nombre de dessins pour les productions jovaciennes, dont un bel ensemble de scènes à l’antique. Fait rare, la toile sert ici de garniture à son meuble d’origine, un lit en bois fruitier formé de deux chevets à rouleaux, de montants à section carrée ornés de figures féminines en gaine et surmontés de vases antiques. La toile, imprimée au rouleau de cuivre en violet, présente un décor caractéristique du néo-classicisme : personnages mythologiques et femmes à l’antique, motifs de caducées, guirlandes de raisins, flèches et couronnes, etc.
Karine Huguenaud, janvier 2004