« Consacrer l’ancienne demeure de Louis XIV à toutes les gloires de la France », telle fut la volonté de Louis-Philippe lors de la création en 1837 du musée historique du château de Versailles. Conçu dans un esprit de réconciliation nationale et dépassant la simple commémoration de hauts faits historiques, le musée s’est d’emblée affirmé comme le lieu de mémoire d’une France unifiée. Au cœur du programme, la galerie des Batailles fut la parfaite expression de cette conscience de la Nation. Avant d’être des victoires remportées par Clovis, Philippe-Auguste, Louis XIV ou Napoléon, les 35 tableaux exposés dans la galerie représentaient des victoires françaises incarnant les étapes de la constitution d’une identité nationale.
La galerie des Batailles est tout à fait exemplaire de la conception de la peinture d’histoire au XIXe siècle. Longue de 119 mètres – elle fait pendant à la Galerie des Glaces -, elle est un monumental résumé de l’histoire militaire du pays, depuis Tolbiac en 496 jusqu’à Wagram en 1809. L’épopée napoléonienne y est largement célébrée avec sept toiles : Rivoli par Philippoteaux, Zurich par Bouchot, Hohenlinden par Schopin, Austerlitz par Gérard et Iéna, Friedland et Wagram par Horace Vernet.
Issu d’une célèbre lignée de peintres, Horace Vernet mena une brillante carrière qui débuta au Salon de 1812 sous le Premier Empire pour s’achever dans la gloire sous le Second Empire. Fervent admirateur de Napoléon, qui le fit d’ailleurs chevalier de la Légion d’honneur pour le récompenser de sa bravoure lors de la défense de Paris en 1814, Vernet n’en fut pas moins le peintre favori de Louis-Philippe qui lui confia nombre de commandes pour le musée historique de Versailles.
Cette oeuvre présentée sous le titre Bataille d’Iéna, reproduite à foison dans les livres d’histoire, est un des tableaux les plus populaires de son œuvre. Pas de représentation directe de la bataille (manœuvres, combats, blessés ou tués), c’est ici l’image du chef en action qui est privilégiée à travers une anecdote rapportée par la légende (ou plus exactement le 5e Bulletin de la Grande Armée !). Impatient de combattre, un jeune grenadier de la Garde s’exclame « En avant » au passage de l’Empereur et provoque le courroux de ce dernier : « … qu’il attende qu’il ait commandé dans trente batailles rangées, avant de prétendre me donner des avis ». L’efficacité du tableau tient dans la simplicité de la composition. La verticalité du groupe des soldats s’oppose à la construction circulaire du groupe équestre formé par l’empereur, Murat et Berthier, tandis que la torsion de Napoléon vers le jeune soldat place son visage au centre de la toile. L’immense ciel gris dominant la scène répond à la couleur de la célèbre redingote, dont l’austérité tranche face à l’uniforme d’apparat de Murat.
Karine Huguenaud, février 2003
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► Pour en savoir davantage sur cette bataille, voir notre dossier thématique sur la campagne de Prusse (1806)