Se qualifiant lui-même « d’homme des forêts », le peintre n’avait qu’une seule religion, celle la nature qu’il contemplait sans relâche à Fontainebleau, multipliant dessins et études avant de toujours retravailler en atelier ses compositions finales. Les arbres surtout occupent la place centrale de son œuvre. Rousseau les considérait comme des êtres, au point d’appeler les dessins qu’il faisait d’eux des portraits. Et c’est bien un portrait de groupe, celui de quelques chênes dans les gorges d’Apremont, qu’il a mis en scène dans cette toile présentée au Salon de 1852.
Sous un ciel clair pommelé, quelques silhouettes majestueuses se dressent dans la chaleur de l’été offrant leur ombre à un troupeau de bêtes et à leur gardien. L’humain tient une place infime, comme dans tout l’œuvre de Rousseau, mais il n’y a pas d’écrasement dans cette disproportion. La conception romantique du paysage s’efface au profit d’un naturalisme dénué de velléité de séduction. C’est la réalité de la lumière verticale et écrasante du soleil de midi que l’artiste a voulu saisir. Exposée de nouveau avec 12 autres tableaux du peintre à l’Exposition universelle de 1855, cette œuvre faisait partie de la collection du duc de Morny lors de sa vente en 1865.
La communion panthéiste que vivait Rousseau avec la nature s’exprima en 1852 à l’occasion d’une pétition qu’il envoya à Napoléon III par l’intermédiaire du duc de Morny. Il y protestait contre l’exploitation commerciale des arbres et des rochers de la forêt de Fontainebleau, notamment au Bas-Bréau près de sa maison à Barbizon, qualifiant de « carnage » et de « condamnation à mort » les abattages et réclamant la protection du site. Une étude de la forêt suivit la pétition de Rousseau et, en avril 1861, l’Empereur signait un décret réservant 1 097 hectares « au plaisir exclusif du promeneur et de l’artiste », créant ainsi la première réserve naturelle dans la forêt de Fontainebleau.
Karine Huguenaud (mise en ligne : avril 2012 – mise à jour : 7 mars 2024)