Louis-François Lejeune, fait baron de l’Empire en 1810, est une figure singulière des armées napoléoniennes, exemple unique de haut gradé ayant su marier son engagement militaire à une vocation artistique. Après une formation dans l’atelier parisien du peintre de paysages, Pierre Henri de Valenciennes, il entra à l’École royale de peinture en 1789 avant de s’enrôler dans l’armée en 1792, à l’âge de 17 ans. Aide de camp de Berthier à partir de 1800, promu général de brigade en 1812, Lejeune, acteur héroïque de l’épopée, blessé maintes fois aux combats, a laissé des souvenirs précis de ses campagnes, des mémoires fameux bien connus des historiens militaires. Menant deux carrières parallèles – celle dans l’armée s’achèvera en 1835, il s’affirma aussi comme l’un des meilleurs peintres de batailles de la période impériale, continuant à exposer aux Salons jusqu’en 1845.
Topographe au Dépôt de la Guerre, Lejeune sut adapter le genre du relevé dans de vastes compositions visant à une description réaliste des combats, une fidélité d’observation que l’artiste réinterprétait à la lumière des plans, cartes et dessins militaires, un matériel documentaire auquel il avait accès en tant qu’officier d’État major. Sa Bataille de Marengo avait rencontré un grand succès au Salon de 1801, celles d’Aboukir et de Lodi triomphèrent à celui de 1804.
C’est au Salon de 1806 que Lejeune exposa La Bataille des Pyramides. La victoire le 21 juillet 1798 de l’armée française, menée par le général Bonaparte dans la plaine de Gizeh contre les Mamelouks de Mourad-bey, était déjà entrée dans la légende napoléonienne, célébrée et magnifiée par les plus grands artistes de l époque. Mais, à l’opposé de La Bataille des Pyramides de Gros, grandiose image de propagande centrée sur la figure du héros providentiel – encore et toujours Napoléon sur son cheval cabré, c’est une vision panoramique et narrative que nous offre Lejeune (cliquez sur « agrandir » pour voir tout le tableau). L’ample perspective facilite la distribution des forces en présence et permet au spectateur une lecture aisée de la stratégie conçue par Bonaparte. Sur la rive gauche du Nil, les cinq divisions de l’armée adoptent la position du carré, défendues aux angles par l’artillerie, protégeant en leur sein la cavalerie et les troupes de réserve. Les Mamelouks ainsi repoussés vers le fleuve y sont bombardés par la flottille française.
Mais au-delà des vertus pédagogiques de cette composition, véritable démonstration de tactique militaire, Lejeune s’impose comme un grand paysagiste rompu aux effets atmosphériques. La splendide lumière unissant ciel et désert, avec comme point d’orgue la mythique silhouette des pyramides se dessinant à l’horizon, l’exotisme du site et de sa végétation, annoncent déjà les grandes heures de l’Orientalisme.
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Karine Huguenaud
février 2012
Cette oeuvre était à découvrir dans l’exposition Les guerres de Napoléon. Louis-François Lejeune général et peintre (1775-1848) qui se tint au château de Versailles du 14 février au 13 mai 2012.