La Guerre. L’Exilé et l’Arapède

Artiste(s) : TURNER Joseph Mallord William
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La Guerre. L’Exilé et l’Arapède

L’oeuvre de Turner fut à de multiples reprises inspirée par les conflits entre l’Angleterre et la France napoléonienne. L’artiste exécuta une Bataille de Trafalgar dès 1806 (Tate Gallery) puis, en 1822, reçut une commande du roi George IV pour une nouvelle version du sujet (musée national maritime de Greenwich). Les navires qui participèrent à Trafalgar furent eux-aussi mis en scène tels des héros, Le Victory revenant de la bataille en 1806 et, quelque trente plus tard, Le Téméraire remorqué vers son dernier ancrage pour être détruit. Quant aux grandes compositions à sujet historique, certaines parmi les plus célèbres portent une réflexion politique teintée d’accents patriotiques. C’est le cas de Hannibal et son armée traversant les Alpes (1812, Tate Gallery) ou encore de Didon construisant Carthage (1815, National Gallery), toutes deux assimilant Carthage à l’Angleterre victorieuse de l’empire français. Enfin, au début des années 1840, c’est Napoléon lui-même que Turner plaça au centre d’un tableau au titre bien énigmatique : La Guerre. L’Exilé et l’Arapède.

L’oeuvre fut conçue pour faire pendant à une autre toile, La Paix. Funérailles en mer (Tate Gallery), évoquant le décès lors du voyage le ramenant de Constantinople d’un ami de Turner, comme lui peintre membre de la Royal Academy, sir David Wilkie. Il faut situer cette paire de tableaux dans le contexte du Retour des Cendres de Napoléon en 1840 pour saisir l’intention de l’artiste. Aux sobres funérailles maritimes au large de Gibraltar pour Wilkie, Turner oppose le triomphal retour de l’Empereur défunt après sa longue captivité à Sainte-Hélène et sa fin douloureuse. La composition frappe par sa singularité. Telle une figurine fantomatique, Napoléon – dont le statut de prisonnier est rappelé par  la présence de la sentinelle anglaise à l’arrière plan – contemple un minuscule coquillage, un arapède plus connu sous le nom de bernique ou de chapeau chinois, confrontation dérisoire traduisant la fatale destinée de l’exilé.
S’opposant aux teintes sombres et atones de La Paix, la magnifique palette de tons chauds rouges et jaunes utilisés ici par Turner est une métaphore de la guerre et de la « mer de sang » qui coula lors des campagnes napoléoniennes (l’expression est de l’artiste). L’union du ciel et de la mer, thème de prédilection du peintre, lui permet d’explorer plus avant la dissolution de la lumière au travers des effets atmosphériques et d’expérimenter une approche formelle presque abstraite du flamboiement de ce coucher de soleil. Un cheminement vers l’abstraction, qui culminera en 1844 avec le célèbre Pluie, vapeur, vitesse, mais qui fut vivement décrié lors de la présentation de La Guerre et de La Paix en 1842.

Karine Huguenaud
avril 2010

Date :
exposé en 1842
Technique :
huile sur toile
Dimensions :
H = 79,4 cm, L = 79,4 cm
Lieux de conservation :
Londres, Tate Gallery
Crédits :
D.R.
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