La Justice et la Vengeance divine poursuivant le Crime

Artiste(s) : PRUD'HON Pierre Paul
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La Justice et la Vengeance divine poursuivant le Crime
La Justice et la Vengeance divine poursuivant le crime,
Pierre Paul Prud'hon, 1808 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) - Jean-Gilles Berizzi
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010064491 - https://collections.louvre.fr/CGU

C’est en 1804 que Nicolas Frochot, préfet de la Seine, passa commande au peintre Pierre Paul Prud’hon d’un tableau destiné à la salle du tribunal criminel – l’équivalent de notre actuelle cour d’assises – du Palais de Justice de Paris. L’artiste conçut deux projets mettant en scène les quatre mêmes figures : Thémis, la Justice ; Némésis, la Vengeance divine ; le Crime ; la Victime.
C’est la seconde version, d’une rare éloquence dramatique, qui fut retenue. De par sa destination, cette allégorie devait frapper les esprits, donner « à l’âme une commotion », écrivait Prud’hon qui définissait  ainsi son projet :

« La Justice divine poursuit constamment le Crime ; il ne lui échappe jamais. Couvert des voiles de la nuit, dans un lieu écarté et sauvage, le Crime cupide égorge une Victime, s’empare de son or et regarde encore si un reste de vie ne servirait pas à déceler son forfait. L’insensé ! Il ne voit pas que Némésis, cette agente terrible de la Justice, comme un vautour fondant sur sa proie, le poursuit, va l’atteindre et le livrer à son inflexible compagne… »

Rarement concepts se sont incarnés avec autant de force que dans cette composition. Cette poursuite punitive dans un paysage rocheux est une chasse à l’homme. Cette scène de meurtre nocturne a souvent été interprétée comme celle du premier crime de l’humanité, celui d’Abel par Caïn. Le coupable, personnage épais au faciès brutal inspiré de l’empereur romain Caracalla, est la proie d’une implacable fatalité qui se dévoile, dans un ciel déchiré de nuages noirs, à la blonde lumière de la lune. L’éclairage joue ici un rôle fondamental : à la lune fait écho la torche d’une Vengeance échevelée guidant une Justice sévère, figure à l’antique portant le glaive et la balance du jugement repliée, celui-ci étant déjà rendu.

Prud'hon, Pierre-Paul, Musée du Louvre, Département des Arts graphiques, RF 14, Recto - https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl020111539 - https://collections.louvre.fr/CGU
Étude pour La Justice et la Vengeance divine poursuivant le crime, Pierre Paul Prud’hon, 1804-1808 © Musée du Louvre, dist. RMN-Grand Palais – Photo M. Beck-Coppola – https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl020111539 – https://collections.louvre.fr/CGU

L’ébauche fut achevée en 1806. Plusieurs dessins (cf. l’étude ci-dessus, comparée à celle du Musée Condé de Chantilly) attestent de l’évolution de la composition finale voulue par l’artiste.
Le tableau exposé au Salon de 1808 où Napoléon décora Prud’hon de la Légion d’honneur. Fait rare, la caricature politique s’empara ensuite de cette œuvre à succès, remplaçant la figure du Crime par celle de l’Empereur. Le tableau de Prud’hon fut installé au Palais de Justice en 1809, présenté à l’exposition des prix décennaux de 1810, à nouveau au Salon de 1814. À la chute de l’Empire, il fut cédé par la ville de Paris en 1816 pour entrer dans les collections de Charles X (conservé au musée du Luxembourg à partir de 1818) qui le donna à son tour au musée du Louvre le 10 octobre 1820.

Une autre version du tableau fut commandée une dizaine d’année plus tard à Prud’hon par Gian Battista Sommariva, homme politique et grand mécène italien du tournant du XVIIIe/XIXe s. Ébauché par Carrier pour le paysage et par Constance Mayer pour les figures, ce tableau aux tons beaucoup moins sombres que ceux de l’original a été intégralement repris par Prud’hon qui le vendit en mai 1823 finalement à la sommité italienne juste avant la fin de sa vie. Après être resté jusqu’en 1839 dans la famille Sommariva, il fut donné finalement par baronne Joseph du Teil Chaix d’Est-Ange au musée de l’hôtel Sandelin de Saint-Omer en 1821.

La Justice et la Vengeance divine poursuivant le crime, Pierre Paul Prud'hon, 2e version conservée au musée de Saint-Omer, vers 1815-1818 © RMN-Grand Palais - Daniel Arnaudet
La Justice et la Vengeance divine poursuivant le crime, Pierre Paul Prud’hon, 2e version conservée au musée de l’hôtel Sandelin de Saint-Omer, vers 1815-1818 © RMN-Grand Palais – Daniel Arnaudet

► Une étude passionnante de ce tableau, faite par Thomas Kirchner et traduite par Aude Virey-Wallon, a été publiée par les Éditions de la Maison des sciences de l’homme et le Centre allemand d’Histoire de l’art (DFK Paris) : Peindre contre le crime. De la justice selon Pierre-Paul Prud’hon (novembre 2020 ; 135 p. ; accès libre)

Karine Huguenaud, février 2004 – Mise à jour : Marie de Bruchard, 2021

Date :
1808
Technique :
Huile sur toile
Dimensions :
H = 2,43 m, L = 2,92 m
Lieux de conservation :
Paris, Musée du Louvre, INV 7340
Crédits :
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) - Jean-Gilles Berizzi
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