La Naissance de Vénus

Artiste(s) : CABANEL Alexandre
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La Naissance de Vénus
© CGFA

Mai 1863, le Tout Paris se presse au Salon des Refusés ordonné par l’empereur Napoléon III pour satisfaire aux nombreuses plaintes des artistes dont les œuvres ont été rejetées par le jury du Salon officiel. Une œuvre surtout fait scandale, Le Bain de Manet – depuis rebaptisé Le Déjeuner sur l’herbe -, qui s’attire les foudres de la critique et les sarcasmes du public. Cette scène champêtre suscite l’indignation en montrant une femme nue assise entre deux hommes vêtus, tandis qu’une autre se baigne en chemise à l’arrière plan. Au Salon officiel, un autre nu féminin fait pourtant un triomphe, La Naissance de Vénus d’Alexandre Cabanel, une voluptueuse déesse sortant des flots dans une pose lascive et suggestive qui semble autrement plus licencieuse aujourd’hui que les jeunes femmes du Déjeuner sur l’herbe. Le crime de Manet ? Avoir peint des corps réels dans une scène de la vie contemporaine, avoir transgressé les codes de la peinture académique et par là même outragé les bonnes mœurs. Le scandale atteindra son paroxysme au Salon de 1865 avec le grand nu réaliste et provocateur d’Olympia.

Le nu jalonne l’histoire de l’art. Sous le Second Empire, on assiste à un renouveau du genre à partir des années 1860. L’enseignement dispensé à l’École des Beaux-Arts, où Cabanel est lui-même professeur, fait de l’étude de nu d’après modèle vivant une étape importante de la formation. Le nu féminin n’est cependant légitime que lorsque qu’il use de l’alibi mythologique, allégorique ou orientaliste. Les cimaises des Salons peuvent alors se couvrir des corps idéalisés de déesses ou d’odalisques sans que la morale en soit offensée. Irréelle et suave, la Vénus de Cabanel incarne parfaitement le goût officiel de la société impériale dont Théophile Gautier se fait le porte parole dans le Moniteur universel : « La fille des flots va devenir une femme. Il est impossible de rêver rien de plus frais, de plus jeune, de plus joli, que cette tête renversée sur le bras qui se replie. C’est l’idéal de la grâce enfantine et mignarde ». L’engouement pour l’œuvre est tel que Napoléon III en fait lui-même l’acquisition sur la liste civile. En 1867, l’Empereur fait à nouveau exposer la toile à l’Exposition universelle suscitant chez Zola, grand défenseur de Manet, cette ironique critique : « Prenez une Vénus antique, un corps de femme quelconque dessiné d’après les règles sacrées, et, légèrement, avec une houppe, maquillez ce corps de fard et de poudre de riz ; vous aurez l’idéal de M. Cabanel […] La déesse, noyée dans un fleuve de lait, a l’air d’une délicieuse lorette, non de pas en chair et en os – cela serait indécent, – mais en une sorte de pâte d’amande blanche et rose ».

Karine Huguenaud

Cette œuvre a été présentée dans l’exposition Alexandre Cabanel (1823-1889). La tradition du beau au musée Fabre de Montpellier (10 juillet – 5 décembre 2010), puis au Wallraf-Richartz Museum de Cologne (4 février – 15 mai 2011).

Date :
1863
Technique :
huile sur toile
Dimensions :
H = 1,30 m, L = 2,25 m
Lieux de conservation :
Paris, musée d'Orsay
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