Grand observateur de la vie quotidienne, portraitiste fécond et spécialiste des scènes de genre où domine l’anecdote, Boilly est un artiste attachant dont l’œuvre a valeur documentaire. En témoin curieux de la société de son temps, il s’est passionné pour l’étude des mœurs parisiennes sous le Consulat et le Premier Empire, portant sur la bourgeoisie et les classes populaires un regard souvent malicieux mais toujours tendre. Ses petits tableaux, intimistes scènes d’intérieur, pittoresques scènes de rue ou compositions inspirées par la vie artistique et l’actualité politique, rencontrèrent un grand succès public.
Dans L’averse également intitulée Passez-Payez, Boilly rend compte d’une situation bien connue des Parisiens à cette époque. En effet, peu de rues de la capitale possédaient des trottoirs et la moindre pluie les transformait en terrain boueux et ruisselant difficilement praticable par les piétons. Aux cris de « Passez payez », des passeurs, en général des petits Savoyards, proposaient de franchir le caniveau central sur des planches, sous réserve d’un droit de péage. C’est cet usage que Boilly dépeint ici.
Servie par un dessin d’une grande précision et un coloris éclatant, la composition s’articule autour d’une famille bourgeoise en train de traverser la rue sur une de ces planches. De ce groupe à la mise soignée et aux vêtements élégants se détache plus particulièrement, sur le fond vert d’un grand parapluie, la jeune mère de famille relevant délicatement sa robe d’une main et serrant son petit chien de l’autre. Elle arbore avec grâce un ensemble à la mode et porte le fameux châle brodé, élément indispensable de toute panoplie féminine. Avec son habituelle malice, Boilly laisse deviner les conséquences de la boue parisienne sur cette véritable symphonie de blanc !
De chaque côté, deux scènes complètent dans l’ombre l’évocation familière de ce quotidien. A gauche, le paiement du droit de passage ; à droite, un homme portant une femme sur son dos, solution moins onéreuse pour éviter la boue des rues de Paris.
→ À l’occasion de son exposition consacrée au peintre en 2022, le musée Cognacq-Jay a fait éditer un catalogue consacré aux scènes parisiennes de Boilly. En savoir +
Karine Huguenaud, mai 2003 – Mise à jour : mai 2022