Le colosse

Artiste(s) : Anonyme
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Le colosse
© www.artchive.com

L’occupation de l’Espagne par les troupes napoléoniennes à partir de 1808 et la réaction patriotique qui s’ensuivit ont inspiré à Goya des oeuvres d’une grande force dramatique. Les très célèbres Dos de Mayo et Tres de Mayo, qui témoignent des violentes émeutes à Madrid le 2 mai 1808 et de leur terrible répression le 3 mai, restent dans l’histoire de la peinture parmi les plus farouches réquisitoires contre les horreurs de la guerre. Peints « pour perpétuer au moyen du pinceau les actions les plus remarquables et les plus héroïques…de notre glorieuse insurrection contre le tyran de l’Europe », selon les propres termes de Goya, ces chefs-d’œuvre sont exécutés en 1814, après le départ du roi Joseph et des troupes françaises. Pourtant, dès 1808, Goya exprime sa révolte face aux atrocités dont il est le spectateur, à travers de nombreuses œuvres témoignant de la brutalité de la soldatesque napoléonienne mais aussi des exactions commises au nom de la résistance. Il réalise une série de petites toiles conservées pour lui seul dans son atelier, scènes de brigandages, de pillages, de massacres, de viols et de tortures, qui sont autant de dénonciations de la bestialité de la nature humaine, puis, à partir de 1810, une série de 82 eaux-fortes, Les désastres de la guerre, que le peintre nomme « Conséquences fatales de la guerre sanglante menée en Espagne contre Bonaparte et autres caprices emphatiques ».

Le colosse, commencé dès 1808, tient une place à part dans cette série d’œuvres. L’interprétation du tableau reste mystérieuse et a suscité des hypothèses contradictoires. Pour certains, ce géant terrifiant qui se dresse à l’horizon est le symbole de la guerre provoquant la fuite paniquée des hommes et des bêtes, l’incarnation de Napoléon lui-même. Pour d’autres, il est au contraire un gardien protecteur des Espagnols contre l’envahisseur, voire le peuple lui-même prenant conscience de sa propre force.
Quoi qu’il en soit, cette vision fantastique est celle d’un monde qui s’écroule. Elle témoigne aussi du conflit intérieur qui agite Goya. Esprit des Lumières, partisan des idéaux révolutionnaires, Goya, comme beaucoup d’Espagnols, voyait en Napoléon le sauveur qui délivrerait l’Espagne de la monarchie bourbonienne décadente et corrompue. Le sauveur est devenu l’oppresseur. Tiraillé entre convictions libérales et patriotisme, Goya laisse transparaître toute son angoisse dans cette œuvre sombre.

Karine Huguenaud, février 2002

L’attribution de ce tableau à Goya a été remise en cause lors d’une étude récente et l’œuvre n’a pas fait partie de la grande exposition organisée au musée du Prado en 2008. Il est désormais attribué à un assistant de Goya, Asencio Julià (1760-1832).
Pour en savoir plus, consulter l’article du quotidien Le Figaro.

Date :
1808 - 1812
Technique :
huile sur toile
Dimensions :
H = 1,16 m, L = 1,05 m
Lieux de conservation :
Madrid, musée du Prado
Crédits :
© www.artchive.com
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