L’exécution du duc d’Enghien

Artiste(s) : LAURENS Jean-Paul
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L’exécution du duc d’Enghien

Fils de paysans de Fourquevaux, en Haute-Garonne, Jean-Paul Laurens parvint grâce à des capacités artistiques hors du commun à entrer à l’école des Beaux-Arts de Toulouse, avant d’obtenir une bourse de la municipalité qui lui permit d’intégrer en 1860 l’atelier de Léon Coignet à Paris. Ses débuts sous le Second Empire furent difficiles – il fut l’un des Refusés du Salon de 1863-, puis ce fut le triomphe au Salon de 1872 où il reçut une médaille de première classe pour deux tableaux, L’Exécution du duc d’Enghien et Le Pape Formose et Étienne VII. Considéré par ses contemporains comme le dernier des peintres d’histoire, l’artiste connut une véritable consécration sous la IIIe République en réalisant notamment nombre de décors monumentaux pour les édifices publics, du Panthéon de Paris au Capitole de Toulouse.

Républicain imprégné de l’esprit de 1848, Laurens fut un homme de conviction qui donna à son œuvre un contenu idéologique. Au Salon de 1872, Théophile Gauthier avait salué « un artiste dont les tableaux ont produit une vive émotion sur le public, […] peintures énergiques et sombres devant lesquelles il est impossible de ne pas s’arrêter longtemps, malgré l’horreur du sujet, peut-être même à cause de cela ». Peindre la mort du duc d’Enghien n’était pas anodin. Certes, le tableau permettait à Laurens d’exposer des thèmes qui marquèrent, parfois jusqu’à l’obsession, toute son œuvre – la mort, le pouvoir, le tragique de l’existence-, mais il s’agissait aussi de dénoncer l’arbitraire politique d’un régime. En stigmatisant l’épisode le plus condamné de l’accession au trône de Napoléon, celui de l’exécution du dernier prince de Condé, Laurens s’est inscrit dans un courant anti-impérial virulent après la guerre de 1870 et la chute du Second Empire. Le tableau du Salon de 1872, qui figurait la lecture de la sentence, bien que pressenti par l’État comme acquisition, fut vendu semble-t-il à un marchand américain ; Laurens réalisa donc cette seconde version montrant l’exécution. Scène nocturne, la nuit du 20 au 21 mars 1804, lieu funeste, les douves du château de Vincennes, moment tragique, la mort d’un homme jeune fusillé à l’issue d’une parodie de procès. Le cadrage resserré, l’unique source de lumière produisant cette ombre gigantesque se découpant sur le mur, la présence du chien Mohilof, dont on sait qu’il hurla à la mort sur la tombe dans laquelle fut jeté son maître, tout concoure à la dramatisation de l’instant. Toute comme la dignité et le courage du condamné dont les derniers mots furent : « Qu’il est affreux de mourir de la main des Français… ».

Karine Huguenaud, mai 2004

Date :
1872
Technique :
huile sur toile
Dimensions :
H = 1,65 m, L = 1,04 m
Lieux de conservation :
Alençon, musée des Beaux-Arts
Crédits :
© DR.
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