La commande de ce tableau est peu documentée. On sait juste que l’idée première en revient à Guillaume Constantin, conservateur des collections de l’Impératrice à Malmaison et au peintre Isabey. Certainement commencée en 1805, l’œuvre est à peine achevée fin 1809, sans doute retardée par la réalisation de La Justice et la Vengeance divine. Une multitude d’esquisses connues retrace le cheminement du peintre pour aboutir au portrait définitif, celui qui allait s’imposer comme l’effigie la plus célèbre de l’impératrice Joséphine et laisser à la postérité cette image idéale d’une femme perdue dans sa rêverie.
De nombreux commentateurs du tableau ont vu dans l’abandon songeur de l’Impératrice l’annonce prémonitoire du divorce en 1809. Certes, Joséphine y apparaît solitaire, bien loin du faste de la Cour, même si sa toilette – la robe blanche brodée d’or, le châle de cachemire rouge et les diadèmes de sa coiffure – témoigne de sa dignité impériale. Mais si à la lumière des événements postérieurs la composition se teinte effectivement d’une troublante résonance, c’est plutôt l’influence du portrait anglais qui commande ici l’esprit du tableau. L’installation du modèle dans un paysage, le parc du château de Malmaison, fleuron de l’art des jardins sous l’Empire et création chérie de Joséphine, est surtout une évocation directe de sa passion pour la botanique. L’œuvre se réfère aussi à une vision très rousseauiste de la nature, refuge, amie, confidente, tout autant que miroir de l’âme.
S’inscrivant dans la grande tradition des portraits féminins de l’époque, le tableau en rassemble des traits marquants : la mélancolie toute romantique de la Christine Boyer de Gros, l’élégance à l’antique de la Madame Récamier de David ou la suave séduction de celle de Gérard qui, dès le Consulat, avait déjà donné un portrait de Joséphine alanguie sur un canapé.
Exposé dans la galerie de tableaux de l’Impératrice, le tableau figure dans l’inventaire après décès en 1814 puis part pour Arenenberg avec la reine Hortense. Après quelques vicissitudes, il est accroché dans les appartements de Napoléon III aux Tuileries, séquestré en septembre 1870 et définitivement attribué au musée du Louvre par une décision de justice rendue en 1879.
Karine Huguenaud, octobre 2005