Madame R. ou Rachel dans le rôle de Camille

Artiste(s) : DUBUFE Edouard-Louis
Partager
Madame R. ou Rachel dans le rôle de Camille

De toutes les figures mythiques du théâtre français, Rachel reste sans doute l’une des plus fascinantes. Née dans la pauvreté en 1821 d’un couple de colporteurs juifs alsaciens, la petite Elisa Félix, âgée d’à peine 17 ans, débuta en 1838 sous le nom de Rachel une carrière qui la mena vite au sommet de la gloire et fit d’elle la plus grande tragédienne du XIXe siècle. Citoyenne française emblématique de la deuxième génération juive après l’Emancipation, elle s’est affirmée comme un modèle unique d’intégration, au point de devenir la personnification de la République et de la Nation lors de la Révolution de 1848 par son interprétation de La Marseillaise. Première incarnation de la star internationale au sens moderne du terme, icône qui fascinait les foules, Rachel connut de son vivant la consécration, avant de disparaître en 1858 victime de la tuberculose.

Consciente de l’impact des images, Rachel collabora avec nombre d’artistes pour multiplier ses propres représentations à travers peintures, dessins, lithographies, photographies ou sculptures en série, iconographie officielle relayée et diffusée par la presse et par la caricature. C’est dans le rôle qui la vit débuter puis triompher sur la scène du Théâtre-Français, celui de Camille dans Horace de Corneille, qu’ Edouard-Louis Dubufe, portraitiste mondain qui fit une belle carrière sous le Second Empire, choisit de la peindre en 1850. Dressée dans une attitude sévère telle une statue antique, Rachel apparaît bien ici comme la comédienne à l’origine de la renaissance de la tragédie classique à l’époque romantique, rapprochement qui devint vite identification après son rôle de Phèdre en 1843. Pour tous, elle était alors Melpomène, la muse de la Tragédie, et c’est ainsi qu’Amaury Duval la représenta en 1851, puis Gérôme en 1859.

Femme libre à la vie privée aussi intense que tumultueuse, Rachel choisit certains de ses amants dans les hautes sphères du pouvoir, le prince de Joinville, fils de Louis-Philippe, le prince Louis-Napoléon, futur Napoléon III, pour qui elle déclama en 1852 les vers d’Arsène Houssaye, « L’Empire, c’est la paix », son cousin germain le prince Napoléon, avec qui elle resta liée par une profonde amitié mais aussi et surtout le comte Alexandre Walewski, le fils de Napoléon et de Marie Walewska, dont elle partagea la vie de 1843 à 1846. De cette relation passionnelle naquit en 1844 un fils, Alexandre, que Walewski reconnut à sa naissance et fit élever après la mort de Rachel avec les enfants nés de son second mariage.

Karine Huguenaud, avril 2004

Date :
1850 (Salon de 1852)
Technique :
huile sur toile
Dimensions :
H = 1,27 m, L = 1,01 m
Lieux de conservation :
Collections de la Comédie-Française
Crédits :
© Collections de la Comédie-Française - J-L Charmet
Partager