Napoléon Bonaparte, Premier Consul

Artiste(s) : PHILLIPS Thomas
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Napoléon Bonaparte, Premier Consul

Un des effets de la paix d’Amiens en 1802 fut de permettre à de nombreux Anglais de franchir la Manche pour visiter la France. Comme tant d’autres, Thomas Erskine (1750-1823) fit le voyage. Troisième fils du comte de Buchan et premier Lord Erskine, ce jurisconsulte fameux, grand admirateur de Napoléon, avait ses entrées à Malmaison grâce à Joséphine. On lui doit la commande d’un portrait du Premier consul à Thomas Phillips (1770-1845), portraitiste de renom, élu membre associé de la Royal Academy en 1804 et membre à part entière en 1808. Parmi les œuvres les plus remarquables de l’artiste se distinguent les portraits de Lord Byron, dont le célèbre Lord Byron en costume Albanais – la National Portrait Gallery possède une réplique de 1835 de l’original exécuté en 1813 -, ou le portrait d’Arthur Wellesley, duc de Wellington, daté de 1814.

Le tableau commandé par Lord Erskine est resté inachevé. Il représente Napoléon Bonaparte, alors âgé de 33 ans, dans son habit rouge de Consul à peine esquissé, cravate noire nouée autour d’un col montant. La touche enlevée, la pose atypique du modèle – un cadrage en buste très resserré, le regard triste qui se perd hors-champ, le teint maladif, l’expression mélancolique renforcée par les lèvres pincées en une légère moue, tout contraste avec l’image du héros énergique et plein d’assurance, au regard ambitieux et visionnaire, que la peinture officielle de David, Gros ou Ingres déclinait à la même époque. En 1802, Bonaparte vivait un véritable état de grâce. C’est l’année de l’apogée du Consulat où le « Washington français »  pouvait envisager sérieusement de devenir un « Washington couronné », selon l’expression qu’il emploiera lui-même à Sainte-Hélène. Ce portrait romantique dans l’âme, loin de toute idéalisation, paraît d’autant plus étonnant dans ce contexte triomphant. Mais l’intérêt des commandes privées n’est-il pas d’offrir une plus large liberté aux artistes ?

Napoléon, qui refusait quasi systématiquement de poser, n’en exerçait pas moins un contrôle actif et très sévère de son image. L’illusion que donne cette œuvre d’avoir été prise sur le vif, impression si rare dans ses portraits, peut avoir deux explications. La plus probable est que, tel Isabey profitant d’une promenade de Napoléon dans les jardins de Malmaison, Phillips ait croqué Bonaparte lors d’une réception mais, le musée Bonnat de Bayonne où le tableau est conservé avance que le Premier consul aurait, de manière tout à fait exceptionnelle, posé pour l’artiste ! Là encore, l’intervention de Joséphine n’est pas à exclure.

Cette représentation inattendue pour un portrait surprenant mérite bien, lors d’une visite au musée Bonnat, d’être redécouverte et mise en parallèle avec l’autre grand portrait inachevé des collections, celui de Napoléon par Girodet, daté de 1808.

Denis Carlier
Janvier 2009

Date :
1802
Technique :
Huile sur toile
Dimensions :
H = 42 cm, L = 35 cm
Lieux de conservation :
Bayonne, musée Bonnat
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