Tout comme les artistes français furent chargés d’immortaliser la figure de l’Empereur après le Sacre, les artistes italiens se mirent au service du nouveau souverain, proclamé roi d’Italie le 17 mars 1805 et couronné à Milan le 26 mai suivant. Et c’est au plus célèbre des peintres milanais, Andrea Appiani, que s’adressa Napoléon pour réaliser son portrait officiel, expression traditionnelle de la toute puissance du monarque paré des attributs du pouvoir.
La rencontre avec Appiani est ancienne, elle remonte à 1796 lors de la Première campagne d’Italie. C’est alors un artiste déjà accompli que découvre Bonaparte. Chef de file du néoclassicisme italien, salué pour son talent de fresquiste, il est surnommé le « peintre des Grâces » et même comparé à Raphaël. Fort de cette rencontre déterminante, Appiani ne cessera de recevoir honneurs et commandes, notamment pour des cycles décoratifs destinés aux palais de Milan. Grand portraitiste de la société de son temps, il commence dès 1796, et à partir de croquis, à peindre des effigies de Bonaparte bientôt diffusées par la gravure : général, Premier Consul, Empereur en costume de sacre. Nommé « Premier peintre » en 1805, l’artiste donne alors ce portrait fameux du roi d’Italie, connu en plusieurs versions présentant toutes des variantes (musée de l’île d’Aix, Kunsthistorisches Museum à Vienne, Dalmeny House en Ecosse, musée du Risorgimento à Milan).
Dérogeant à la grande tradition française du portrait en pied, Appiani opte ici pour un portrait en buste, plus resserré sur les insignes du pouvoir. Napoléon, de trois quarts vers la droite, porte le « petit habillement », semblable à celui porté au sacre à Notre-Dame, mais brodé sur velours vert au lieu du velours pourpre. Les fournisseurs en revanche restent les mêmes, Chevallier pour la confection, Picot pour les broderies. Si le regard est ailleurs et la bouche un peu trop sévère, l’attention portée au traitement des mains est intéressante : la droite serrant le manteau pour lui donner ce pli qui équilibre la composition, la gauche posée ouverte sur la couronne de roi d’Italie livrée par le joaillier Marguerite.
Cette version du tableau montre le roi d’Italie tête nue, alors que celle du musée de l’île d’Aix le figure ceint de la couronne de lauriers d’Empereur des Français. Ici en revanche, la grand plaque de la Légion d’honneur est remplacée par celle de l’ordre de la Couronne de fer. C’est en effet cet attribut des rois lombards (conservé à la cathédrale de Monza) que Napoléon choisit comme symbole du nouveau royaume puis comme emblème de l’ordre de chevalerie créé le 5 juin 1805.
Karine Huguenaud, mai 2005