Le 19 octobre 1812, la Grande Armée quitte Moscou et entame sa pénible retraite. Un mois plus tard, le 25 novembre 1812, elle atteint la rivière Bérézina qui lui barre la route de l’ouest. Attaquée par les Russes, elle échappe de peu à la destruction grâce au sacrifice des pontonniers du général Eblé qui construisent deux ponts permettant à la majeure partie de l’armée de franchir la rivière les 27 et 28 novembre. Le lendemain, la Grande Armée est contrainte d’abandonner ses positions et décide la destruction des ponts, abandonnant près de 10 000 hommes, femmes et enfants sur la rive orientale. Le terme de « Bérézina » est entré dans la langue française comme synonyme de « désastre », en référence aux 25 000 combattants et 30 000 non-combattants qui y ont été tués. La bataille n’en est pas moins une victoire tactique pour Napoléon qui se dégage ainsi d’une situation très compromise.
Ce dessin donne un point de vue original, loin des grandes fresques des peintres spécialisés dans les scènes de guerre comme Gros, auquel Napoléon passe commande pour magnifier ses victoires, ou encore de celles de Langlois, qui a produit de grands panoramas rétrospectifs sur la campagne de Russie. Le trait est ici celui d’un non professionnel de l’art, dans un style naïf, mais la composition détaillée tend à prouver que cette représentation a probablement été réalisée par un témoin ou un acteur du célèbre épisode de la retraite de Russie.
En effet, ce dessin, décrivant très précisément les événements, suit les témoignages tirés de récits ou mémoires de protagonistes de la Retraite, à l’instar de celui du général Langeron (1763-1831), émigré français combattant du côté russe, auquel on doit le récit suivant :
« L’artillerie légère de Wittgenstein fit pleuvoir des boulets et des obus dans cette multitude d’équipages entassés près du pont ; on peut se représenter le désordre affreux qui y régna bientôt, les cris des malheureux valets, vivandiers, malades, blessés, femmes, enfants, Français et étrangers, émigrés de Moscou qui suivaient l’armée ; écrasés sous les roues des chariots, entre les voitures, mutilés par les éclats des obus ou périssant sous la pique des cosaques, se précipitant sur le pont qui brûlait, et là, dévorés par les flammes et engloutis par les eaux. »
Grégory Spourdos, commissaire adjoint de l’exposition Napoléon et l’Europe du Musée de l’Armée (27 mars-14 juillet 2013)
Pour aller plus loin sur la peinture de la campagne de Russie
• Un article publié dans le Bulletin de la Société des amis de la bibliothèque et de l’histoire de l’École polytechnique n°62 : « Peindre la campagne de Russie : la place des X », Christian Marbach, 2018. On y trouvera une étude sur les peintures de la campagne de Russie de Jean-Charles Langlois (1789-1870).
• Le peintre Vassili Verechtchaguine (1842-1904), célèbre mondialement pour son Apothéose de la guerre (Huile sur toile, 1871 ; Galerie Trétiakov, Moscou), a peint une série d’une vingtaine de tableaux (connus) sur la campagne de Russie de 1812. ► Voir les tableaux
Mise en ligne : 14 juin 2013 – Mise à jour : novembre 2024