► Voir l’image en grand format sur le site des Collections de la Fondation Napoléon
Si la photographie fut d’abord une industrie de luxe réservée à une clientèle fortunée, elle connut sous le Second Empire une véritable démocratisation avec la mise au point du portrait « carte de visite », breveté par Disdéri en 1854. En 1860, plus de 200 photographes officiaient à Paris, chiffre qui témoigne d’un engouement touchant essentiellement des classes moyennes en quête de reconnaissance sociale. Selon Nadar, Napoléon III lui-même fut à l’origine du phénomène. Pleinement conscient de l’utilité politique de ce type d’images dont le petit format garantissait une large diffusion, l’Empereur posa à maintes reprises pour les photographes et ses « cartes de visite » remportèrent un succès commercial sans précédent. Certes, les portraits officiels du couple impérial continuaient à être exécutés par des peintres mais, à partir de 1856, date de la naissance du Prince impérial, la photographie s’affirma comme le relais le plus efficace en termes de propagande. Le plus souvent, l’Empereur et l’Impératrice vêtus comme de simples bourgeois, adoptaient sur ces clichés des attitudes moins solennelles que dans leurs portraits peints. Désacralisant la vision de souverains trop éloignés des préoccupations de leur peuple, ces photographies jouaient sur l’intimité et la proximité, en particulier dans les nombreux portraits familiaux mettant en scène les parents et leur enfant, créant en retour un phénomène d’identification propice à renforcer l’adhésion populaire.
C’est justement d’une photo du Prince impérial dont il est question ici. Réalisé par l’atelier Mayer Frères et Pierson vers 1859 – le Prince ne semble pas avoir plus de 2 ou 3 ans -, ce cliché nous montre une séance de pose dont le résultat final était destiné à la vente. Mais les photographes nous révèlent l’envers du décor en s’éloignant de la stricte prise de vue initiale, le petit Prince, solidement harnaché à la selle de son poney, se tenant devant la toile de fond. L’angle élargi montre à gauche l’écuyer tenant l’animal et, à droite, Napoléon III, assistant comme n’importe quel père à la scène. Noire et raide silhouette en redingote et haut de forme, réduit à un simple rôle de figurant, l’Empereur tient un chien en laisse dont l’aspect flou ajoute au caractère de l’instantané.
Instant volé, cette photo dans la photo nous entraîne dans les coulisses de la vie de cour. Bien loin de la propagande officielle, cette étonnante et remarquable composition en appelle à la connivence du spectateur et continue de charmer par son caractère détourné.
Karine Huguenaud, juin 2005, mise à jour septembre 2018
Le J. Paul Getty Museum (Los Angeles, États-Unis d’Amérique) possède également une photo du prince impérial sur son poney : cliquez sur le lien pour pouvoir zoomer et voir des détails.