Pierre-Joseph Proudhon et ses enfants en 1853

Artiste(s) : COURBET Gustave
Partager
Pierre-Joseph Proudhon et ses enfants en 1853
© CGFA

Artiste frondeur et indépendant au tempérament hors du commun, Courbet a construit sa popularité en défiant le gouvernement impérial. Son succès tient autant aux scandales répétés provoqués par ses tableaux aux Salons qu’à ses rapports houleux avec l’administration des Beaux-Arts. Ce magnifique orgueilleux affronta le pouvoir sans crainte, refusa commandes et achats, organisa des expositions personnelles en marge des Expositions universelles de 1855 et de 1867 et, suprême provocation, refusa  la Légion d’honneur en 1870. Par sa rupture radicale avec le système institutionnel mis en place et le développement d’un réseau de diffusion commerciale propre, sa carrière s’est ancrée dans la modernité, tout autant que son œuvre.

En 1865, Courbet présente au Salon un portrait de Proudhon, hommage au théoricien anarcho-socialiste, mais aussi à l’ami qui vient de disparaître. Les deux hommes d’origine franc-comtoise sont liés par les mêmes idées politiques. Courbet, ardent républicain, est conspué depuis 1850 pour ses toiles à sujets sociaux, ce style réaliste dont il devient le chef de file, critiqué autant pour ses thèmes mettant en scène la classe des travailleurs que pour sa manière « laide, sale et vulgaire ». C’est la même condamnation de la société du Second Empire qui transparaît dans leurs œuvres respectives. Le dernier ouvrage de Proudhon, Du principe de l’art et de sa destination sociale, publié après sa mort, fait d’ailleurs directement référence au peintre.

Courbet compose un tableau montrant son ami dans l’intimité familiale. La date choisie, 1853, correspond à la liberté retrouvée du philosophe, incarcéré depuis 1849 pour avoir défendu ses idées dans ses écrits. Le peintre s’est aidé de photographies pour brosser son portrait. Assis simplement sur des marches, livres et papiers à ses côtés témoignant de son travail, Proudhon semble méditer en fixant le spectateur. La blouse beauceronne qu’il porte, offerte par un codétenu de prison, s’affirme comme le symbole de ses origines modestes et de son combat politique. Alors qu’à l’origine l’épouse de Proudhon figurait aussi sur la toile, assise à son ouvrage derrière ses enfants, Courbet la fit disparaître en retouchant l’œuvre après 1866, ne laissant plus qu’une chaise vide. La composition ainsi recentrée sur Proudhon prend valeur de manifeste en l’honneur de celui que Courbet nommait le « pilote du XIXe siècle ».

Karine Huguenaud, février 2003

Cette œuvre a été présentée dans l’exposition Courbet / Proudhon, l’art et le peuple, à la Saline royale d’Arc-et-Senans (6 juin – 6 septembre 2010).

Date :
1865
Technique :
huile sur toile
Dimensions :
H = 1,47 m, L = 1,98 m
Lieux de conservation :
Paris, musée du Petit Palais
Partager