► Voir l’image en grand format sur le site des Collections de la Fondation Napoléon
1. Hélène Victorine Élisabeth d’Avrange : une figure de la noblesse entre Ancien Régime et Empire
Hélène Victorine Élisabeth d’Avrange, née le 25 décembre 1779 à Versailles, décédée le 27 septembre 1826 à Lillers (Pas-de-Calais), était la fille d’un grand commis d’État, chef du bureau de la Guerre et secrétaire de Monsieur, sous l’Ancien régime, issu d’une famille noble mosellane. Un de ses oncles, François d’Avrange d’Haugeranville, lieutenant-colonel et baron d’Empire, épousa une sœur du maréchal Berthier.
Veuve de M. Simon, sous-inspecteur aux revues, elle épousa en novembre 1809 en secondes noces, à l’âge de 30 ans, Albert Louis Emmanuel Fouler de Relingue (1770-1831), d’une famille noble du Pas-de-Calais faisant remonter sa généalogie à un ancêtre écossais fixé en Artois sous Louis XIV, général de division, Comte d’Empire. Écuyer commandant sous l’Empire, avec le comte Nansouty (Premier Écuyer, il secondait le Grand Écuyer Caulaincourt et assurait la continuité du service lors des absences de ce dernier. Il fut fait comte d’Empire en 1808).
2. Le portrait : jeunesse, mode et audace féminine sous le Consulat
L’authentification du portrait est certaine grâce au carton avec son nom glissé derrière la toile. Bien que la date de réalisation ne soit pas spécifiée, il est fort probable qu’elle se situe sous le Consulat, au regard de la jeunesse du modèle, du style de la coiffure et de la mode vestimentaire de l’époque.
Les cheveux bruns, courts et bouclés, le visage souriant, Victorine d’Avrange Fouler est représentée à mi-corps et presque de face, sur un fond gris clair. Portant un collier de corail, elle est vêtue d’une robe blanche, très décolletée, agrémentée d’un nœud de ruban jaune.
La coupe à la Titus, dont on fait remonter l’appellation à la prestation théâtrale de l’acteur en vogue Talma très précisément le 21 mai 1791 lorsqu’il parut sur scène dans la pièce Brutus de Voltaire où il incarnait le rôle de Titus, fut en faveur dans une certaine élite féminine (parisienne et haute bourgeoise pour la plupart) sous le Directoire. On prête souvent la première impulsion à Teresa Tallien, une des Merveilleuses, qui arbora des cheveux courts à sa sortie de prison révolutionnaire. Elle commença à décliner sous le Consulat pour disparaître à la fin de l’Empire.
Transgression de l’image féminine (le sexe se reconnaissait entre autres par ses cheveux longs bien que portés relevés, source infinie de coiffures plus ou moins élaborées), la coiffure à la Titus ne fut pas du goût de tous. Reprenant une bonne partie de l’opinion publique, un pamphlétaire se récriait à propos « des têtes de Romain ou de moines sur des corps de femmes » [1]. Devenu débat du jour, les auteurs de vaudeville s’en emparèrent bien sûr et amusèrent les spectateurs de leur ironie dans des pièces dont les titres annonçaient le thème : Les têtes à la Titus, en un acte de Vincent Lombard de Langres (Paris, Barba, an VI), ou encore Titus ou les perruques, tragédie burlesque en un acte, de Pierre-Joseph Charrin, joué pour la première fois le 12 mai 1806.
Chantal Prévot, responsable des Bibliothèques de la Fondation Napoléon (juillet 2025)
[1] Critique de la Coiffure à la Titus pour les Femmes par C. M. P. H, Paris, Fain, [1810], p. 4.
C’est ici une jeune femme à la mode que peint Boilly. Depuis le Directoire, l’Antiquité donne le ton au costume féminin. La tunique à la grecque faite de tissus vaporeux et transparents évolue vers cette légère robe blanche à taille haute et manches courtes dite « à bretelles » qui dénude les bras et la gorge. Seules fantaisies, le ruban jaune noué et la parure de corail. Les journaux de mode se firent l’écho, à partir de l’an VI (1798), de ces coiffures aux cheveux courts dites à la Titus, en Porc-épic ou à la Caracalla. Palette, un coiffeur de l’époque, fit même publier un Éloge de la coiffure à la Titus pour les dames, vantant le désordre savamment étudié de cette coupe qui « donne l’air jeune, remplace tous les ornements, les bijoux et les plumes ».
3. Louis-Léopold Boilly : le portraitiste des élites bourgeoises et mondaines
Célèbre pour ses compositions mettant en scène les mœurs de son époque, Louis-Léopold Boilly le fut aussi pour son talent de portraitiste. Caractéristique de l’abondante production de l’artiste, ce portrait en buste de trois quarts se détachant sur un fond neutre est peint sur le traditionnel châssis de 22 par 17 cm que Boilly avait toujours en provision dans son atelier. Très apprécié pour la ressemblance de ses figures, sans flatterie excessive, Boilly fut essentiellement sollicité par une clientèle bourgeoise avide de représentation. Pour satisfaire ses commanditaires, il réalisait en une ou deux séances ces petits portraits vendus pour un prix moyen de 120 francs, sans jamais laisser cependant sa rapidité d’exécution nuire à la qualité de sa peinture.
Karine Huguenaud (octobre 2004)